Cour d'Appel de Papeete

Arrêt du 6 juin 2013, RG 83/COM/13

06/06/2013

Renvoi partiel

N° 337/add

RG 83/COM/13

Copies authentiques délivrées à :

- Me Loyan,

- Me Guilloux,

- M. [E],

- MP,

le 06.06.2013.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 6 juin 2013

Monsieur Jean-Pierre SELMES, président de chambre à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

À prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

La Société Mara Télécom, société anonyme au capital de 1.100.000 FCFP, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de [LOCALITE 1] sous le numéro [...] (anciennement [...]), numéro [LOCALITE 2] [...], dont le siège social est sis 5 rue Jeanne d'Arc, immeuble, Donald, BP 40022 - 98713 Papeete, en liquidation judiciaire en vertu d'un jugement rendu par le Tribunal mixte de commerce de Papeete le 28 janvier 2013, représentée par Monsieur [J K], ès-qualité de mandataire ad'hoc dûment habilité à exercer le présent recours en vertu d'une ordonnance n° 2013000023 rendue par Monsieur le Président du Tribunal mixte de commerce de Papeete à la date du 15 février 2013 :

Monsieur [L K], en sa qualité d'ancien président directeur général de la Sa Mara Télécom, né le [DateNaissance 3] 1936 à [LOCALITE 4], de nationalité française, demeurant à [LOCALITE 5], [LOCALITE 6];

Appelants par requête en date du 15 février 2013, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le même jour, sous le numéro de rôle 13/00083, ensuite d'un jugement n° 17 du Tribunal mixte de commerce de Papeete en date du 28 janvier 2013 :

Représentés par Me Bruno LOYANT, avocat au barreau de Papeete ;

d'une part ;

Et :

Monsieur [F G], né le [DateNaissance 7] 1983 à [LOCALITE 8] - [LOCALITE 9], de nationalité française, demeurant [LOCALITE 10], [LOCALITE 11]

Monsieur [A-B C], né le [DateNaissance 12] 1970 à [LOCALITE 13], de nationalité française, demeurant [LOCALITE 14] - [LOCALITE 15] ;

Monsieur [H I], né le [DateNaissance 16] 1972 à [LOCALITE 17] [LOCALITE 18], de nationalité française, demeurant [LOCALITE 19] - [LOCALITE 20] ;

Représentés par Me Olivier GUILLOUX, avocat au barreau de Papeete ;

Monsieur [D E], mandataire judiciaire, demeurant à [LOCALITE 21] - [LOCALITE 22], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Mara Télécom, nommé par jugement du Tribunal mixte de commerce de Papeete du 28 janvier 2013 :

Concluant ;

Intimés :

En présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Jacques LEFORT, avocat générai :

Concluant ;

d'autre part ;

La cause a été débattue et plaidée en chambre du conseil du 16 mai 2013, devant M. SELMES, président de chambre, Mme TEHEIURA et M. MOYER, conseillers, assistés de Mme SUHAS- TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi :

ARRET,

Par acte d'huissier de justice du 19 mars 2012, [A-B C], [H I] et [F G] ont assigné devant le Tribunal mixte de commerce de Papeete leur ancien employeur, la SA Mara Telecom, pour voir prononcer l'ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de cette société en état de cessation des paiements.

Par jugement du 28 janvier 2013, le Tribunal mixte de commerce de Papeete, constatant l’état de cessation des paiements et considérant d'une part que les chances de redressement de cette société étaient quasi nulles et que le risque d'accroissement du passif était important, au regard notamment de l'absence de paiement du loyer commercial. a prononcé la liquidation judiciaire de cette société, ce jugement étant signifié à la société Mara Telecom le 6 février 2013.

Suivant requête déposée le 15 février 2013, la SA Mara Telecom a relevé appel de ce jugement dont elle soulève l'irrégularité tenant à la Saisine d'office irrégulière du Tribunal et dont elle sollicite en toute hypothèse l'infirmation en demandant à la Cour de prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Elle souligne que la seule demande formée contre elle était une demande d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, ce qui interdisait au Tribunal de Se saisir d'office d'une demande de liquidation judiciaire, la faculté antérieurement offerte au Tribunal de se saisir d'office aux fins d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire où de liquidation judiciaire étant désormais illégale depuis une décision du conseil constitutionnel du 7 décembre 2012. Elle fait valoir ensuite qu'elle présente des perspectives de redressement par l'élaboration d'un plan permettant le remboursement des créanciers. Par conclusions du 25 février 2013 elle déclare produire aux débats la décision du conseil constitutionnel du 7 décembre 2012.

Par conclusions du 4 mars 2013, M. le Procureur général requiert l'infirmation du jugement entrepris et l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Mara Telecom.

Par conclusions du 13 mars 2013, M. [E], liquidateur judiciaire indique tour à tour que l'exécution provisoire attachée au jugement d'ouverture de la procédure de liquidateur judiciaire a été arrêtée par ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel, que l'état des créances déclarées s'élève à 2.293.661.948 FCFP, qu'un éventuel plan de redressement ne pourrait être qu'un plan de continuation puisque la licence n'est pas transférable, qu'il ne s'oppose pas à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par conclusions du 14 mars 2013, la société Mara Telecom indique d'une part que l'exécution provisoire attachée de droit au jugement de liquidation judiciaire a été arrêté par ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 6 mars 2013, que le plan de continuation sera probablement conclu avec la filiale de l'OPT Tikiphone et non avec l'OPT, qu'une question prioritaire de constitutionnalité est soumise au conseiller de la mise en état. Par écritures distinctes déposées le 14 mars 2013, destinées au conseiller de la mise en état, la SA Mara Telecom déclare présenter une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions des articles L 640-5 du code de commerce et L 621-2 et L 622-1 du code de commerce polynésien, question dont elle souligne la recevabilité et le caractère sérieux en invoquant le caractère applicable au tige des dispositions critiquées.

Par conclusions du 10 avril 2013 et du 15 mai 2013, M. [E], liquidateur judiciaire, demande à la Cour de statuer ce que de droit en indiquant que l’état des créances déclarées représente en dernier lieu, un montant de 2.357.300.229 FCFP et qu'il n'a pas été communiqué de plan de redressement sérieux, fiable et financé.

Par conclusions du 25 avril 2013, M. Le Procureur général estime recevable la question prioritaire de constitutionnalité et requiert la Cour de la transmettre à la Cour de Cassation.

À l'audience des parties ont réitéré leurs prétentions et moyens.

Sur quoi :

Attendu que l'appel de la SA Mara Telecom interjeté dans la forme et le délai prescrits, est recevable :

Que préalablement à l'examen de l'affaire au fond, il convient de statuer sur la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par l’appelante et adressée par erreur au conseiller de la mise en état alors qu'aucun conseiller de la mise en état n'étant désigné pour l'instruction des procédures d'appel en matière de procédures collectives, cette question ne pouvait être présentée et doit être considérée comme ayant été présentée à la formation collégiale de la Cour constituant la formation de jugement ;

Qu'en application de l’article 61-1 de la constitution, lorsque, à l'occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative a porté atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du conseil d'Etat ou de la Cour de Cassation :

Attendu qu'en l'espèce, la SA Mara Telecom reproche au Tribunal mixte de commerce de Papeete d'avoir ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son encontre, sans période d'observation. alors qu'il n'était saisi que d’une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire :

Qu'elle considère que le Tribunal a statué ultra petita et s'est Saisi d'une demande qui n'avait pas été formée devant lui :

Qu'en droit le Tribunal ne pouvait se fonder que sur l'article L 622-1 du Code de commerce dans sa rédaction applicable en Polynésie française qui édicte :

- en son premier alinéa : “la procédure de liquidation judiciaire est ouverte sans période d'observation à l'égard de toute entreprise mentionnée au premier alinéa de l'article L 620-2 en état de cessation des paiements dont l'activité a cessé ou dont le redressement est manifestement impossible” :

- en son deuxième alinéa : “Elle est engagée selon les modalités prévues au second alinéa de l'article L 621-1 et aux articles L 621-2 à L 621-5... ;

et sur l'article L 621-2, deuxième alinéa, auquel il est renvoyé par l'article L 622-1 susvisé et qui prévoit “En outre le Tribunal peut se saisir d'office ou être saisi par le procureur de la république” ;

que si la critique portant sur l’article L 640-5 du code de commerce n'est pas pertinente dès lors que cet article, issu de la loi 2005.845 du 26 juillet 2005, n'est pas applicable en Polynésie française et ne peut concerner le litige en cours, par contre le moyen tiré de l'inconstitutionnalité alléguée des articles L 622-1 et L621-2 du code de commerce dans sa rédaction actuellement applicable en Polynésie, en ce qu'ils méconnaissent les exigences découlant notamment de l’article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 est recevable, dès lors qu'il a été présenté dans un écrit distinct et motivé, et est applicable à la solution du litige, puisqu'il concerne les dispositions législatives qui ont permis au Tribunal de statuer d'office Sur l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;

Que les dispositions législatives critiquées n'ont pas été déclarées conformes à la constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel :

Que le moyen soulevé n'est pas dépourvu de caractère sérieux en ce que les dispositions contestées, qui permettent au Tribunal de se Saisir d'office pour statuer sur l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, ne fixent pas les garanties légales ayant pour objet d'assurer qu'en se saisissant d'office le Tribunal ne préjuge pas sa position lorsque à l'issue de la procédure contradictoire il sera appelé à Statuer sur le fond du dossier - le conseil constitutionnel ayant par décision du 7 décembre 2012 déclaré contraires à la constitution les mots "se saisir d'office ou” du premier alinéa de l’article L 631-5 du code de commerce - ;

Attendu qu'il convient de transmettre à la Cour de Cassation la question prioritaire de constitutionnalité telle qu'elle résulte des écritures de l'appelante et de réserver les dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement après débats en chambre du conseil, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort :

Déclare recevable l'appel de la SA Mara Telecom à l'encontre du jugement du Tribunal mixte de commerce de Papeete du 28 janvier 2013;

Ordonne la transmission à la Cour de Cassation de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

"Les articles L 621-2 et L 622-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en Polynésie française, offrant la faculté au Tribunal de se saisir d'office aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, méconnaissent-ils les exigences découlant de article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ?”

Dit que le présent arrêt sera adressé à la Cour de Cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité :

Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Sursoit à statuer sur les demandes des parties :

Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du 5 décembre 2013 à 8h30 ;

Réserve les dépens.-

Prononcé à Papeete, le 6 juin 2013.

Le Greffier, Le Président,

Signé : M. SUHAS-TEVERO Signé : JP. SELMES