Conseil d'Etat

Décision du 17 mai 2013 n° 349609

17/05/2013

Renvoi

CONSEIL D'ETAT

statuant

au contentieux

CM

 

 

 

N° 349609

 

__________

 

Mme B...

__________

 

M. Régis Fraisse

Rapporteur

__________

 

Mme Gaëlle Dumortier

Rapporteur public

__________

 

Séance du 17 avril 2013

Lecture du 17 mai 2013

__________

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

 

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 5ème sous-sections réunies)

 

 

Sur le rapport de la 4ème sous-section

de la Section du contentieux

 

 

 

 

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme A... B..., demeurant 108, rue de Miromesnil à Paris (75008), en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; Mme B... demande au Conseil d'Etat, à l’appui de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre du logement du 19 juin 2009 portant suspension du conseil d'administration de l'association Aliance 1% Logement, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du premier alinéa du I de l’article L. 313-13 du code de la construction et de l’habitation, du troisième alinéa du c) de son II et de son III ;

 

 

 

…………………………………………………………………………

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

 

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de M. Régis Fraisse, Conseiller d'Etat,

 

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

 

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de Mme B... et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

 

 

 

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (…) » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu’elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

 

2. Considérant que le premier alinéa du I de l’article L. 313-13 du code de la construction et de l’habitation prévoit qu’en cas d’irrégularité grave dans l’emploi des fonds collectés au titre de la participation des employeurs à l’effort de construction, de faute grave dans la gestion, de carence dans la réalisation de l’objet social ou de non-respect des conditions d’agrément des organismes collecteurs, l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction met l’organisme collecteur contrôlé en demeure de prendre, dans un délai déterminé, toute mesure de redressement utile ; que le troisième alinéa du c) du II du même article dispose qu’en cas de carence, à l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, d’un organisme contrôlé ayant le statut d'association à caractère professionnel ou interprofessionnel, l’Agence peut proposer au ministre chargé du logement de prononcer, à titre de sanction, la suspension de son conseil d’administration et de charger l’Agence de prendre les mesures conservatoires qui s’imposent ; que le III donne, en cas d’urgence, compétence au ministre pour prononcer cette « sanction » ;

 

3. Considérant que la requérante soutient que ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les principes de nécessité et d’individualisation des peines, garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;

 

4. Considérant que ces dispositions sont applicables au présent litige au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le législateur ayant qualifié de sanction la suspension du conseil d’administration de l’organisme contrôlé sans prévoir qu’elle est prononcée pour une durée limitée, le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe de nécessité des peines, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

 

 

 

D E C I D E :

--------------

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du premier alinéa du I de l’article L. 313-13 du code de la construction et de l’habitation, du troisième alinéa du c) du II du même article et de son III est renvoyée au Conseil constitutionnel.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de Mme B... jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

 

Copie en sera adressée au Premier ministre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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