Tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt

Jugement du 1er mars 2013 n° 11-12-000752

01/03/2013

Renvoi partiel

Min N° 3

RG N° 11-12-000752

M. [P O] - M. [T U]

C/

SAS RENAULT - Société ELECTION EUROPE et autres ...

TRIBUNAL D’INSTANCE BOULOGNE BILLANCOURT

CONTENTIEUX ELECTORAL PROFESSIONNEL

JUGEMENT DU 1er mars 2013

DEMANDEURS :

Monsieur [P O], [adresse 1], [LOCALITE 2],

Monsieur [T U], [adresse 3], [LOCALITE 4], comparant représenté par M. METIN, avocat au Barreau de VERSAILLES

DÉFENDEURS :

S.A.S RENAULT, [LOCALITE 5], 92100 BOULOGNE BILLANCOURT,

SA. RENAULT, [LOCALITE 6], 92100 BOULOGNE BILLANCOURT représentées par Me POLA du Cabinet PROSKAUER ROSE LLP, avocat au barreau de PARIS, 374 rue Saint Honoré - 75001 PARIS

Société ELECTION EUROPE, [LOCALITE 7], 92100, BOULOGNE BILLANCOURT, représentée par M. [DDD].

assisté de Me SOUBELET-CAROIT, avocat au barreau de PARIS, 5 rue Maillard - 15011 PARIS

Syndicat CGT RENAULT, [adresse 8], non comparant

Monsieur [FF GG] , c/O SAS RENAULT, [adresse 9], non comparant

Monsieur [X C] , C/O SAS RENAULT, [LOCALITE 10], non comparant

Syndicat FO , [adresse 11], non comparant

Syndicat CFE-CGC, [adresse 12], non comparant

Syndicat CFDT , [adresse 13]. non comparant

Madame [QQ RR], C/O SAS RENAULT, [LOCALITE 14], [LOCALITE 15], comparant en personne

Monsieur [AA MM], C/O SAS RENAULT, [LOCALITE 16], [LOCALITE 17], non comparant

Union Syndicale SUD du Groupe RENAULT, [adresse 18], non comparant

Monsieur [M N] , C/O SAS RENAULT ,[adresse 19], non comparant

SYNDICAT LIBRE SL MAUBEUGE CONSTRUCTION AUTOMOBILE , [adresse 20], [LOCALITE 21], non comparant

Monsieur [A B-C] , C/O SAS RENAULT, [LOCALITE 22], [LOCALITE 23], non comparant

Monsieur [AA G] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 24], [LOCALITE 25], non comparant

Monsieur [SS TT] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 26], [LOCALITE 27], comparant en personne

Monsieur [SS ZZ] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 28], [LOCALITE 29], non comparant

Madame [OO PP] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 30], [LOCALITE 31], non comparant

Monsieur [BB CC], C/O SA RENAULT, [LOCALITE 32], [LOCALITE 33], non comparant

Monsieur [JJ KK] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 34], [LOCALITE 35], non comparant

Monsieur [WW XX] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 36]. [LOCALITE 37], non comparant

Monsieur [W B-I] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 38], [LOCALITE 39], non comparant

Monsieur [H I-J], C/O SA RENAULT, [LOCALITE 40]. [LOCALITE 41], [LOCALITE 42], non comparant

Madame [Q R S] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 43]. [LOCALITE 44], [LOCALITE 45], non comparant

[K L] , C/ SA RENAULT, [LOCALITE 46], [LOCALITE 47], non comparant

Madame [DD EE] , C/ O SA RENAULT, [LOCALITE 48], [LOCALITE 49], non comparant

Madame [D II] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 50], [LOCALITE 51], non comparant

Madame [HH II] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 52], [LOCALITE 53], non comparant

Monsieur [UU VV] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 54], [LOCALITE 55], non comparant

Monsieur [F B-G] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 56], [LOCALITE 57], non comparant

Monsieur [Y Z] , C/O SA RENAULT, [LOCALITE 58], [LOCALITE 59], non comparant

Union Syndicale Solidaires , [adresse 60], [LOCALITE 61], non comparant

Monsieur [AAA ZZ], C/O SA RENAULT, 13/[LOCALITE 62], [LOCALITE 63], non comparant

Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT , case 433 - 263 rue de Paris, [LOCALITE 64], représentée par M. [SS], muni d'un DOUVOIr,

Confédération Générale du Travail Force Ouvrière , 147 Avenue du Maine, 75680, [LOCALITE 65], non comparant

FEDERATION DELA METALLURGIE CFE-CGC, 33 Avenue de la République, 75011 PARIS, représentée par M. [EEE], muni d'un pouvoir,

Confédération CFDT, 4 Boulevard de la Villette, 75955, PARIS CEDEX 19, non comparant

Syndicat Départemental de la Métallurgie des Yvelines CFTC (SDMY-CFTC), 2 Bis Place de Touraine, [LOCALITE 66], représenté par M. [CCC], muni d'un mandat écrit

Monsieur [BBB] , c/o SAS RENAULT, [LOCALITE 67], [LOCALITE 68], non comparant

Syndicat CFTC de la Métallurgie des Hauts de Seine, BP 116, [LOCALITE 69], représenté par M. [LLL MMM], Président, muni d'un mandat écrit

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Mme RINAUDO Elise

Greffier : Mme DÉEMOUILLIERS

DÉBATS :

Audience publique du 4 février 2013

EXPOSE DU LITIGE

Par requête en date du 28 septembre 2012 reprise le 03 octobre 2012, Monsieur [O P] et Monsieur [U T] ont saisi le Tribunal d'instance de BOULOGNE BILLANCOURT aux fins d'intervention dans l'organisation des élections des administrateurs salariés au Conseil d'administration de la société RENAULT SAS prévues Le 05 octobre 2012.

Par requête du 08 octobre 2012, ils formulaient leurs demandes à l'encontre de la société RENAULT SA compte tenu d'une confusion entre les deux structures.

Par requête en date du 15 octobre 2012, ils contestaient les résultats des élections des administrateurs salariés de la société RENAULT intervenues du 05 au 11 octobre 2012.

Après une audience de fixation, l'affaire est venue à l'audience du 26 novembre 2012 au cours de laquelle les demandeurs ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité. L'affaire a été renvoyée pour plaidoirie sur la question prioritaire de constitutionnalité à l'audience du 11 février 2013.

En application de l’article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

En l'espèce, Monsieur [O P] et Monsieur [U T] soutenus par le syndicat SDMY- CFTC et le syndicat CFTC de la métallurgie des [LOCALITE 70] prétendent que les dispositions des articles L225-27 et L225-28 du Code de commerce portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce que :

1° ces dispositions limitent l'électorat et l'éligibilité aux seuls salariés de la société anonyme et de ses filiales en FRANCE alors que l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution dispose que tout travailleur a le droit de participer par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ;

2° l'alinéa 4 de l'article L225-28 du Code de commerce qui limite pour les listes de candidats présentées par les syndicats, cette faculté aux seuls syndicats représentatifs porte atteinte aux alinéas 5 et 6 du préambule de la Constitution ;

3° l'alinéa 4 de l'article L225-28 du Code de commerce qui impose aux candidats qui ne sont pas présentés par un syndicat d'être présentés par le vingtième des électeurs ou, si le nombre de ceux-ci est Supérieur à deux mille, par cent d'entre eux et qui impose la remise de la liste des noms des travailleurs présentant la liste viole le principe d'égalité des candidats au regard des conditions d'accès à la candidature et force la communication de la préférence et de l'opinion des travailleurs.

En réplique, la société RENAULT soutient que si les dispositions légales sont bien applicables au litige et n'ont pas déjà fait l'objet d'un contrôle de constitutionnalité, elles sont dépourvues de caractère sérieux.

1° Elle souligne que l'analogie faite par les demandeurs avec les institutions représentatives du personnel pour lesquelles les salariés mis à disposition sont effectivement pris en compte ne saurait jouer en l'espèce le rôle du Conseil d'administration étant toute autre nature et le mandat d'administrateur étant d'ailleurs incompatible avec tout mandat syndical ;

2° elle rappelle que le Conseil constitutionnel permet les dérogations au principe d'égalité syndicale pour des raisons d'intérêt général pourvu que les différences de traitement qui en résultent soient en rapport direct avec l'objet poursuivi ; elle réfute encore l'analogie faite avec les institutions représentatives du personnel et précise que les dispositions litigieuses issues du Code de commerce n'ont pas été modifiées suite à la loi du 20 août 2008 qui n'a pas à s'appliquer en l'espèce ; enfin elle relève que les syndicats non représentatifs ne sont pas totalement exclus puisqu'ils peuvent présenter un candidat ayant recueilli un certain nombre de signature ;

3° le système de « parrainage » vise à éviter une multiplication des candidatures et à garantir leur légitimité tandis que la disposition critiquée ne mentionne pas que la liste des candidats parrainés comporte une indication de leur appartenance syndicale de sorte qu'il n'y a aucune violation du secret de la liberté syndicale.

La présente affaire a été communiquée au ministère public le 26 novembre 2012 et le 20 décembre 2012, qui a fait connaître son avis le 31 janvier 2013. Le ministère public conclut à l'irrecevabilité de la demande en ayant relevé l'imprécision de la demande en ce qu'aucune question n'est matériellement formulée et en indiquant qu'il n'appartient pas au juge de procéder à la formulation de la question à transmettre.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

Le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté à l’audience dans un écrit distinct des autres observations de Monsieur [O P] et Monsieur [U T], et motivé. Il est donc recevable, aucune disposition n'exigeant la présentation de la question sous une forme interrogative.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

L'article 23-2 de l’ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies :

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue Le fondement des poursuites ;

2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, puisqu'elle est relative aux élections des administrateurs salariés des sociétés anonymes. Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

En outre, elle n’est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce que l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution vise la gestion des entreprises et pas uniquement les conditions de travail.

En revanche les autres points de contestation sont dépourvus de caractère sérieux en ce que la dérogation au principe d'égalité est limitée et justifiée par le critère de légitimité des candidatures et en ce que l'alinéa 4 de l'article L225-28 n'impose nullement l'indication de l'appartenance syndicale des candidats présentés par des électeurs.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante : l'article L225-27 du Code de commerce porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution ?

Sur les autres demandes des parties et les dépens :

En application des dispositions de l’article 23-3 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, lorsqu’une question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour de cassation ou, s’il] a été saisi, du Conseil constitutionnel.

Le cours de l’instruction n’est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires. En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés.

En l’espèce, aucun élément ne rend nécessaire que soient ordonnées des mesures provisoires ou conservatoires, ni que des points du litige soient immédiatement tranchés.

Il sera donc sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties, et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, insusceptible de recours indépendamment du jugement sur le fond,

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation de la question suivante : « l'article L225-27 du Code de commerce porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution ? » :

DIT que le présent jugement sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité remis à l’audience du 26 novembre 2012 :

DIT que les parties et le ministère public seront avisés par fout moyen de la présente décision : SURSOIT à statuer sur les demandes des parties :

DIT que l'affaire sera rappelée à l’audience du 14 octobre 2013 à 14 heures 00 si la question prioritaire de constitutionnalité est transmise au Conseil constitutionnel, ou à l’audience du lundi 24 juin 2013 à 14 heures 00 dans le cas contraire :

RESERVE les dépens.