Tribunal de grande instance de Sarreguemines

Jugement du 21 janvier 2013 n° 113480008011

21/01/2013

Renvoi

Cour d'Appel de Metz

Tribunal de Grande Instance de Sarreguemines

Jugement du : 21/01/2013

CHAMBRE CORRECTIONNELLE

CS/AM

N° minute M 94/13

N° parquet 113480008011

JUGEMENT CORRECTIONNEL

À. l'audience publique du Tribunal Correctionnel de Sarreguemines le VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE TREIZE,

Composé de :

Monsieur SEYLER Christian, président,

Madame CARRE Lucie, assesseur,

Madame RAÏMONDEAU Dominique, assesseur,

Assistés de Mademoiselle MAGNIER Angélique, greffière,

en présence de Monsieur MIRA Christophe, procureur de la République,

a été appelée l’affaire

ENTRE :

Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal, demandeur et poursuivant

ET

Raison sociale de la société : EMMAUS

Enseigne :

N° SIREN/STIRET :

N° RCS :

Adresse : RUE DU REMPART 57600 FORBACH

prise en la personne de [P F L], son représentant légal, demeurant : [adresse 1]

comparant, assisté de Mañtre ENGLER Guy avocat au barreau de SARREGUEMINES et Maître JAUFFRET Nathalie avocat au barreau de PARIS,

Prévenue des chefs de :

EXECUTION D'UN TRAVAIL DISSIMULE PAR PERSONNE MORALE faits commis du ler janvier 2009 au 15 novembre 2011 à [LOCALITE 2]

EMPLOI PAR PERSONNE MORALE, D'UN ETRANGER NON MUNI D'UNE AUTORISATION DE TRAVAIL SALARIE faits commis du ler septembre 2010 au 15 novembre 2011 à [LOCALITE 3]

AIDE A L'ENTREE, A LA CIRCULATION OÙ AU SEJOUR IRREGULIERS D'UN ETRANGER EN FRANCE faits commis du ler septembre 2010 au 15 novembre 2011 à [LOCALITE 4]

PERCEPTION FRAUDULEUSE DE PRESTATIONS AU TITRE DE L'AIDE SOCIALE faits commis du ler janvier 2010 au 15 novembre 201 1 à [LOCALITE 5]

DEBATS

À l’appel de la cause, le président a constaté la présence et l’identité de [L P F], représentant légal d'EMMAUS et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.

La prévenue a été cité par le procureur de la République, selon acte d'huissier délivré à personne morale le 22 octobre 2012,

L'association EMMAUS, prise en la personne de [P F L], son représentant légal, à comparu à l’audience ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Elle est prévenue :

- d'avoir à [LOCALITE 6] et à [LOCALITE 7] entre le 1 janvier 2009 et le 15 novembre 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription,étant employeur de personnes qui, sous couvert d'un statut non écrit de "compagnon" accomplissaient un travail effectif, étaient soumises à un lieu de subordination et contribuaient aux activités commerciales de l'association telles que la recyclerie ou le tri et la collecte de textiles usagés, notamment, omis intentionnellement de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche et omis intentionnellement de remettre un bulletin de paie lors du paiement de la rémunération s'agissant de [LLL MMM], [PP XX], [H I J], [U V], [QQQ RR], [QQQ RRR], [SS TT], [HH II], [T GGG], [JJJ KKK], [X Y], [MM NN], [R S T], [SSS TTT], [A B C D], [OOO PPP], [FF GG], [W J], [II P N], [DDD EEE] épouse [NNN], [O P J]. [BBB CCC], [ZZ AAA], [DD P EE], [Z AA], faits prévus par ARTL.8224-5, ART.L.8224-1, ART.L.8221-1 AL.] 1°, ART.L.8221-3, ART.L.8221-4, ART.L.822]-5 C.TRAVAIL. ART.121-2 C.PENAI. et réprimés par ART.L.8224.5 ART.L.8224-1 C.TRAVAIL. ART.131-38, ART.131-39 1°,2°,3°,4°,5° 8° 9° C.PENAL.

- d'avoir à [LOCALITE 8] entre Je 1 septembre 2010 et le 15 novembre 2011, en fout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, directement où par personne interposée, engagé, conservé à son service, ou employé pour quelque durée que de soit, [JJ KK], [EE VV], [H I J], [EE VV], [HHH EE], [BB CC],et [OO PP], étrangers non muni d'un titre les autorisant à exercer une activité salariée en FRANCE, faits prévus par ART.L.8256-7 AL.I, ART.L.8256-2 ALI, ART.L.5221-8 ART.L.5221-2, ART.R.5221-1 C.TRAVAIL. ART.121-2 C.PENAL. et réprimés par ART.L.8256-7, ART.L.8256-2 AL.1 C.TRAVAIL. ART.131-38, ART.131-39 1°,2°,3°,4°,5°,8°,9° C.PENAL.

- d'avoir à [LOCALITE 9] entre le 1 septembre 2010 et le 15 novembre 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, facilité, par aide directe ou indirecte, l'entrée irrégulière sur le territoire national de [JJ KK], [EE VV], [H I J], [EE VV], [HHH EE], [BB CC], [OO PP] , de nationalité étrangère , en leur fournissant un hébergement dans ses locaux et un travail, faits prévus par ART.L.622-] AL.I,AL2 CETRANGERS. et réprimés par ART.L622-1 AL.I, ART.L.622-3 C.ETRANGERS.

- d'avoir à [LOCALITE 10] entre le 1 janvier 2010 et le 15 novembre 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, perçu frauduleusement des prestations.au titre de l'aide- sociale .en l'espèce environ 60.000. euros par. : an au titre des aides au logement en produisant de fausses attestations de loyer, au préjudice de la CAF de la Moselle, faits prévus par ART.L.135-1 C.A.S.F. et réprimés par ART.L.135-1 C.A.S.F. ART313-1 AL.2, ART.313-7, ART.313-8 C.PENAL.

Maïtre JAUFFRET, conseil de l'association EMMAUS FORBACA, a déposé des conclusions en demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

En application de l’article 23-1 de l'ordonnance N° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de Cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

En l'espèce, l’association EMMAÜS FORBACH, prise en la personne de son Président, M. [P-F L], prétend que l’article L.135-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit en ce qu’elle méconnait le principe de légalité criminelle, garantie par l’article 34 de la Constitution ainsi que par les articles 5 et 7 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

La présente affaire a été communiquée au Ministère Public, qui a fait connaître son avis le 15 janvier 2013 en indiquant que le moyen était recevable, qu’en outre la disposition législative contestée constituait le fondement des poursuites, que la question était nouvelle et non dépourvue de caractère sérieux. Le Ministère Public conclut en conséquence à la transmission de la question posée à la Cour de Cassation.

Maître JAUFFRET a développé oralement ses conclusions en demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité à l'audience de ce jour ;

Le ministère public à été entendu en ses réquisitions ;

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le moyen tiré de l’atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution par les dispositions de [l’article L..135-1 du Code de FAction Sociale et des Familles :

Sur la recevabilité du moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par fa Constitution:

Le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 26 décembre 2012 (et le 17 janvier 2013, date du mémoire rectificatif) dans un écrit distinct des conclusions de l’association EMMAÜUS FORBACH, prise en la personne de son Président, M. [P-F L]. Il est donc recevable.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation :

L'article 23-2 de l’ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question priorité de constitutionnalité à la Cour de Cassation si les conditions suivantes sont remplies :

1°) la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2°) Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel :

3°) La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

En l’espèce, l’article L.135-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles constitue bien l’un des fondements des poursuites.

Cette disposition n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel.

En outre, la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux en ce qu’il est soutenu que la disposition contestée viole le principe de légalité criminelle garanti par la Constitution dans la mesure où ladite disposition serait imprécise et obscure du fait que les éléments constitutifs de l'infraction seraient insuffisamment définis de telle sorte qu’il serait impossible de déterminer quels sont les actes devant être regardés, au sens de cette qualification, comme étant constitutifs de la perception frauduleuse d’aide sociale.

Il y à donc lieu de transmettre à la Cour de Cassation la question suivante :

“L'article L.135-1 du Code de l'Action Sociale et des Familles porte-t-il atteinte au principe de légalité criminelle, garanti par l'article 34 de la Constitution ainsi que par les articles 5 et 7 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ?".

En application des dispositions de l’article 23-3 de l’ordonnance N° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, lorsqu'une question est transmise, fa juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision de La Cour de Cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil Constitutionnel.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, insusceptible de recours indépendamment du jugement sur le fond,

ORDONNE la transmission à la Cour de Cassation de la question suivante :

“L'article L.135-1 du Code de l'Action Sociale et des Familles porte-t-il atteinte au principe de légalité criminelle, garanti par l’article 54 de Ia Constitution ainsi que par les articles 5 et 7 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ?”.

DIT que le présent jugement sera adressé à la Cour de Cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

DIT que les parties et le Ministère Public seront avisés par tout moyen de la présente décision;

SURSOIT à statuer ;

DIT que l'affaire sera rappelée à l’audience du lundi 7 octobre 2013 à 14 heures.

et le présent jugement ayant été signé par le président et la greffière.

LE PRESIDENT