Cour administrative d'appel de Nancy

Arrêt du 17 janvier 2013 N° 12NC01324

17/01/2013

Renvoi

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL

DE NANCY

 

N° 12NC01324

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Société Garage Dupasquier

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M. Lapouzade

Président

 

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M. Laubriat

Rapporteur

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M. Wiernasz

Rapporteur public

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Audience du 17 décembre 2012

Lecture du 17 janvier 2013

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54-10-10

C

 

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

La Cour administrative d'appel de Nancy

 

(4ème chambre)

 

 

 

 

Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2012, présenté pour la société Garage Dupasquier dont le siège est Chemin de Blénod, à Maidieres (54700), représentée par son représentant légal en exercice, par le cabinet d'avocats Asa ; la société Garage Dupasquier demande à la cour, à l’appui de sa requête tendant à l’annulation du jugement en date du 12 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l’annulation, d’une part de la décision en date du 30 juin 2011 par laquelle le préfet de la région Lorraine lui a infligé les sanctions portant retrait de 14 copies conformes de la licence communautaire et restitution de 18 copies de la même licence, d’autre part de la décision en date du 26 juillet 2011 portant rejet de son recours gracieux :

 

Vu le mémoire enregistré le 25 juillet 2012, par lequel la société Garage Dupasquier demande à la cour d’annuler l’ordonnance du 24 avril 2012 par laquelle la présidente de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Nancy a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 3452-4 du code des transports, et de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article L. 3452-4 du code des transports ;

 

la société Garage Dupasquier soutient que les dispositions de l’article L. 3452-4 du code des transports prévoyant l’affichage dans les locaux de l’entreprise et la publication par voie de presse de la sanction prononcée contre une entreprise sur le fondement des dispositions des articles L. 3452-1 et L. 3452-2 sont contraires aux principes de nécessité et d’individualisation des peines garantis par l’article 8 et de séparation des pouvoirs garantis par l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

 

Vu l’ordonnance attaquée ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 5 septembre 2012, présenté par le préfet de la région Lorraine qui conclut au rejet de la requête ;

 

Le préfet soutient que :

 

- la mesure de publicité et d’affichage prévue par l’article L. 3452-4 du code des transports n’a pas de caractère punitif mais constitue une mesure de police destinée à informer le public dans une logique de prévention et de sécurité ;

 

- si le prononcé de la mesure de publication et l’affichage prévue par l’article L. 3452-4 du code des transports est automatique dès lors qu’est prononcée à l’encontre d’une entreprise la mesure de retrait temporaire d’une licence communautaire sur le fondement des dispositions des articles L. 3452-1 et L. 3452-2 du code des transports, l’autorité administrative dispose toutefois d’un pouvoir d’appréciation pour mettre en œuvre ou pas ladite mesure de retrait temporaire ; en tout état de cause, par application de l’article 44-1 du décret n° 85-891, l’autorité administrative garde toute latitude pour faire varier la durée de la mesure d’affichage et de publication ; l’usage autorise par ailleurs l’autorité administrative, lorsque la situation le justifie, à limiter la publication et l’affichage de la décision prononcée à l’encontre de l’entreprise contrevenante à un simple extrait ;

 

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2012, présenté par le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui conclut au rejet de la requête ;

 

Le ministre indique s’approprier les moyens développés par le préfet de la région Lorraine dans son mémoire enregistré au greffe de la cour le 5 septembre 2012 ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 modifiée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel ;

 

Vu le code des transports ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

 

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2012 :

 

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

 

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

 

- et les observations de Me Schaeffer, pour la société Garage Dupasquier ;

 

Considérant que le code des transports, dans ses articles L. 3452-1 à L. 3452-5, prévoient que des sanctions administratives peuvent être prononcées, après avis de la commission régionale des sanctions administratives, à l’encontre d’entreprises de transport routier en cas de constat d’infractions aux réglementations des transports, du travail, de l’hygiène ou de la sécurité ; qu’aux termes de l’article L. 3452-4 du même code : « Une publication de la sanction administrative prévue par les articles L. 3452-1 et L. 3452-2 est effectuée dans les locaux de l'entreprise sanctionnée et par voie de presse. » ;

 

Considérant qu’en application de ces dispositions, le préfet de la région Lorraine a, par un arrêté en date du 30 juin 2011, retiré à la société Garage Dupasquier pour une durée de six mois 14 copies conformes de sa licence communautaire et lui a fait obligation de restituer 18 copies de la même licence ; que l’article 5 de cet arrêté fait obligation à la société Dupasquier de publier à ses frais dans deux journaux régionaux un extrait dudit arrêté ainsi que de l’afficher dans ses locaux ;

 

Considérant qu’aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance susvisée du 7 novembre 1958, dans sa rédaction issue de la loi du 10 décembre 2009 : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. / En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative d'une part aux droits et libertés garantis par la Constitution et d'autre part aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. / La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'État ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige». qu’aux termes de l’article R* 771-12 du code de justice administrative : « Lorsque, en application du dernier alinéa de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l’une des parties entend contester, à l’appui d’un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d’irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l’expiration du délai d’appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission. » ;

 

Considérant qu’à l’appui de sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 1102473 en date du 12 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Moselle du 30 juin 2011 ainsi que de la décision du même préfet du 26 juillet 2011 portant rejet de son recours gracieux, la société Garage Dupasquier conteste dans les formes requises par les dispositions précitées de l’article R. 771-12 du code de justice administrative, l’ordonnance du 24 avril 2012 par laquelle la présidente de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Nancy a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 3452-4 précité du code des transports ;

 

Sur la question relative à la conformité de l’article L. 3452-4 du code des transports à l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen :

 

Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ;

 

Considérant que dans une décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, portant sur la loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, le Conseil Constitutionnel a admis la conformité des sanctions administratives aux dispositions de l’article 16 de la DDHC en décidant « que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dès lors d'une part que la sanction susceptible d'être infligée est exclusive de toute privation de liberté et d'autre part que l'exercice du pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis. » ;

 

Considérant que la question de la conformité des dispositions de l’article L. 3452-4 du code des transports prévoyant une sanction administrative de publication et d’affichage au principe de séparation des pouvoirs garanti par l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen étant ainsi dépourvu de caractère sérieux, la société Garage Dupasquier n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que la présidente de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Nancy a refusé de la transmettre au Conseil d'Etat ; que sa demande de transmission doit, en conséquence, être rejetée ;

 

Sur la question relative à la conformité de l’article L. 3452-4 du code des transports à l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen :

 

Considérant que les dispositions précitées de l’article L. 3452-4 du code des transports sont applicables au litige porté par la société Garage Dupasquier devant la cour, qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel, enfin que le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment à l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pose une question qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Garage Dupasquier est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, la présidente de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Nancy a refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité à la Constitution, notamment à l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, des dispositions précitées de l’article L. 3452-4 du code des transports, et, en conséquence, de transmettre au Conseil d’Etat ladite question ;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DÉCIDE :

 

Article 1er : La question de la conformité à l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen des dispositions de l’article L. 3452-4 du code des transports est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Le surplus des conclusions du mémoire présenté le 25 juillet 2012 par la société Garage Dupasquier est rejeté.

 

Article 3 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Garage Dupasquier, jusqu’à la réception de la décision du Conseil d’Etat ou, s’il a été saisi, jusqu’à ce que le Conseil Constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité soulevée.

 

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Garage Dupasquier et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

 

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la région Lorraine.

 

 

 

Délibéré après l’audience du 17 décembre 2012, à laquelle siégeaient :

 

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Rousselle, président,

- M. Laubriat, premier conseiller.

 

 

Lu en audience publique, le 17 janvier 2013.

 

 

 

Le rapporteur,

 

 

 

 

 

Signé : A. LAUBRIAT

Le président,

 

 

 

 

 

Signé : J. LAPOUZADE

 

 

 

La greffière,

 

 

 

 

 

Signé : F. DUPUY

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N° 12NC01324