Tribunal administratif de Lyon

Ordonnance du 10 janvier 2013 N° 1204194

10/01/2013

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LYON

 

 

N° 1204194

___________

 

COMMUNAUTE DE COMMUNES

MONTS D'OR AZERGUES

___________

 

Ordonnance du 10 janvier 2013

___________

C-BJ

 

 

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le président de la 3ème chambre,

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 17 octobre 2012, présentée pour la COMMUNAUTE DE COMMUNES MONTS D'OR AZERGUES, représentée par sa présidente en exercice, par Me Gautier, avocat au barreau de Lyon, à l’appui de sa requête enregistrée au greffe le 8 juin 2012, sous le n° 1204194, tendant notamment à l’annulation de la décision en date du 10 avril 2012 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande de rectification d’une part, du montant de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle qu’elle a perçue en 2011 et en 2012, à la suite du retrait de la commune de Lissieu qui a intégré la communauté urbaine de Lyon au 1er janvier 2011, et d’autre part, des reversements dus, pour les mêmes années, au titre du Fonds national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunales de recettes, en application de l’article 78 de la loi de finances pour 2010 ;

 

La COMMUNAUTE DE COMMUNES MONTS D'OR AZERGUES demande au tribunal de transmettre au Conseil d’Etat, en vue de sa transmission au Conseil constitutionnel, la question de la conformité aux droits et libertés reconnus par la Constitution des dispositions du IV du 1.1 du 1 de l’article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 portant loi de finances pour 2010 ainsi que celles du IV du 2.1 du 2 du même article, dans leur rédaction antérieure à sa modification issue de l’article 44 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 en tant que le calcul des dotations et reversements consécutifs à une modification de périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale, se fonde sur le critère du nombre d’habitants de chaque commune membre en méconnaissance des principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales, ainsi que du principe d’égalité ;

 

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2012, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la demande de transmission ;

 

Le préfet du Rhône soutient :

 

- que la question de la constitutionnalité des dispositions critiquées est dépourvue de caractère sérieux ; que le critère de population est un critère objectif et en lien à la concentration des bases d’imposition sur une portion du territoire ; qu’en calculant, au prorata de la population, la part de dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et de Fonds national de garantie individuelle des ressources que perd un établissement public de coopération intercommunale suite au retrait d’une commune, le législateur a entendu tenir compte de la réalité du tissu fiscal et de l’adaptation des facteurs de compensation à raison des évolutions du périmètre intercommunal ; que le législateur a entendu poursuivre un but d’intérêt général en compensant les pertes de recettes dues à la réforme de la fiscalité locale et en prenant en compte des évolutions de périmètre ; que la communauté de communes requérante n’a pas subi de bouleversement des équilibres financiers ; qu’en conséquence, ni le principe de libre administration, ni celui d’autonomie financière des collectivités territoriales des articles 72 et 72-2 de la Constitution n’est méconnu par les dispositions critiquées ;

- que la différence de traitement qu’invoque la communauté de communes requérante résulte de la succession dans le temps de deux régimes juridiques, et non d’une rupture caractérisée d’égalité devant les charges publiques ; qu’en conséquence, le principe d’égalité tiré de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’est pas méconnu par les dispositions critiquées ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 15 novembre 2012, présenté pour la COMMUNAUTE DE COMMUNES MONTS D'OR AZERGUES, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

 

Elle soutient en outre :

 

- que le critère de la population a été abandonné au motif qu’il ne respecte pas la réalité fiscale et qu’il est totalement inadapté s’agissant de la taxe professionnelle et de la contribution économique territoriale ;

- que s’agissant du bouleversement des équilibres financiers, le fait même d’entrer dans le détail du calcul financier pour déterminer si les principes constitutionnels ont été méconnus confirme le caractère sérieux de la question posée et qu’il appartient au seul Conseil constitutionnel de se prononcer sur le respect des dispositions constitutionnelles invoquées ;

- qu’elle ne bénéficie pas d’une compensation à l’euro près contrairement aux autres collectivités ; que cette différence ne résulte pas de la succession de régimes juridiques dès lors que le nouveau régime n’est pas applicable à l’espèce ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution et son préambule ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

 

Vu la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 modifiée par les lois n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 et n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

 

Vu la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

1. Considérant qu'aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. » ; qu'aux termes de l'article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. (…) » ;

 

2. Considérant que sont applicables au litige opposant la COMMUNAUTE DE COMMUNES MONTS D'OR AZERGUES au préfet du Rhône, les dispositions du 1 de l’article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 et aux termes desquelles : «1.Instauration à compter de 2011 des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle. 1.1. Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle au profit des communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.(…) IV (…) En cas de modification de périmètre, fusion, scission ou dissolution d’un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale, le montant de la dotation de compensation de chaque établissement résultant de cette opération s’obtient : 1° En calculant, pour chacun des établissements préexistants concernés par cette opération, la part de la dotation de compensation de l’établissement afférente à chaque commune par répartition du montant calculé conformément aux II, III et présent IV pour cet établissement au prorata de la population. (…) » ; ainsi que celles du 2 du même article et aux termes desquelles : « 2. Fonds nationaux de garantie individuelle des ressources. 2.1. Fonds national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunal(…)IV(…) En cas de modification de périmètre, fusion, scission ou dissolution d’un ou plusieurs établissements publics, le montant du prélèvement sur les ressources ou du reversement de chaque établissement résultant de cette opération s’obtient : 1° En calculant, pour chacun des établissements préexistants concernés par cette opération, la part du prélèvement ou du reversement intercommunal afférente à chaque commune par répartition du montant calculé conformément au III et au présent IV pour cet établissement au prorata de la population. (…) » ; que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; qu’en tant qu’elles prévoyaient, avant leur modification par la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 et s’agissant des deux dispositifs de compensation que le calcul des montants restant dus à un établissement public de coopération intercommunale en cas de retrait d’une commune membre, devait s’opérer en fonction au prorata de la population concernée, le moyen tiré de ce que ces dispositions instituant un mode de calcul ne permettant pas de compenser intégralement les pertes de recettes consécutives à ce retrait, méconnaitraient ainsi les principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales, issus des articles 72 et 72-2 de la Constitution, ainsi que le principe d’égalité, issu notamment de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soulève une question qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée ;

 

 

ORDONNE :

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du IV du 1.1 du 1 et du IV du 2.1 du 2 de l’article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête n° 1204194 de la COMMUNAUTE DE COMMUNES MONTS D'OR AZERGUES jusqu’à la réception de la décision du Conseil d’Etat ou, s’il a été saisi, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la COMMUNAUTE DE COMMUNES MONTS D'OR AZERGUES et au préfet du Rhône.

 

 

Fait à Lyon, le dix janvier deux mille treize.

 

 

Le président de chambre,

 

 

 

 

 

E. Kolbert

 

 

 

Pour expédition conforme,

Un greffier,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N° 1204194