Cour administrative d'appel de Marseille

Ordonnance du 8 janvier 2013 N° 10MA04256 QPC

08/01/2013

Renvoi

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE MARSEILLE

 

 

N° 10MA04256 QPC

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SCI A...

 

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Ordonnance du 8 janvier 2013

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

 

 

Le président de la 7ème chambre,

 

 

 

 

Vu, enregistrée le 29 novembre 2010, la requête présentée pour la SCI A..., prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est situé 32 rue Jean Mermoz à Agde (34300), par Me Bonnet de la SCP d’avocats CGCB et Associés ;

 

La SCI A... demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0805953 en date du 24 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, saisi par le préfet de l’Hérault d’un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 1er octobre 2008 à son encontre, l’a condamnée, solidairement avec M. A..., à payer une amende de 1 500 euros, à retirer des enrochements et des dépôts de matériaux présents sur le littoral au droit de la parcelle cadastrée AC n° 227 sur le territoire de la commune de Vias, à remettre en état les dépendances du domaine public dont l’occupation avait été constatée dans le procès-verbal, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi qu’à payer à l’Etat la somme de 150 euros au titre des frais engagés pour l’établissement du procès-verbal ;

2°) de relaxer les personnes poursuivies ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2012, présenté pour la SCI A... et pour M. B... A..., par Me Jeanjean, de la SCP d’avocats Scheuer, Vernet et associés, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

La SCI A... et M. A... demandent à la Cour de transmettre au Conseil d’Etat les questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, d’une part, des dispositions du 1° de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et de l’article L. 2111-5 du même code et, d’autre part, de l’article L. 2132-3 du même code ;

2°) de surseoir à statuer jusqu’à réception de la décision du Conseil constitutionnel ;

Ils soutiennent que :

- la SCI A... est propriétaire de terrains situés en zone littorale qui ont subi une forte érosion naturelle depuis le début des années 1980 ;

- du fait de l’application des dispositions du code général de la propriété des personnes publiques dont est contestée la constitutionnalité, le propriétaire de tels terrains subit un double préjudice tenant, d’une part, au fait qu’il se trouve dépossédé sans indemnité et sans pouvoir défendre ses droits, à la suite de ces phénomènes d’érosion, de tout ou partie de ses propriétés et, d’autre part, au fait qu’il est tenu de faire démolir à ses frais des aménagements dont l’administration estime qu’ils sont irrégulièrement implantés sur le domaine public maritime ;

- les dispositions du 1° de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et de l’article L. 2111-5 du même code sont contraires aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, relatifs au droit de propriété, à l’article 16 de la même déclaration en ce qu’il consacre le respect des droits de la défense et le principe du contradictoire, à l’article 7 de la charte de l’environnement et au principe constitutionnel d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

- les dispositions de l’article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques sont contraires à la jurisprudence du Conseil constitutionnel telle qu’exprimée par la décision n° 2010-604 DC du 25 février 2010 et au principe constitutionnel issu des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel « nul ne peut être punissable que de son propre fait » ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques, notamment ses articles L. 2111-4, L. 2111-5 et L. 2132-3 ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la cour administrative d’appel, saisie d’un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : « Le domaine public maritime naturel de l’Etat comprend : 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu’elle couvre et découvre jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) » ; qu’aux termes de l’article L. 2111-5 du même code : « Les limites du rivage sont constatées par l’Etat en fonction des observations opérées sur les lieux à délimiter ou des informations fournies par des procédés scientifiques. / Le projet de délimitation du rivage est soumis à enquête publique (...) /. L’acte administratif portant délimitation du rivage est publié et notifié aux riverains. Les revendications de propriété sur les portions de rivage ainsi délimitées se prescrivent par dix ans à dater de la publication. Le recours contentieux à l’encontre de l’acte de délimitation suspend ce délai. / Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions d’application du présent article, notamment les formalités propres à mettre les riverains en mesure de formuler leurs observations, ainsi que la liste des procédés scientifiques visés au premier alinéa du présent article. / Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles sont fixées la limite transversale de la mer à l’embouchure des cours d’eau et la limite des lais et relais de la mer » et qu’aux termes de l’article L. 2132-3 du même code : « Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d’amende. / Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations » ;

3. Considérant qu’un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 1er octobre 2008 à l’encontre de la SCI A... et de M. A... ; que la SCI A... indique qu’elle est propriétaire de terrains situés en zone littorale qui ont subi une forte érosion naturelle depuis le début des années 1980 et soutient que, du fait de l’application des dispositions précitées du code général de la propriété des personnes publiques dont la constitutionnalité est contestée, les propriétaires de terrains se trouvant dans une telle situation subissent un double préjudice tenant, d’une part, au fait qu’ils se trouvent dépossédés de leurs propriétés, sans indemnité et sans pouvoir bénéficier de la garantie apportée par l’intervention d’une enquête publique, à la suite de ces phénomènes d’érosion, et, d’autre part, au fait qu’ils sont tenus de faire démolir à leurs frais des aménagements qui leur appartenaient et dont l’administration estime qu’ils sont désormais irrégulièrement implantés sur le domaine public maritime ;

4. Considérant qu’il est soutenu plus particulièrement que, d’une part, les dispositions du 1° de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et de l’article L. 2111-5 du même code portent atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au principe d’égalité et aux droits de la défense garantis respectivement par les articles 6 et 16 de la même Déclaration et à l’article 7 de la Charte de l’environnement, et que, d’autre part, les dispositions de l’article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques portent atteinte au principe garanti par les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, tels qu’interprétés par le Conseil constitutionnel, selon lequel « nul ne peut être punissable que de son propre fait » ;

5. Considérant que les dispositions dont la constitutionnalité est contestée sont applicables au litige ; qu’elles n’ont, à ce jour, pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que les moyens, présentés de façon suffisamment précise, posent des questions qui ne sont pas, en l’état du dossier, dépourvues de tout caractère sérieux et qui se présentent de façon différente des questions au sujet desquelles le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer dans l’arrêt rendu le 13 juillet 2011 sous le n° 347529 et dans l’arrêt rendu le 30 mai 2012 sous le n° 357694 ; qu’ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées ;

O R D O N N E :

Article 1er : Les questions prioritaires de constitutionnalité visant les dispositions du 1° de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques, de l’article L. 2111-5 du même code et de l’article L. 2132-3 du même code sont transmises au Conseil d’État.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête susvisée jusqu’à ce qu’il ait été statué par le Conseil d’Etat ou, s’il est saisi, par le Conseil constitutionnel, sur les questions de constitutionnalité soulevées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SCI A..., à M. B... A... et au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Fait à Marseille, le 8 janvier 2013.

Le président de la 7ème chambre

Jean-Louis Bédier

La République mande et ordonne au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le Greffier,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N° 10MA04256 QPC