Tribunal administratif de Paris

Ordonnance du 3 décembre 2012 N° 1218085

03/12/2012

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

 

 

N° 1218085

___________

 

Société ASG

___________

 

Ordonnance du 3 décembre 2012

___________

 

54-10-05-03-02

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le président de la 1ère section

statuant sur le fondement de l’article R. 771-7

du code de justice administrative

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le Tribunal administratif Nom de la juridiction ,

 

(Chambre),

 

 

 

 

 

Vu la requête, enregistrée au greffe du Tribunal sous le n° 1218085 le 11 octobre 2012, présentée par la société anonyme ASG, ayant son siège 70, boulevard de Courcelles à Paris (75017), représentée par M. A... responsable de la comptabilité, dûment mandaté ; la société ASG demande au Tribunal d’ordonner que lui soit restituée la somme de 5 465 euros, augmentée d’1 % au titre des frais de gestion, correspondant à la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont elle s’est acquittée au titre de l’année 2011 ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 11 octobre 2012, présenté par la société ASG en application de l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, par lequel elle demande au Tribunal de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du III de l’article 1600 du code général des impôts et de l’article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 portant loi de finances rectificative pour 2012, ayant inséré un 1 bis après le 1 dudit article 1600 III ;

 

Elle soutient, en ce qui concerne l’article 1600 III du CGI, que ces dispositions, en ne prévoyant pas, non plus qu’aucune autre, les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ont méconnu les dispositions de l’article 34 de la Constitution et de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de sorte que c’est sans habilitation législative et en contrevenant au principe du consentement à l’impôt que cette taxe a été instaurée, et que le recouvrement a en été effectué en 2011 par l’administration en violation du droit de propriété garanti par l’article 2 de la même Déclaration ; qu’en ce qui concerne l’article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, s’il prévoit désormais les modalités de recouvrement et de contestation de la taxe, le législateur, en décidant que ces dispositions s'appliquent aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011 sous réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012, a porté atteinte au principe d’égalité devant la loi fiscale qui résulte de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, violé le droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction tel qu’il découle de l’article 16 de cette Déclaration et enfreint le droit au respect de la propriété et du patrimoine prévu à son article 2 ; que les dispositions querellées sont applicables au litige, qu’elles n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que la question posée présente un caractère sérieux ;

 

Vu, enregistré le 16 novembre 2012, le mémoire par lequel le directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et de Paris conclut au rejet, pour défaut de caractère sérieux, de la question prioritaire de constitutionnalité de la société ASG, en soutenant que les modalités de recouvrement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sont précisées au 3 du II de l’article 1586 ter du code général des impôts et que, toute taxe additionnelle comportant nécessairement les mêmes modalités de recouvrement que l’imposition à laquelle elle vient s’ajouter, le législateur a satisfait aux prescriptions de l’article 34 de la Constitution ; que subsidiairement et en tout état de cause, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être utilement invoquée dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, cette incompétence négative n’ayant en l’espèce pas mis en cause le droit de propriété ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;

 

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

 

Vu le code général des impôts ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

 

1. Considérant qu’aux termes de l’article R. 771-7 du code de justice administrative : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité » ;

 

2. Considérant qu’aux termes de l’article 23-1 de l’ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 : « Devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté par un écrit distinct et motivé (…) » ; qu’aux termes de l’article 23-2 de la même ordonnance : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ; 3° la question n’est pas dépourvue de sérieux » ;

 

En ce qui concerne le III de l’article 1600 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l’article 9 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 :

 

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsqu’à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé (…) » ; que, d’autre part, aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles (…) concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature (…) Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » ;

 

4. Considérant que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que, d’une part, la circonstance que le législateur ait omis, en adoptant les dispositions de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 codifiées au III de l’article 1600 du code général des impôts, de prévoir les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dont la constitutionnalité n’est pas contestée dans son principe par la société ASG, n’a pu, par elle-même, porter atteinte au droit de propriété des contribuables concernés, tel que garanti par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dès lors que le recouvrement de cette taxe au titre de l’année 2011, du reste consécutif à son versement spontané par les intéressés, n’a procédé que de l’action administrative du service des impôts ; que, d’autre part, les dispositions de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, d’où découle le principe du consentement à l’impôt, sont mises en œuvre par l’article 34 précité de la Constitution et n’instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l’occasion d’une instance devant une juridiction, à l’appui d’une question prioritaire de constitutionalité sur le fondement de l’article 61-1 également précité de la Constitution ; qu’il suit de là que la question prioritaire de constitutionalité posée par la société ASG est, en tant qu’elle concerne le III de l’article 1600 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l’article 9 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010, dépourvue de sérieux et qu’il n’y a, par suite, pas lieu de la transmettre au Conseil d’Etat ;

 

En ce qui concerne le 1 bis du III de l’article 1600 du code général des impôts, issu de l’article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 :

 

5. Considérant qu’aux termes de l’article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 : « I. Après le 1 du III de l'article 1600 du code général des impôts, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé : "1 bis. La taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette dernière" II. Le I s'applique aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 » ; qu’en soutenant que ces dispositions ont tout à la fois porté atteinte au principe d’égalité devant la loi fiscale qui résulte de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, violé le droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction tel qu’il découle de l’article 16 de cette Déclaration et enfreint le droit au respect de la propriété et du patrimoine prévu à son article 2, la société ASG, qui a contesté le 31 juillet 2012 la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qu’elle a payée au titre de l’année 2011, pose une question prioritaire de constitutionnalité qui n’est en revanche pas dépourvue de sérieux ; que cette question ayant été formulée par voie de mémoire distinct de la requête introduite devant le Tribunal de céans et motivé, et ces dispositions, applicables au litige, n’ayant pas été jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, il y a, par suite, lieu de la transmettre, dans cette mesure, au Conseil d’Etat ;

 

 

 

O R D O N N E :

 

 

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité posée par la société ASG est, en tant qu’elle concerne l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution portée par l’article 39 de la loi n° 2012-958 de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012, transmise au Conseil d’Etat.

 

 

Article 2 : Le surplus des conclusions aux fins de transmission du mémoire distinct de la société ASG enregistré le 11 octobre 2012, est rejeté.

 

Article 3 : Il est sursis à statuer sur la requête principale de la société ASG jusqu’à ce que le Conseil d’Etat ou, s’il est saisi, le Conseil constitutionnel se prononce sur la question visée à l’article 1er.

 

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société anonyme ASG et au directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et de Paris (Pôle de gestion fiscale de Paris Nord Est).

 

 

 

Fait à Paris, le 3 décembre 2012.

 

 

 

Le président de section,

 

 

 

 

 

P. GIRO

 

 

 

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N° 1218085