Cour d'Appel de Papeete

Arrêt du 8 novembre 2012, RG 251/CIV12

08/11/2012

Renvoi

N° 616/add

RG 251/CIV12

Copie exécutoire délivrée à :

Me L. Barle,

le 12.11.2012.

Copies authentiques délivrées à :

M. Procureur Général,

Me Lau

le 12.11.2012.

REPUBLIQUE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 8 novembre 2012

Monsieur Jean-Pierre ATTHENONT, Premier Président à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS- TEVERO, greffier ;

En audience publique solennelle tenue au Palais de Justice ;

À prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

Monsieur [A B-C],

né le [DateNaissance 1] 1966 à [LOCALITE 2],

de nationalité française,

avocat,

demeurant [LOCALITE 3]

[LOCALITE 4],

[LOCALITE 5] ;

Appelant par requête en date du 23 avril 2012, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 26 avril 2012, sous le numéro de rôle 12/00251, ensuite d'une décision du Conseil de discipline du Conseil de l'Ordre des Avocats au Barreau de Papeete en date du 23 mars 2012 :

Représenté par Me LOLLICHON-BARLE, avocat au barreau de Papeete ;

d'une part ;

Et:

Monsieur le Procureur Général près la Cour d’Appel de Papeete ;

Intimé ;

Concluant et comparant le 5 juillet 2012 par M. [D-E F] ;

En présence de l'Ordre des Avocats au Barreau de Papeete ;

Représenté par Me James LAU, avocat au barreau de Papeete ;

d'autre part ;

Après que la cause a été débattue et plaidée en audience solennelle et en chambre du conseil du 25 octobre 2012, devant M. ATTHENONT, premier président, M. SELMES, président de chambre, M. MOYER, Mme LASSUS-IGNACIO et Mme PINET-URIOT. conseillers, assistés de Mme SUHAS-TEVERO), greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

ARRET,

[A B-C], avocat au barreau de Papeete, a été sanctionné disciplinairement pour manquement à l'obligation de délicatesse et manquement à la déontologie par le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Papeete qui par décision du 23 mars 2012 a prononcé contre lui l'interdiction temporaire d'exercer pour une durée de huit mois, avec sursis.

Suivant requête déposée le 26 avril 2012, [A B-C] a relevé appel de cette décision, notifiée le 29 mars 2012. dont il sollicite l'infirmation en demandant à la Cour de dire n'y avoir lieu à sanction disciplinaire dès lors que les griefs reprochés ne sont pas établis.

Après conclusions de confirmation de M. Le Procureur général, l'appelant a présenté, par écrit distinct et motivé du 26 septembre 2012, une question prioritaire de constitutionnalité ainsi libellée :

“La loi numéro 2004-130 du 11 février 2004 qui a modifié l'article 22 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 (en instituant des conseils de discipline distincts des conseils de l'ordre) en excluant toutefois de son bénéfice les avocats inscrits au Barreau de Papeete, a t-elle, ainsi que les articles 22 et 81 de la loi du 31 décembre 1971 en son texte initial, porté atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution, faute d'accès effectif à un juge indépendant et impartial, au travers des principes d'égalité des armes et du respect des droits de la défense, ainsi qu'au principe d'égalité devant la justice - en violation des articles 1,6 te 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ?”

Il souligne le caractère sérieux et déterminant de cette question, susceptible d'entraîner la nullité de la procédure disciplinaire suivie, qui porte sur des dispositions qui n’ont pas déjà été déclarés conformes à la constitution, et demande la transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation pour saisine du Conseil Constitutionnel.

Par réquisition du 1er octobre 2012, M. le Procureur Général requiert la Cour de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation dans les termes posés par l'appelant.

Par observations écrites du 24 octobre 2012, l'Ordre des Avocats au barreau de Papeete déclare ne pas s'opposer à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité dans les termes posés par [A B-C].

À l'audience du 25 octobre 2012, se référant à leurs écrits. le Ministère Public et l'appelant, ont réitéré leurs prétentions et moyens, tendant à la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité, l'avocat de l'appelant ayant eu la parole en dernier.

Sur quoi :

Attendu que l'appel de [A B-C], interjeté dans la forme et le délai prescrits, est recevable ;

Que préalablement à l'examen de l'affaire au fond, il convient de Statuer sur la transmission à la Cour de Cassation de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par l'appelant ;

Attendu en effet qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l'occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation ;

Qu'en l'espèce, [A B-C] prétend que les articles 22 et 81 de la loi du 31 décembre 1971, en leur rédaction issue de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution en ce qu'elles excluent les avocats du barreau de Papeete du champ d'application de l'article 28 de la loi du 11 février 2004 qui, par une nouvelle rédaction de l’article 22 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, confie à un conseil de discipline institué dans le ressort de chaque cour d'appel et non plus au conseil de l'ordre de chaque barreau, la connaissance des infractions et fautes commises par les avocats des barreaux s'y trouvant établis :

Qu'en réalité cette exclusion a été introduite par l’article 8 II de l'ordonnance du 1er juin 2006, prise au visa de l’article 74-1 de la constitution après saisine de l'assemblée de la [LOCALITE 6] en date du 15 mars 2006 et par l’article 19 de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007, modifiant l'article 81 de la loi n° 71-1130 du 31 1971, qui édicte désormais “pour l'application des articles 22 à 25-1, le conseil de l'ordre du barreau de Papeete, siégeant comme conseil de discipline, connaît des infractions et fautes commises par les avocats qui y sont inscrits" ;

Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité a été présentée dans un écrit distinct et motivé :

Que la disposition de nature législative critiquée concerne l'institution même de l'organe de discipline des avocats de [LOCALITE 7] et est donc applicable au litige :

Qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel :

Qu'elle n'est pas dépourvue de caractère de sérieux en ce qu'elle allègue une atteinte au principe d'égalité que les circonstances locales ne paraissent pas pouvoir justifier et une violation du droit d'accès effectif à un juge indépendant et impartial que le nombre relativement faible des avocats inscrit au barreau de Papeete - moins de cent - peut faire redouter ;

Attendu qu'il convient de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité dans les termes proposés par l'avocat appelant et de surseoir à statuer, les dépens étant réservés ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, en formation solennelle, en matière disciplinaire, contradictoirement et en dernier ressort :

Déclare recevable l'appel de [A B-C], avocat, à l'encontre de là décision du conseil de l’ordre des avocats au barreau de Papeete du 23 mars 2012 ayant statué en matière disciplinaire ;

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

"La loi numéro 2004-130 du 11 février 2004 qui a modifié l’article 22 de la loin 71-1130 du 31 décembre 1971 (en instituant des conseils de discipline distincts des conseils de l’ordre) en excluant toutefois de Son bénéfice les avocats inscrits au barreau de Papeete, a t-elle, ainsi que les articles 22 et 81 de la loi du 31 décembre 1971 en son texte initial, porté atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution, faute d'accès effectif à un juge indépendant et impartial, au travers des principes d'égalité des armes et du respect des droits de la défense, ainsi qu'au principe d'égalité devant la justice - en violation des articles 1, 6 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ?”

Dit que le présent arrêt sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours dé son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

Dit que les parties et le ministères public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Sursoit à statuer sur les demandes des parties :

Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du 11 avril 2013 à 8h30 ;

Réserve les dépens.-

Prononcé à Papeete, le 8 novembre 2012.

Le Greffe, Le Premier Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : JP.ATTHENONT