Conseil d'Etat

Décision du 7 novembre 2012 n° 361995

07/11/2012

Renvoi

CONSEIL D'ETAT

statuant

au contentieux

MM

 

 

 

N° 361995

 

__________

 

M. B...

__________

 

M. Jérôme Marchand-Arvier

Rapporteur

__________

 

Mme Gaëlle Dumortier

Rapporteur public

__________

 

Séance du 25 octobre 2012

Lecture du 7 novembre 2012

__________

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

 

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème sous-section)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 17 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. A... B..., demeurant 17, avenue de l’Isle à Saint-Gaudens (31800), en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. B... demande au Conseil d'Etat, à l’appui de son pourvoi tendant à l’annulation de la décision n° 4917 du 10 juillet 2012 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins, après avoir annulé la décision du 8 juillet 2011 de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins d'Aquitaine, lui a infligé la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant trois ans, et décidé que cette sanction ne sera exécutée que pendant un an, à compter du 1er octobre 2012, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 145-1 et L. 145-2 du code de la sécurité sociale ;

 

 

 

 

…………………………………………………………………………

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

 

Vu le code de la sécurité sociale, notamment les articles L. 145-1 et L. 145-2 ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Maître des Requêtes,

 

- les observations de la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M.B... et de Me Foussard, avocat du médecin conseil chef de service de l’échelon local de la Haute-Garonne et de la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute Garonne,

 

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

 

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. B... et à Me Foussard, avocat du médecin conseil chef de service de l’échelon local de la Haute Garonne et de la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute Garonne ;

 

 

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (…) » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu’elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

 

2. Considérant que le requérant soutient que les dispositions de l’article L.145-1 du code de la sécurité sociale, qui déterminent la nature des faits susceptibles d’être soumis aux juridictions du contrôle technique, et de l’article L. 145-2 du même code, qui fixent la nature et l’échelle des sanctions susceptibles d’être prononcées par ces juridictions, sont contraires au principe « non bis in idem » découlant des exigences de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dans la mesure où, en particulier, le neuvième alinéa de l’article L. 145-2 n’interdit pas qu’un praticien puisse être poursuivi et sanctionné deux fois pour les mêmes faits par les juridictions du contrôle technique et par les juridictions disciplinaires ordinales ;

 

3. Considérant qu’aux termes du neuvième alinéa de l’article L. 145-2 du code de la sécurité sociale, inséré par l’ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996, plus particulièrement mis en cause par le requérant : « Les sanctions prévues au présent article ne sont pas cumulables avec les peines prévues à l'article L. 4124-6 du code de la santé publique lorsqu'elles ont été prononcées à l'occasion des mêmes faits. Si les juridictions compétentes prononcent des sanctions différentes, la sanction la plus forte peut être seule mise à exécution. » ; qu’il résulte de ces dispositions que, sous réserve des limites qui sont ainsi faites au cumul de sanctions à caractère administratif, elles n’interdisent pas le cumul des poursuites d’un praticien à l’occasion des mêmes faits devant les juridictions du contrôle technique et les juridictions disciplinaires ordinales au titre de deux législations différentes qui poursuivent des buts distincts ;

 

4. Considérant que ces dispositions du code de la sécurité sociale sont applicables au présent litige au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’en n’interdisant pas le cumul, à l’occasion des mêmes faits, des poursuites au titre des législations qui viennent d’être rappelées, ces dispositions portent atteinte à un principe « non bis in idem » ayant valeur constitutionnelle soulève une question nouvelle ; qu’ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

 

 

 

D E C I D E :

--------------

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l’article L. 145-2 du code de la sécurité sociale est renvoyée au Conseil constitutionnel.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de M. B... jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au médecin-conseil chef de service de l’échelon local de la Haute-Garonne, à la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

 

Copie en sera adressée au Premier ministre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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