Cour d'Appel de Rennes

Arrêt du 7 novembre 2012, R.G : 12/06173

07/11/2012

Renvoi

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRET N° 744

R.G : 12/06173

CHAMBRE DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE DE BREST

C/

URSSAF DU FINISTERE

Surseoit à statuer et ordonne la transmission à la Cour de Cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRET DU 07 NOVEMBRE 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Gérard SCHAMBER, Président,

Monsieur Dominique MATHIEU, Conseiller,

Mme Laurence LE QUELLEC, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Dominique BLIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

À l’audience publique du 24 Octobre 2012

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Novembre 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats,

DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR:

Date de la décision attaquée : 07 Janvier 2011

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BREST

****

DEMANDERESSE à la question prioritaire de constitutionnalité :

La CHAMBRE DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE DE BREST

[LOCALITE 1]

représentée par Me Marine KERROS, avocat au barreau de BREST

DEFENDERESSE à la question prioritaire de constitutionnalité :

URSSAEF DU FINISTERE

[LOCALITE 2]

29455 BREST CEDEX

représentée par Mme [E], en vertu d’un pouvoir spécial

FAITS ET PROCÉDURE:

Suite à un contrôle réalisé pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, l’Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du [LOCALITE 3] (URSSAF du Nord Finistère), devenue l’'URSSAF du Finistère. a notifié à la Chambre de commerce et d'industrie de Brest (la CCI de Bi st) un redressement d’un montant de 486.536 € fondé sur le fait qu’en sa nature d'établissement public d'Etat, la CCI ne saurait prétendre aux réductions de charges instituées par l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, même au titre des rémunérations versées aux salariés affectés au service des établissements publics industriels et commerciaux dont elle assure la gestion.

Le redressement ayant été maintenu par la commission de recours amiable, la CCT de Brest a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest le 5 janvier 2010. Cette juridiction validé le redressement, à hauteur d’une somme de 308.602 € aux motifs que selon le dernier alinéa de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, les réductions de cotisations sociales instituées par cet article ne s’appliquent pas aux établissements publics n’ayant pas de caractère industriel et commercial, ce qui est le cas des chambres de commerce et d'industrie, même lorsque leurs agents sont affiliés au régime général de la sécurité sociale, en ce qu’ils participent à l’exécution d’un service public industriel et commercial géré par une chambre de commerce et d’industrie.

La CCI de Brest, à laquelle le jugement a été notifié le 11 janvier 2011,en a interjeté appel le 2 février 2011.

Par un écrit distinct, parvenu au greffe le 20 mars 2012, complété par des écrits postérieurs, la CCI de Brest demande que soit transmise à la Cour de cassation, pour être portée devant le Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

“L'exclusion des chambres de commerce et d'industrie du champs d'application de la réduction Fillon qui résulte de l'article L. 241-13 IT. Du code de la sécurité sociale ne créé-elle pas une atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques”

À l’appui de sa demande de transmission, la CCI de Brest fait valoir que la disposition contestée est bien applicable au litige, qu’elle a pour effet de la mettre en situation de concurrence faussée avec des sociétés de droit privé qui bénéficient, quant à elles, des réductions de charges sociales en cause, qu’elle n’a pas, à ce jour, été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision rendue par le Conseil constitutionnel et que la question est sérieuse.

L’'URSSAF du Finistère s'oppose à la demande de transmission en répliquant que dans sa décision du 16 août 2007, par laquelle a été déclaré conforme à la Constitution le régime fiscal et social dérogatoire pour les heures supplémentaires, le Conseil constitutionnel a déjà validé le champs d’application de ce régime, calqué sur celui de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.

Le ministère public a été avisé le 10 octobre 2012 de la date des débats sur la demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

L'article L. 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui-se prononce dans un délai déterminé.

Dans le cas d’espèce, la disposition contestée, à savoir le deuxième alinéa du II. de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est bien applicable au litige dans la mesure où elle détermine le champs d’application du dispositif de réduction des cotisations à la charge de l’employeur, et fonde, de ce fait, le redressement faisant l’objet du litige.

Cette disposition n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. En effet, si par sa décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’article 1% de la loi du 21 août 2007, qui a institué, dans l’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale, un dispositif de réduction des cotisations patronales sur les heures supplémentaires selon le même champ d’application que celui défini par l’article L.241.13 TT, auquel il renvoie, le Conseil ne s’est pas spécifiquement prononcé sur la constitutionnalité de la disposition législative qui définit le champs d’application du dispositif distinct de réduction des cotisations sur les heures de travail qui ne sont pas des heures supplémentaires.

Enfin, la question n’apparaît pas dépourvue de caractère sérieux, la disposition contestée ayant pour effet de placer les chambres de commerce et d’industrie, pour des marchés identiques, en situation désavantageuse par rapport à des sociétés de droit privé.

Les conditions posées par l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 apparaissant remplies, il y a lieu d’ordonner la transmission de la question. Par application de l’article 23-3 de cette même ordonnance, il s’impose de surseoir à statuer jusqu’à la réception de la décision de la Cour de cassation ou, s’1l a été saisi, du Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS:

LA COUR, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition du greffe et insusceptible de recours indépendamment de la décision sur le fond,

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :

“L'exclusion des Chambres de commerce et d'industrie du champ d'application de la réduction F ion qui résulte de l’article L. 241-13 IL du code de la sécurité sociale ne créé-t-elle pas une atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ?” ;

Dit que le présent arrêt sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité

Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision :

Sursoit à statuer sur les demandes des parties ;

Dit que l’affaire sera rappelée à l'audience du mardi 25 juin 2013 à 9h15 si la question prioritaire de constitutionnalité est transmise au Conseil constitutionnel, ou à l’audience du mardi 12 mars 2013 à 9h15 dans le cas contraire;

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

D. BLIN G. SCHAMBER