Cour d'Appel de Basse-Terre

Arrêt du 22 octobre 2012, Affaire N° : 11/00109

22/10/2012

Renvoi

EXTRAIT DES MINUTES DU SECRÉTARIAT-GREFFÉ DE LA COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

VF-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET N° 376 DU VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE N° : 11/00109

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe en date du 7 septembre 2010.

APPELANTE

Madame [C B]

[LOCALITE 1]

[LOCALITE 2]

[LOCALITE 3]

Représentée par Alberte ALBINA-COLLIDOR (Toque 4), avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉ

Monsieur le Directeur de la CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE [LOCALITE 4]

[adresse 5]

[LOCALITE 6]

Représenté par M. [D E]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d’instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans Le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard ROUSSEAU), président de chambre, président, rapporteur

M. Jean De ROMANS, conseiller

Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller

Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour Le 22 octobre 2012 GREFFIER Lors des débats Mme Valérie F RANCILLETTE, Greffier.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC.

Signé par M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président et par Mme Valérie FRANCILLETTE, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 17 janvier 2006, Mme [A B] épouse [F] a formé opposition à la contrainte émise par la Caisse Générale de Sécurité Sociale de [LOCALITE 7] le 28 septembre 2005 et signifiée le 21 décembre de la même année, ladite contrainte portant sur les cotisations des 2e, 3e et 4e trimestres 2004, les cotisations au titre de la Contribution à la Formation Professionnelle (CFP) des années 2001 et 2004, pour un montant total de 23 482 euros.

Par jugement du 7 septembre 2010, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Guadeloupe validait ladite contrainte.

Le 13 janvier 2011, Mme [B] interjetait appel de cette décision.

Par conclusions du 29 mai 2012, remises au secrétariat greffe de la Cour le 5 juin 2012, Mme [B] soulevait une question prioritaire de constitutionnalité concernant l’article L756-5 du code de la sécurité sociale et demandait que cette question soit soumise à la Cour de Cassation aux fins de transmission devant le Conseil constitutionnel.

À l’appui de sa demande, Mme [B] explique que la loi d'orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000 prévoit que la cotisation provisionnelle calculée sur l’année N- 2, sera définitive pour l’année N, quel que soit le résultat de l’année N, même déficitaire. Elle relève que cette disposition n’est pas applicable en France métropolitaine, et que si elle avait habité en métropole elle n’aurait pas eu à payer les sommes qui lui sont réclamées. Elle invoque les dispositions de l’article Ler de la Constitution française exigeant que tous les Français soient égaux devant la loi.

Par conclusions du 20 juin 2012, le Ministère Public entend voir juger qu’il n’y a pas lieu de transmettre à La Cour de Cassation la question prioritaire de constitutionnalité, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a déjà déclaré conforme à la Constitution les dispositions de l’article L756-5 du code de la sécurité sociale issue de la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, la requérante ne rapportant aucune circonstance nouvelle de nature à reconsidérer la décision n° 2000-435 du 7 décembre 2000 du Conseil constitutionnel ayant déclaré conformes à la Constitution. les dispositions querellées.

Par conclusions du 12 juillet 2012, la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la [LOCALITE 8] sollicite le rejet de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme [B], en faisant valoir que par sa décision n° 2000-435 du 7 décembre 2000, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’article 3 de la Loi du 13 décembre 2000 instaurant l’article L 756-5 du code de la sécurité sociale.

***

Motifs de la décision :

À l’appui de sa demande Mme [B] explique qu’elle était avocat au barreau de Paris où elle a développé un cabinet à titre individuel, exploitant également un cabinet secondaire aux [LOCALITE 9] dont le principal lieu d’activité était [LOCALITE 10]. Ayant cessé son activité en métropole au 1% janvier 2002, elle a décidé de transférer son activité en [LOCALITE 11].

Elle indique qu’elle a par la suite décidé de cesser son activité d’avocat le 30 mars 2004, et que dégagée de ses activités professionnelles d’avocat et après avoir pris conseil auprès de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de [LOCALITE 12], elle a accepté de prendre la gérance majoritaire d’une société commerciale. Elle poursuite en exposant qu’elle a reçu des appels de cotisations de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de [LOCALITE 13] dont les montants n'étaient pas calculés sur ses revenus, mais sur ceux de son avant-dernière année d'avocat, lesquels étaient extrêmement élevés.

Elle fait valoir que la règle posée par l’article L756-5 du code de la sécurité sociale est très largement défavorable aux habitants des DOM et porte atteinte aux droits et libertés, qu’en effet la loi sur la sécurité sociale établit qu’une cotisation provisionnelle est calculée sur le revenu de l’année N-2 de manière provisoire en attendant de connaître le résultat de l’année considérée et que dès connaissance de ce dernier résultat de l’année N, la cotisation est recalculée en fonction de celui-ci, alors que d’après la loi d'orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, Ia cotisation provisionnelle calculée sur l’année N-2 est définitive pour l’année N, quel que soit le résultat de l’année N, même déficitaire.

Mme [B] fait valoir que si elle avait habité en métropole elle n'aurait pas eu à payer les sommes qui lui sont réclamées.

Il y a lieu de constater que la disposition légale contestée, en l'occurrence l’article L 756-5 du code de la sécurité sociale, institué par la loi d'orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, est applicable au litige dont est saisi la Cour, puisqu’il apparaît que les cotisations réclamées par la Caisse Générale de Sécurité Sociale de [LOCALITE 14] au titre de l’année 2004 ont été établies sur la base des résultats professionnels de l’année 2002, alors que Mme [B] déclare avoir cessé son activité d’avocate Je 30 mars 2004.

Contrairement à ce que relève le ministère public, le Conseil constitutionnel, dans sa décision numéro 2000-435 DC du 7 décembre 2000, n’a pas déclaré conformes à la constitution les dispositions de l’article L756- 5 du code de la sécurité sociale issu de la loi d’orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000. En effet si l’article L756-5 du code de la sécurité sociale est issu de l’article 3 de la loi d’orientation pour l’outre-mer, le Conseil constitutionnel n’a examiné, pour cet article 3, que les dispositions relatives à l’allégement des charges sociales des marins-pêcheurs.

Par ailleurs la question soulevée par Mme [B] présente un caractère sérieux, dans la mesure où, pour les travailleurs indépendants installés en outre-mer, et à l’inverse de ceux travaillant en métropole, il n’est pas tenu compte du revenu professionnel réel perçu au cours de l'année pour lesquelles les cotisations sont réclamées. Ainsi en cas de diminution d’activité, et de cessation d’activité, il n’est pas pris en compte la réduction des revenus professionnels de l’année pour lesquelles les cotisations sont exigées.

Il y a lieu en conséquence de transmettre la question de constitutionnalité soulevée par Mme [B], à la Cour de Cassation.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme [B],

Déclare recevable et bien fondée la demande de transmission de cette question à la Cour de Cassation,

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante:

“Les dispositions de l’article L756-5 du code de la sécurité sociale issues de la loi d’orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 prévoyant que la cotisation provisionnelle calculée sur l’année N -2, sera définitive pour l’année N quel que soit le résultat de l’année N, portent-elles atteinte aux droits et libertés garanties par l’article 1er de la Constitution ”

Dit que le présent arrêt sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité,

Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Sursoit à statuer sur les demandes des parties jusqu’à réception de la décision de la Cour de Cassation, ou le cas échéant celle du Conseil constitutionnel,

Réserve tout moyen et toute prétention des parties.

Le Greffier, Le Président.