Cour des comptes

Arrêt du 6 juillet 2012 n° 64406

06/07/2012

Renvoi

COUR DES COMPTES DEUXIEME CHAMBRE PREMIERE SECTION

 

 

 

 

LETTRES DE NOTIFICATION

 

DU .......06..JUILLET 2012..

 

 

Arrêt n° 64406

 

 

FONDATION DES ŒUVRES SOCIALES DE L'AIR

 

 

Question prioritaire de constitutionnalité Rapport n° 2012-151-1

Audience publique du 21 juin 2012

 

Lecture publique du 6 juillet 2012

 

LA COUR DES COMPTES a rendu l'arrêt suivant: LACOUR,

 

Vu la Constitution, notanunent son article 61-1 ;

 

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notanunent ses articles 23-1 et 23-2 ;

 

Vu le code des juridictions financières, notanunent ses articles LO. 142-2 et R. 112-18-II, alinéa 2;

 

Vu l'article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 modifiée ;

 

Vu le réquisitoire n° 2011-117 RQ-GF du 16 décembre 2011, par lequel la Cour a été saisie de présomptions de gestion de fait des deniers de l'Etat à raison d'opérations exécutées par la fédération des œuvres sociales de l'air (F.O.S.A) au cours des exercices 2008 à 2010;

 

Vu le mémoire, enregistré le 22 mai 2012 au greffe de la Cour, par lequel Maitre Dal Farra, avocat de la Fondation des œuvres sociales de l'air (F.O.S.A) a soulevé, dans le cadre de l'instance en cours, une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des premier et quatrième alinéas de l'article 60-XI de la loi de finances du 23 février 1963 aux droits et libertés que la Constitution garantit ;

 

 

MGB

 

 

 

 

 

Vu les correspondances du 25 mai 2012 par lesquelles les personnes concernées ont été informées de la reprise de l'instance devant la Cour et du fait que leur était ouverte la possibilité de présenter des observations ;

 

Vu les autres pièces du dossier;

 

Sur le rapport de M. Patrick Sitbon, conseiller référendaire ;

 

Vu les conclusions n° 446 du Procureur général de la République près la Cour des comptes ;

 

Entendu, lors de l'audience publique de ce jour, M. Sitbon, rapporteur, en son rapport, M. Christian Michaut, avocat général, en ses conclusions, Maître Thierry Dal Farra, conseil de la Fondation des Œuvres sociales et de M. Christophe Motte, Maître Raphaëlle Poupet, conseil de M. Jean-Paul A… et des onze commandants de base aérienne, parties appelées à la cause dans le cadre de l'instruction du réquisitoire susvisé et Maître Marc Bellanger, conseil de M. Jacques B… ; ces conseils ayant eu la parole en dernier ;

 

Ayant délibéré hors la présence du rapporteur et du ministère public et après avoir entendu M. Bruno Rémond, conseiller maître, en ses observations ;

 

Attendu que l'article 61-1 de la Constitution dispose : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat (...) qui se prononce dans un délai déterminé » ;

 

Attendu qu'il appartient à la Cour des comptes de se prononcer sur la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la F.O.S.A par l'intermédiaire de son conseil, avant que la Cour ne statue sur les suites à donner à l'instance ouverte par le réquisitoire du Procureur général ;

 

 

Sur la recevabilité de la demande :

 

Attendu qu'aux termes de l'article LO. 142-2 du code des juridictions financières : « I- La transmission au Conseil d'Etat, par une juridiction régie par le présent code, d'une question prioritaire de constitutionnalité obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel (...) » ;

 

Attendu qu'il résulte de l'article 61-1 qu'une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être soulevée qu'à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction ;

 

Attendu que la F.O.S.A, qui est partie à l'instance en cours, dispose de la capacité pour soulever une question de constitutionnalité ;

 

 

 

 

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée, que « (...) le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé » ; que le conseil de la F.O.S.A a produit à la Cour un mémoire distinct des conclusions principales et motivé ; que, dès lors, la condition générale de recevabilité est satisfaite ;

 

Attendu enfin que, par lettre du 25 mai 2012, le Président de la Deuxième chambre a transmis aux parties à l'instance le mémoire à fin de question prioritaire de constitutionnalité déposé pour la F.O.S.A ; que ledit courrier vaut réouverture de l'instruction sur la seule question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la F.O.S.A ;

 

Attendu dès lors que le moyen soulevé par la F.O.S.A est recevable ;

 

 

Sur la transmission au Conseil d'Etat :

 

Attendu que selon l'article 23-2 de l'ordonnance de 1958, la transmission au Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité est soumise à trois conditions ; que la disposition législative contestée doit être « applicable au litige ou à la procédure, ou [constituer] le fondement des poursuites » ; que ladite disposition ne doit pas avoir « été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances » ; que la question soulevée« n'est pas dépourvue de caractère sérieux » ;

 

Attendu que l'article 60-XI de la loi de finances du 23 février 1963, précisément identifié dans le mémoire ad hoc est applicable à l'affaire en instance et constitue le fondement des poursuites en matière de gestion de fait ;

 

Attendu que la disposition législative contestée n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ; qu'elle n'a pas été non plus déjà déclarée inconstitutionnelle dans une précédente décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité ;

 

Attendu que la transmission du moyen au Conseil d'Etat est subordonnée au constat selon lequel la question soulevée « n'est pas dépourvue de caractère sérieux» ; que l'appréciation faite sur ce point par le juge a quo ne se confond pas avec la compétence dévolue au juge ad quem, qui, sur le fondement de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée vérifie si la « question est nouvelle ou présente un caractère sérieux » ;

 

Attendu que le mémoire déposé au nom de la F.O.S.A expose que les premier et quatrième alinéa de l'article 60-XI de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ;

 

 

 

 

 

Attendu qu'aux termes des dispositions législatives ainsi contestées :

 

« XI- Toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous contrôle et pour le compte d'un comptable public, s'ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public doté d'un poste comptable ou dépendant d'un tel poste doit, nonobstant les poursuites qui pourraient être engagées devant les juridictions répressives, rendre compte au juge financier de l'emploi des fonds ou valeurs qu'elle a irrégulièrement détenus ou maniés.

 

(...)

 

 

Les comptables de fait pourront, dans le cas où ils n'ont pas fait l'objet pour les mêmes opérations des poursuites au titre du délit prévu et réprimé par l'article 433-12 du Code pénal, être condamnés aux amendes prévues par la loi ».

 

Attendu que le mémoire déposé au nom de la F.O.S.A argue que les dispositions des premier et quatrième alinéas du XI de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, qui fondent la gestion de fait et ouvrent la possibilité de condamner les comptables de fait à l'amende, ne définissent pas la notion de recette publique ; que les dispositions législatives contestées méconnaitraient ainsi le principe de légalité des peines et des délits tiré de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'au reste, en méconnaissance des dispositions de l'article 34 de la Constitution, le Parlement n'aurait pas exercé sa compétence en ne définissant pas la notion de recette publique, alors que de cette dernière peut dépendre l'application d'une peine ;

 

Attendu que la question soulevée n'est pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

Attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil d'Etat ;

 

Attendu que l'article 23-3 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 dispose que « lorsque la question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu'à réception de la décision du Conseil d'Etat (. ..) ou, s'il a été saisi, du Conseil constitutionnel. Le cours de l'instruction n'est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires » ; qu'il y a donc lieu pour la Cour de surseoir à statuer dans l'instance d'appel, sans pour autant que l'instruction soit suspendue ;

 

Par ces motifs,

 

ORDONNE:

 

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la F.O.S.A est transmise au Conseil d'Etat.

 

 

Article 2 : Il est sursis à statuer dans l'instance ouverte par le réquisitoire du Procureur général.

 

 

 

 

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la F.O.S.A, ainsi qu'à l'ensemble des parties à] 'instance à l'occasion de laquelle la question a été soulevée.

 

 

 

 

 

 

Fait et jugé à la Cour des comptes, deuxième chambre, première section le vingt-et-un juin deux mil douze. Présents : M. Lévy, président, M. Rè:mond, MM. Camoin, Paul, Mme Saliou et M. Mousson, conseillers maîtres.

 

 

Signé : Lévy, président, et Férez, greffier.

 

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes et délivré par moi, secrétaire général.

 

 

 

Pour le Secrétaire général et par délégation,

le Chef du Greffe·contentieux

 

 

 

Daniel FEREZ

 

 

 

 

 

 

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