Tribunal administratif de Rennes

Ordonnance du 16 mars 2012 N° 1003564 , 1102464 QPC

16/03/2012

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE RENNES

 

 

 

N°s 1003564, 1102464 QPC

___________

 

FEDERATION DEPARTEMENTALE

DES SYNDICATS EXPLOITANTS

AGRICOLES DU FINISTERE (FDSEA)

___________

 

Ordonnance du 16 mars 2012

 

jhg/pc

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le Tribunal administratif de Rennes

(le président de la 1ère chambre -A-)

 

 

 

 

 

Vu I°), sous le n° 1003564, la requête, enregistrée le 7 septembre 2010, présentée pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS EXPLOITANTS AGRICOLES DU FINISTERE (FDSEA), dont le siège est à la Maison de l'Agriculture, 5 allée Sully à Quimper (29322), par Me Barbier, avocat ; la FDSEA DU FINISTERE demande au tribunal :

 

- d’annuler l’arrêté du 31 mars 2010 par lequel le préfet du Finistère a délimité l’aire d’alimentation du captage d’eau potable de Kermorvan à Trébabu et a défini le programme d’action volontaire visant à diminuer les teneurs en nitrates observés dans ce captage, ensemble la décision du 15 juillet 2010 rejetant son recours gracieux,

 

- de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 19 janvier 2012, présenté pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS EXPLOITANTS AGRICOLES DU FINISTERE (FDSEA), en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la FDSEA demande au tribunal, à l’appui de sa requête, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l'environnement issues du 3° du I de l’article 21 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 ;

Elle soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent :

 

 

- le principe de participation garanti par l’article 7 de la charte constitutionnelle de l’environnement ; qu’en effet, les dispositions législatives contestées ne prévoient pas les conditions dans lesquelles pourra s’exercer le droit de participation du public, prévu à l’article 7 de la loi constitutionnelle relative à la charte de l’environnement, lors de la délimitation des zones de protection d’aires d’alimentation de captages d’eau potable et de l’établissement de programmes d’action applicables dans ces zones ;

 

 

- le principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ; qu’en effet, au contraire des articles L. 1321-2 à L. 1321-3 du code de la santé publique, les dispositions litigieuses ne prévoient aucune sorte d’indemnisation des propriétaires et occupants des terrains inclus dans une zone de protection d’aire d’alimentation de captage d’eau potable, en réparation des préjudices entraînés par l’application des programmes d’action instaurés dans ces zones ;

 

 

- le principe d’égalité devant les charges publiques garanti par l’article 13 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ; qu’en effet les dispositions litigieuses font supporter par un groupe de citoyens seulement les charges et contraintes liées à l’application de mesures prises dans l’intérêt public que constitue la préservation des milieux dans lesquels sont prélevées les eaux destinées à l’alimentation en eau potable des populations ;

 

 

 

 

 

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2012, présenté par le préfet du Finistère ; le préfet soutient que les conditions posées par l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, dès lors que la question posée est dépourvue de caractère sérieux ;

 

 

Il soutient :

 

 

- que le principe de participation n’est pas méconnu dès lors que son respect est assuré par l’article L. 120-2 du code de l'environnement qui soumet à participation du public les décisions définissant une aire de captage ; qu’en effet le 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l'environnement prévoit que des décrets déterminent les conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut délimiter, le cas échéant après qu’elles ont été identifiées dans le plan d’aménagement durable de la ressource en eau prévu par l’article L. 212-5-1 des zones de protection des aires de captages d’eau potable ; qu’ainsi les périmètres de protection peuvent être définis en application des SAGE, qui, selon les termes de l’article L. 212-6 du code de l'environnement sont soumis à enquête publique ; qu’en application de l’article L. 120-2 du code de l'environnement les décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement prise conformément à une décision ayant donné lieu à participation du public, ne sont pas elles-mêmes soumises à participation du public ;

 

 

- que le principe d’égalité devant la loi n’est pas méconnu dès lors que la délimitation d’un périmètre de protection relève d’un motif d’intérêt général et que le législateur peut, pour ce motif, déroger au principe d’égalité ; qu’en outre le Conseil constitutionnel a rappelé que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l’objet de solutions différentes et qu’en l’espèce il y a bien une différence de situation selon que l’exploitant se trouve dans ou hors du périmètre de protection ; qu’enfin le II du 5° de l’article L. 211-3 du code de l'environnement et l’article L. 1321 du code de la santé publique n’ont pas le même objet, ce dernier emportant privation du droit de propriété, contrairement au périmètre de protection qui ne peut, dès lors, donner lieu à indemnisation en application de l’article 17 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ;

 

 

- que le principe d’égalité devant les charges publiques n’est pas méconnu dès lors qu’il peut être fait application des articles 1er, 2 et 3 de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 prévoyant que toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement dans les condition définies par la loi ; qu’en effet, la cause de la dégradation des eaux du captage de Kermorvan est à rechercher dans l’activité agricole en raison d’une fertilisation nitrique excédentaire ;

 

 

 

 

 

Vu II°), sous le n° 1102464, la requête, enregistrée le 30 juin 2011, présentée pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS EXPLOITANTS AGRICOLES DU FINISTERE (FDSEA), dont le siège est à la Maison de l'Agriculture, 5 allée Sully à Quimper (29322), par Me Barbier, avocat ; la FDSEA DU FINISTERE demande au tribunal :

 

• d’annuler l’arrêté du 20 avril 2011 par lequel le préfet du Finistère a délimité l’aire d’alimentation du captage d’eau potable de Kermorvan à Trébabu et a défini le programme d’action obligatoire à mettre en œuvre pour diminuer les teneurs en nitrates observés dans ce captage,

 

• de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 19 janvier 2012, présenté pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS EXPLOITANTS AGRICOLES DU FINISTERE (FDSEA), en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la FDSEA demande au tribunal, à l’appui de sa requête, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l'environnement issues du 3° du I de l’article 21 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 ;

Elle soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent :

 

 

- le principe de participation garanti par l’article 7 de la charte constitutionnelle de l’environnement ; qu’en effet, les dispositions législatives contestées ne prévoient pas les conditions dans lesquelles pourra s’exercer le droit de participation du public, prévu à l’article 7 de la loi constitutionnelle relative à la charte de l’environnement, lors de la délimitation des zones de protection d’aires d’alimentation de captages d’eau potable et de l’établissement de programmes d’action applicables dans ces zones ;

 

 

- le principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ; qu’en effet, au contraire des articles L. 1321-2 à L. 1321-3 du code de la santé publique, les dispositions litigieuses ne prévoient aucune sorte d’indemnisation des propriétaires et occupants des terrains inclus dans une zone de protection d’aire d’alimentation de captage d’eau potable, en réparation des préjudices entraînés par l’application des programmes d’action instaurés dans ces zones ;

 

 

 

 

 

- le principe d’égalité devant les charges publiques garanti par l’article 13 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ; qu’en effet les dispositions litigieuses font supporter par un groupe de citoyens seulement les charges et contraintes liées à l’application de mesures prises dans l’intérêt public que constitue la préservation des milieux dans lesquels sont prélevées les eaux destinées à l’alimentation en eau potable des populations ;

 

 

 

 

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2012, présenté par le préfet du Finistère ; le préfet soutient que les conditions posées par l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, dès lors que la question posée est dépourvue de caractère sérieux ;

 

 

Il soutient :

 

 

- que le principe de participation n’est pas méconnu dès lors que son respect est assuré par l’article L. 120-2 du code de l'environnement qui soumet à participation du public les décisions définissant une aire de captage ; qu’en effet le 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l'environnement prévoit que des décrets déterminent les conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut délimiter, le cas échéant après qu’elles ont été identifiées dans le plan d’aménagement durable de la ressource en eau prévu par l’article L. 212-5-1 des zones de protection des aires de captages d’eau potable ; qu’ainsi les périmètres de protection peuvent être définis en application des SAGE, qui, selon les termes de l’article L. 212-6 du code de l'environnement sont soumis à enquête publique ; qu’en application de l’article L. 120-2 du code de l'environnement les décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement prise conformément à une décision ayant donné lieu à participation du public, ne sont pas elles-mêmes soumises à participation du public ;

 

 

- que le principe d’égalité devant la loi n’est pas méconnu dès lors que la délimitation d’un périmètre de protection relève d’un motif d’intérêt général et que le législateur peut, pour ce motif, déroger au principe d’égalité ; qu’en outre le Conseil constitutionnel a rappelé que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l’objet de solutions différentes et qu’en l’espèce il y a bien une différence de situation selon que l’exploitant se trouve dans ou hors du périmètre de protection ; qu’enfin le II du 5° de l’article L. 211-3 du code de l'environnement et l’article L. 1321 du code de la santé publique n’ont pas le même objet, ce dernier emportant privation du droit de propriété, contrairement au périmètre de protection qui ne peut, dès lors, donner lieu à indemnisation en application de l’article 17 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ;

 

 

- que le principe d’égalité devant les charges publiques n’est pas méconnu dès lors qu’il peut être fait application des articles 1er, 2 et 3 de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 prévoyant que toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement dans les conditions définies par la loi ; qu’en effet, la cause de la dégradation des eaux du captage de Kermorvan est à rechercher dans l’activité agricole en raison d’une fertilisation nitrique excédentaire ;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

 

 

Vu l’article 21 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques ;

 

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

 

 

 

Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d’un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ; que le second alinéa de l’article 23-2 de la même ordonnance précise que : « En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat (…) » ;

 

 

Considérant que les dispositions du 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l'environnement issues du 3° du I de l’article 21 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sont applicables au présent litige ; que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’elles porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à l’article 6 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, pose une question qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

 

 

 

O R D O N N E :

 

 

 

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l'environnement est transmise au Conseil d’Etat.

 

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS EXPLOITANTS AGRICOLES DU FINISTERE (FDSEA), jusqu'à la réception de la décision du Conseil d'Etat ou, s'il a été saisi, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

 

 

 

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS EXPLOITANTS AGRICOLES DU FINISTERE (FDSEA) et au préfet du Finistère.

 

 

 

Fait à Rennes, le 16 mars 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le président de la 1ère chambre A,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J-H. GAZIO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N°s 1003564, 1102464 QPC 2