Tribunal de grande instance de Dijon

Ordonnance du 2 décembre 2011 n° 11/653

02/12/2011

Renvoi

ORDONNANCE

N° 11/653

Vu la requête en date du 4 novernbre 2011 déposée par Maître Jean-Baptiste GAVIGNET, avocat au barreau de DIJON,

Monsieur [A B] a été embauché par la SAS GEORGES V RHONE-LOIRE-AUVERGNE par contrat à durée indéterminée en date du 12 août 2007 en qualité de responsable de développement statut cadre.

LA SAS GEORGES V RHONE-LOIRE-AUVERGNE, a, par courrier, posté le 15 juillet 2010 procédé au licenciement pour faute grave de Monsieur [A B].

Par requête en date du 4 novembre 2011 ce dernier a saisi le Président du Tribunal de Grande Instance de DIJON afin :

- d'autoriser tel huissier, qu'il plaira au Président du Tribunal susvisé de désigner, à se rendre dans les locaux de la Société GEORGES V RHONE-LOIRE-AUVERGNE accompagné d'un expert en informatique qu'il conviendra également de désigner,

- d'autoriser l'expert en informatique à prendre copie des courriers électroniques qu'il a envoyés et reçus, et ce, que les messages figurent ou non au nombre des fichiers supprimés.

A titre liminaire, Monsieur [B] prétend que l'article 54 de la loi N°2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 instituant un article 1635 bis Q du Code Général des Impôts publiée au JORF N°0175 du 30 juillet 2011 n'est pas conforme à la Constitution du 4 octobre 1958.

Il indique que cette disposition législative a instauré une contribution pour l'aide juridique par le paiement d’une taxe de 35€ à la charge du demandeur pour toute instance introduite à compter du 1er octobre 2011 en matière civile, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou une juridiction administrative.

Monsieur [B] soutient à l'appui de son mémoire de question prioritaire de constitutionnalité que l’article 54 de la loi N°2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, créant l’article 1635 bis Q du Code Général des Impôts porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Il fait ainsi valoir :

- que l’article 1635 bis Q du Code Général des Impôts prévoit que les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle sont dispensées de payer la contribution de 35€,

- que doit être posée la question de savoir si en l’état, les dispositions de la loi N°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique autorisent toute personne n'ayant pas un solde disponible en fin de mois à bénéficier de l’aide juridictionnelle,

- que l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991 fixant les conditions financières d'attribution de l’aide juridictionnelle n’exige comme seul critère que celui des ressources mensuelles et que l’article 5 de la loi susvisée prend en considération pour l'application de l'article 4 les ressources du conjoint ainsi que celles des personnes vivant habituellement au foyer et qu'il tient en outre compte de l'existence des biens meubles ou immeubles même non productifs de revenus,

- que la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ne tient nullement compte des charges supportées par la personne sollicitant le bénéfice de l’aide juridictionnelle et donc de l'absence éventuelle de revenu disponible,

- que la prise en compte par l'article 5 de la loi du 10 juillet 1991 de biens meubles ou immeubles même non productifs de revenus interdit l'accès à l’aide juridictionnelle à une personne ne disposant pas immédiatement de liquidités ou de revenus,

- que les carences de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique constituent, selon lui, un obstacle à l'accès effectif à la justice,

- que la contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35€ est enfin de nature à dissuader tout justiciable de saisir le juge d’un litige donc le montant serait faible voire inférieur à 35€,

- que l’article 54 de la loi N°2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques en ce qu'elle fait supporter le coût de la réforme de la garde à vue aux seuls justiciables demandeurs dans les instances introduites devant une juridiction judiciaire en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale, ou devant une juridiction administrative,

- que les sommes collectées au titre de la contribution pour l’aide juridique ne sont pas affectées au financement de la garde à vue,

- que le décret pris en application de l’article 54 de la loi N°2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 oblige au paiement d'un titre fiscal dont le montant est affecté au budget général de l'Etat en sorte qu'aucun lien ne peut être établi entre la contribution mise à la charge des seuls justiciables intentant une action en justice et le financement de la réforme de la garde à vue,

- que le droit de propriété garanti par l’article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit, qu'il peut être invoqué à l'appui d'une question de constitutionnalité et que le salaire doit être assimilé “à la propriété”,

- que les salariés exerçant une action devant la juridiction prud'homale sont soumis au paiement de la contribution pour l’aide juridique ce qui crée à son sens, une rupture d'égalité entre les justiciables qui en sont dispensés et ceux qui ne le sont pas,

- que l’article 54 de la loi N°2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 porte atteinte à un droit fondamental en matière sociale, et que les droits du Salarié ne sauraient être jugés comme ne méritant pas la même protection qu’une victime d'infraction pénale laquelle n’est pas assujettie au paiement de ladite contribution.

Le ministère public a sollicité la transmission à la cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par Monsieur [A B].

MOTIF DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de la demande d’examen de la question prioritaire de constitutionnalité

Il y a lieu de constater que les arguments invoqués par Monsieur [A B] pour prétendre que l’article 54 de la loi N°2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution du 4 octobre 1958 ont été développés dans un mémoire en date du 4 novembre 2011 distinct et séparé de la requête présentée le même jour.

Sur la demande de Monsieur [A B] tendant à voir transmettre la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation

L'article 23-2 de l'ordonnance N°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel dispose que la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de Cassation et qu'il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites, la disposition contestée ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel sauf changement de circonstances, et la question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux.

Il importe de relever que les nouveaux articles 62 à 62-5 du Code de Procédure Civile issus du Décret N°2011-1202 du 28 septembre 2011 relatif au droit affecté au fonds et indemnisation de la profession d'avoué près les cours d'appel et à la contribution pour l’aide juridique ont prévu à compter du 1er octobre 2011 l'assujettissement en matière civile des demandes initiales en justice, au paiement de la contribution prévue par l’article 1635 bis Q du Code Général des Impôts, à peine d'irrecevabilité.

Il y a lieu de souligner que les dispositions de l’article 54 de la loi N°2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 contestées par Monsieur [A B] sont bien applicables à la procédure dans la mesure où elles subordonnent la recevabilité de la demande par voie de requête présentée par ce dernier devant le Président du Tribunal de Grande Instance de DIJON au paiement de la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article 1635 bis Q du Code Général des Impôts, et que ni dans les motifs et le dispositif de la décision N°2011-638 DC du 28 juillet 2011 ni dans une décision postérieure, le Conseil Constitutionnel n’a déclaré les dispositions de l’article 54 conformes à la Constitution.

Il apparaît que la demande de question prioritaire de constitutionnalité n'est pas dépourvue de caractère sérieux au motif que le non paiement de la contribution à l’aide juridique entraîne l'irrecevabilité de plein droit de la demande en justice.

Il s'avère ainsi que les arguments développés par Monsieur [A B] pour soutenir que les dispositions de l’article 54 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 portent atteinte au droit d'accès effectif à la justice, au principe d'égalité devant les charges publiques et au “droit de propriété” justifient la transmission à la Cour de Cassation de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

L'article 54 de la loi N°2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, publiée au JORF N°0175 du 30 juillet 2011 respecte-t-il les principes constitutionnels du droit à un accès effectif à la justice, du principe d'égalité et, plus particulièrement, d'égalité des justiciables devant les charges publiques et du “droit de propriété” tel que qualifié dans le mémoire en date du 4 novembre 2011 ?

Il est opportun en l'état de la procédure de surseoir à statuer sur les demandes de Monsieur [B], ce dans l'attente de la décision de la Cour de Cassation sur la question prioritaire de constitutionnalité.

PAR CES MOTIFS :

Le Premier-Vice Président, statuant sur requête, en audience non publique, par décision non susceptible de recours :

- Ordonnons la transmission à la Cour de Cassation de la question suivante : L'article 54 de la loi N°2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, publiée au JORF N°0175 du 30 juillet 2011 respecte-t-il les principes constitutionnels du droit à un accès effectif à la justice, du principe d'égalité et, plus particulièrement, d'égalité des justiciables devant les charges publiques et du “droit de propriété” tel que qualifié dans le mémoire en date du 4 novembre 2011 ?

- Disons que la présente ordonnance sera adressée à la Cour de cassation avec les mémoires ou conclusions du demandeur relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

- Sursoyons à statuer sur les demandes de Monsieur [A B].

Fait à DIJON,

Le 2 décembre 2011

LE PRESIDENT