Tribunal de grande instance de Paris

Jugement du 22 novembre 2011 n° 11/13028

22/11/2011

Renvoi

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

9ème chambre lère section

N° RG:

11/13028

10/06769

N° MINUTE : 13

JUGEMENT DU 22/11/2011

TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

Demandeur à la question prioritaire :

S.A. PARIS SAINT-GERMAIN FOOTBALL

[adresse 1]

[LOCALITE 2]

Rep/assistant : Maître Eric Meier, de la SCP BAKER & MC KENZIE, avocat au barreau de PARIS

Défendeur :

Monsieur le Directeur Régional des Douanes et des Droits Indirects de Paris

[adresse 3]

[LOCALITE 4]

Rep/assistant : Maître Ralph BOUSSIER, de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION :

Bénédicte FARTHOUAT-DANON, Premier Vice-Président adjoint

Vincent BRAUD, Vice-Président

Catherine RAYNOUARD, Juge

assistés de Aurélie CARAYOL, greffier

A l’audience du 8 novembre 2011, tenue en audience publique devant Madame FARTHOUAT-DANON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux Conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2011.

Vu les articles 23-1 et suivants de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu les articles 126-1 et suivants du Code de Procédure Civile ;

Vu les conclusions signifiées le 9 septembre 2011, par lesquelles la société Paris Saint Germain Football demande au tribunal de bien vouloir transmettre, en application de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des articles 1559 et 1561 du code général des impôts au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, notamment le principe d’égalité devant l’impôt visé aux articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, et de surseoir à statuer en attendant la décision rendue par la Cour de cassation, puis, le cas échéant, par le Conseil Constitutionnel :

Vu les conclusions signifiées par le directeur régional des douanes et droits indirects de [LOCALITE 5] le 11 octobre 2011, par lesquelles il demande de refuser de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation, au motif qu’elle est dépourvue de tout caractère sérieux ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique par la société Paris Saint Germain Football le 21 octobre 2011, sollicitant la transmission de la question ;

Vu les conclusions du ministère public du 26 octobre 2011, considérant que la question prioritaire de constitutionnalité remplit les 3 conditions prévues et qu'il y a lieu de la transmettre ;

MOTIFS

Sur la recevabilité :

Aux termes de l' article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

En l’espèce la question a été présentée dans des conclusions distinctes signifiées le 9 septembre 2011, qui sont motivées. Elle est donc recevable.

Sur la transmission :

L’article 1559 du code général des impôts dispose :

“Les spectacles, jeux et divertissements de toute nature sont soumis à un impôt dans les formes et selon les modalités déterminées par les articles 1560 à 1566.

Toutefois, l'impôt ne s'applique plus qu'aux réunions sportives d'une part, aux cercles et maisons de jeux, d'autre part.”

L'article 1561 précise que :

“Sont exonérés de l'impôt prévu aux trois premières catégories du I de l'article 1560 :

1° et 2° (Dispositions devenues sans objet) ;

3° a. Jusqu'à concurrence de 3 040 euros de recettes par manifestation, les réunions Sportives organisées par des associations sportives régies par la loi du ler juillet 1901 agréées par le ministre compétent ou par des sociétés sportives visées à l'article L. 122-1 du code du sport et, jusqu'à concurrence de 760 euros, les quatre premières manifestations annuelles organisées au profit exclusif d'établissements publics ou d'associations légalement constituées agissant sans but lucratif ;

b. Toutefois, l'exemption totale peut être accordée aux compétitions relevant d'activités sportives limitativement énumérées par arrêtés des ministres de l'économie et des finances, de l'intérieur et du ministre chargé de la jeunesse et des sports.

Le conseil municipal peut, par délibération adoptée dans les conditions prévues à l'article 1639 A bis, décider que certaines catégories de compétitions, lorsqu'elles sont organisées par des associations sportives régies par la loi du ler juillet 1901 agréées par le ministre compétent, ou que l'ensemble des compétitions sportives organisées sur le territoire de la commune bénéficient de la même exonération.

c. Les organisateurs des réunions visées aux a et b doivent tenir leur comptabilité à la disposition des agents de l'administration pendant le délai prévu au premier alinéa du I de l'article L102 B du Livre des procédures fiscales ;

4° Par délibération du conseil municipal, les sommes versées à des oeuvres de bienfaisance à la suite de manifestations organisées dans le cadre de mouvements nationaux d'entraide ;

5° et 6° (Abrogés) ;

7° Les spectacles des première et troisième catégories pour lesquels il n'est pas exigé de paiement supérieur à 0,15 euro au titre d'entrée, redevance ou mise ;

8° et 9° (Dispositions devenues sans objet) ;

10° Dans les départements d'outre-mer, les spectacles organisés par les entreprises hôtelières qui ont reçu, avant le 1er janvier 1971, l'agrément prévu par le 2 de l'article 26 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966.”

Le demandeur soutient en substance que les articles 1559 et 1561 introduisent une triple différence de traitement, entre les réunions sportives et les autres spectacles, entre les réunions sportives relatives aux sports visés à l’article 126 F de l’annexe IV du code général des impôts, comme le handball et l’athlétisme, et les autres réunions sportives, comme celles concernant le football, et entre les réunions se déroulant dans des communes ayant exercé leurs facultés d'exonération, et celles se déroulant dans d’autres communes ; que ces différences de traitement ne se justifient par aucun critère objectif et rationnel, et que notamment les décisions d’exonération totale ne sont subordonnées à aucune condition spécifique.

Le directeur des douanes réplique que restent soumis à cet impôt les cercles, maisons de jeux, les appareils automatiques installés dans les lieux publics, et les réunions sportives inhérentes aux disciplines professionnelles comme le football, le rugby, le cyclisme ou le patinage artistique, qui présentent des caractéristiques qui les différencient des autres réunions sportives. Il rappelle que la taxe a un intérêt social puisqu’elle permet aux communes, d’une part de financer les centres communaux d’action sociale, d’autre part de financer les infrastructures sportives. Il fait valoir le principe d’autonomie de collectivités territoriales, et expose que les décisions d'exonération sont susceptibles de recours devant les juridictions administratives.

Le ministère public souligne que les objectifs fixés par la loi ont fluctué et qu’à l’heure actuelle le critère d’assujettissement ne paraît pas présenter les éléments indispensables de clarté, d’objectivité et de rationalité.

En application de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 , la juridiction procède à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites, qu’ elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

En l’espèce les dispositions contestées sont bien applicables au litige ; elles n’ont pas été déjà déclarées conformes à la constitution dans les motifs ou le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel.

S’agissant de la troisième condition, la question de savoir si, eu égard au but poursuivi par le législateur, les critères d’assujettissement à la taxe sur les spectacles, qui ne frappe plus que les cercles et maisons de jeux, les appareils automatiques installés dans les lieux publics, et les réunions sportives afférentes à certaines disciplines, le législateur ayant renvoyé à un arrêté ministériel la détermination d’activités sportives dont les compétitions bénéficient d’une exemption totale, sont objectifs et rationnels, n’apparaît pas dépourvue de caractère sérieux.

La question prioritaire de constitutionnalité soulevée n’étant pas dépourvue de caractère sérieux. et il convient de la transmettre à la Cour de cassation.

Il convient donc de surseoir à statuer sur les demandes au fond des parties.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire, non susceptible de recours ;

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des articles 1559 et 1561 du code général des impôts au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, notamment le principe d’égalité devant l’impôt visé aux articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Sursoit à statuer sur les demandes jusqu’à réception de la décision de la Cour de Cassation, ou, s’il a été saisi, du Conseil Constitutionnel ;

Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état du 13 mars 2012 ;

Dit que les parties, comparantes, et le ministère public, seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Réserve les dépens.

Le Président

Le Greffier