Cour d'Appel de Nîmes

Ordonnance du 18 octobre 2011 n° 11/03287

18/10/2011

Renvoi

RG N° : 11/03287

Nîmes, le 18 octobre 2011

Monsieur [C E]

[LOCALITE 1]

[adresse 2]

[LOCALITE 3]

Représentant : la SCP CURAT JARRICOT (avoués à la Cour) -

Représentant : Me MARTINEZ, substituant Me AMBROSINO (avocat au barreau d’AVIGNON)

DEMANDEUR à la QUESTION PRIORITAIRE

MINISTERE PUBLIC

représenté par Mr l’Avocat Général

Parquet Général

Cour d’Appel de Nîmes

30031 NIMES CEDEX

DEFENDEUR

ORDONNANCE du CONSEILLER de la MISE en ÉTAT

TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [C E] et Madame [A B] se sont mariés le [Date mariage 4] 2001. Le 30 décembre 2002, Monsieur [C E] souscrit devant le Tribunal d’Instance d’AVIGNON une déclaration d’acquisition de la nationalité française sur le fondement de l’article 21-2 du Code Civil. Cette déclaration sera enregistrée le 24 novembre 2003.

Par jugement en date du [Date divorce 5] 2007, le Tribunal de Grande Instance d’AVIGNON prononcera leur divorce.

Par assignation en date du 21 décembre 2009, Madame le Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance d’AVIGNON saisit cette juridiction aux fins de voir annuler l’enregistrement de la déclaration souscrite et de constater l’extranéité de Monsieur [C E].

Par jugement en date du 11 janvier 2011, 1e Tribunal fera droit à la demande du Ministère Public et annulera l’ enregistrement de a déclaration d’ acquisition de la nationalité française souscrite par Monsieur [C E] et constatera l’extranéité de ce dernier au motif que, selon l’article 21-2 du Code Civil, l’étranger qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut acquérir la nationalité française par déclaration à condition notamment qu’à la date de cette déclaration la communauté tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage. Monsieur [C E] ne démontrant pas la persistance de la communauté de vie au moment de la déclaration d’acquisition de la nationalité française, au mois de décembre 2002, la présomption de fraude est retenue.

Monsieur [C E] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 16 février 2011.

En l’espèce, Monsieur [C E] prétend dans un mémoire écrit et motivé en date du 13 Juillet 2011 que les dispositions des articles 21-1 et 26-4 du Code Civil portent atteinte aux droits et libertés garantis par l’article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, rappelée en préambule de la Constitution ; il soutient notamment que, parmi les composantes de la vie privée, figurent la vie sentimentale et la vie familiale, aux termes desquelles un individu est libre de mener sa vie de couple comme il l’entend, de se marier ou non, de se séparer, de se réconcilier... Monsieur [C E] fait valoir que l’article 26-4 du Code Civil vient dicter le comportement des époux et apporte des restrictions au droit de mener sa vie de couple, ce qui revient à préjuger de la pérennité d’une relation de couple, laquelle est sujette aux aléas de la vie amoureuse.

Ces dispositions, selon lui, portent ainsi atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce que le Conseil Constitutionnel, dans sa décision 2010-25 question prioritaire de constitutionnalité du 16 septembre 2010 (considérant n°6), a considéré que la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen implique le respect de la vie privée (Journal Officiel du 16 septembre 2010, page 16847).

A l’audience d’incident devant le conseiller de la mise en état, le Ministère Public soutient oralement que la question prioritaire de constitutionnalité n’a pas été encore tranchée par le Conseil Constitutionnel et n’est pas dépourvue de caractère sérieux. Aucun mémoire ou conclusion écrits n’ont été à ce jour déposés par le Ministère Public.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la demande de question prioritaire de constitutionnalité

En l’espèce, le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé.

La demande est donc recevable en la forme.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité

Conformément à l’article 23-2 de l’ordonnance précitée, 1l ressort de la procédure que :

- les dispositions contestées sont directement applicables au litige ou à la procédure puisqu'elles sont toutes deux relatives à la notion de communauté de vie entre époux. L’appréciation de cette notion relève du droit au respect de la vie privée garanti par les normes constitutionnelles (article 2),

- cette dispositions n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel,

- la demande de question prioritaire de constitutionnalité n’est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce que cette question présente un caractère substantiel certain dans la mesure où [es dispositions en cause sont susceptibles d’apporter des restrictions à l’intimité de la vie privée de l’individu, garantie par la Constitution comme liberté fondamentale.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de Cassation la question suivante :

“Les dispositions des articles 21-1 et 26-4 du Code Civil portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par l’article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, le Conseil Constitutionnel, dans sa décision 2010-25 question prioritaire de constitutionnalité du 16 septembre 2010 (considérant n°6) ayant considéré que la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen implique le respect de la vie privée ?”.

PAR CES MOTIFS

Nous, S. BONNIN, Conseiller, Magistrat chargé de la Mise en Etat, assistée de M. CARDOT, Adjoint Administratif Principal,

par décision contradictoire non susceptible de recours,

Vu l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, et suivants,

Vu les articles 126-1 et suivants du Code de Procédure Civile,

ORDONNONS la transmission à la Cour de Cassation de la question suivante:

“Les dispositions des articles 21-1 et 26-4 du Code Civil portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par l’article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, le Conseil Constitutionnel, dans sa décision 2010-25 question prioritaire de constitutionnalité du 16 septembre 2010 (considérant n°6) ayant considéré que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen implique le respect de la vie privée ?”.

DISONS que la présente décision sera adressée à la Cour de Cassation dans les huit jours de son prononcé, avec les mémoires ou conclusions présentées par un écrit distinct et motivé des parties relatif à la question prioritaire de constitutionnalité.

DISONS que la partie comparante et le Ministère Public seront avisés par tout moyen de la présente décision.

DISONS que l’affaire sera renvoyée à l’audience de mise en état du mardi 6 décembre 2011 à 9h00, le cas échéant aux fins de fixation au fond, dans l’attente de l’issue de la transmission ordonnée.

RESERVONS les dépens.

Le Greffier, Le Magistrat,