Cour d'Appel de Nîmes

Arrêt du 20 septembre 2011 n° 11/02333

20/09/2011

Renvoi

COUR D'APPEL DE NIMES

30031 NIMES CEDEX

1ère Chambre B

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2011

TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

DOSSIER : 11/02333

N° Minute : 595

Demandeur à la question prioritaire :

SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE POUR LE COMMERCE EXTERIEUR (COFAGE) venant aux droits de la société UNISTRAT ASSURANCES, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social situé

12 Cours Michelet

La Défense 10

[LOCALITE 1]

Rep/assistant : la SCP MARION GUIZARD PATRICIA SERVAIS (avoués à la Cour)

Rep/assistant : Me Norbert COHEN (avocat au barreau de PARIS)

Défendeur :

SNC [C]

[LOCALITE 2]

[LOCALITE 3]

Rep/assistant : la SCP POMIES-RICHAUD VAJOU (avoués à la Cour)

Rep/assistant : Me Ludovic SEREE DE ROCH (avocat au barreau de TOULOUSE)

Monsieur [B C]

[LOCALITE 4]

[LOCALITE 5]

Rep/assistant : la SCP POMIES-RICHAUD VAJOU (avoués à la Cour)

Rep/assistant : Me Ludovic SEREE DE ROCH (avocat au barreau de TOULOUSE)

Monsieur [A C]

[adresse 6]

[LOCALITE 7]

Rep/assistant : la SCP POMIES-RICHAUD VAJOU (avoués à la Cour)

Rep/assistant : Me Ludovic SERÉE DE ROCH (avocat au barreau de TOULOUSE)

Madame [D C] divorcée [E],

domiciliée [LOCALITE 8] [LOCALITE 9] et

Actuellement [LOCALITE 10]

[LOCALITE 11]

Rep/assistant : la SCP POMIES-RICHAUD VAJOU (avoués à la Cour)

Rep/assistant : Me Ludovic SERRE DE ROCH (avocat au barreau de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Gérard DELTEL, Président,

Mme Isabelle THERY, Conseiller,

Mme Nicole BERTHET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 14 Juin 2011, où l’affaire a été mise en délibéré au 20 Septembre 2011 Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Mme Isabelle THERY, Conseiller, en l’absence du Président légitiment empêché, publiquement, le 20 Septembre 2011, date indiquée à l’issue des débats, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS et PROCÉDURE — MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement du 20 juin 2000 rendu par le tribunal de grande instance de Montpellier,

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 9 décembre 2004 qui a cassé et annulé mais seulement en ce qu’il a prononcé la suspension des poursuites à l’égard de la SNC [C] l'arrêt rendu le 11 décembre 2002 par la cour d’appel de Montpellier et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Nîmes,

Vu la saisine de la cour d’appel de Nîmes par déclaration du 25 février 2005,

Vu l’ordonnance de radiation du 14 avril 2008 et la demande de réinscription au rôle du 16 septembre 2009,

Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée selon écrit distinct et motivé par la SA compagnie française pour le commerce extérieur (ci-après désignée Coface) venant aux droits de la société Unistrat Assurances du 18 mai 2011, (question enrôlée sous le n° 11/2333), du ministère public du 24 mai 2011,

Vu l’article 23 — 1 de l'ordonnance n°58 - 1067 du 7 novembre 1958 et les articles 126 - I et suivants du code de procédure civile.

* * * * *

La société Sofrascau aux droits de laquelle est venue la SA Unistrat Assurances puis la SA COFACE s’est portée caution solidaire de sommes dues par la SNC [C] ayant pour associés Messieurs [A, B] et Madame [D C] au titre de l’achèvement de travaux de construction immobiliers.

À la suite de la défaillance de la SNC , la SA Unistrat Assurances a payé la somme de 1 724 092 F et, subrogée dans les droits des créanciers originaires, a assigné, le 10 juin 1996, la SNC et ses associés devant le tribunal de grande instance de Montpellier en paiement dé cette somme.

Au cours de l’instance la SNC a payé la somme réclamée en règlement de sa dette en principal. À la suite de ce paiement, la SA Unistrat Assurances a limité sa demande au montant des intérêts et le premier juge a fait droit à sa demande.

À la suite de l’appel interjeté par la SNC et ses associés, ces derniers ont sollicité la suspension des poursuites au titre des mesures en faveur des rapatriés et le remboursement de ce qu’ils avaient payé au cours de l’instance.

Par arrêt du 11 décembre 20072, la cour d’appel de Montpellier a prononcé la suspension des poursuites au bénéfice de la SNC [C] et des consorts [C] au titre des mesures prises en faveur de la réinstallation des rapatriés d'[LOCALITE 12] et débouté les consorts [C] en leur demande de restitution de sommes en réservant l’ensemble des demandes et les dépens.

Par arrêt du 9 décembre 2004, la Cour de Cassation a cassé et annulé mais seulement en ce qu’il a prononcé la suspension des poursuites à l’égard de la SNC [C] l’arrêt rendu le 11 décembre 2002 et a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Nîmes.

* * * * *

Le 18 mai 2011, la SA Coface a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, en formulant les demandes suivantes dans le dispositif de ses conclusions :

"- Prendre acte de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article 100 de la loi n°97-1269 du 30 décembre 1997 et de l'article 25 de la loi de finances rectificatives n° 98 — 1267 du 30 décembre 1998 pour l’année 1998 qui portent atteinte aux droits et libertés garanties par les articles 2,4,7,16,17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 55 de la constitution de 1958,

— Constater que la question ainsi soulevée est applicable au litige dont est saisie la Cour,

— Constater que la question ainsi soulevée porte sur une disposition qui n'a pas déjà été déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du conseil constitutionnel dans des circonstances identiques,

— Constater que la question ainsi soulevée présente un caractère sérieux,

— Transmettre à la Cour de Cassation dans les délais et conditions requises la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée afin que celle-ci se prononçant le cas échéant sur la nouveauté de question ainsi posée la transmette au conseil constitutionnel pour qu'il relève l'inconstitutionnalité des dispositions contestées, prononce son abrogation et fasse procéder à la publication qui en résultera.”

La SA Coface prétend en substance que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 2,4, 7,16, 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et 55 de la constitution de 1958 en ce qu’elles créent un mécanisme de sursis aux poursuites totalement automatique, incontrôlé par un juge puisqu’à la totale discrétion du demandeur et des commissions administratives créées en application de ce texte par le décret n°99 — 469 du 4 juin 1999 et violent ainsi le principe d’égalité devant la loi, le droit de propriété, le droit d’obtenir des pouvoirs publics l’exécution d’une décision de justice et le principe de proportionnalité.

La SNC [C] et les consorts [C] demandent qu’il leur soit donné acte de ce qu’ils s’en rapportent sur cette question.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 23 — 2 de la loi organique n° 2009 — 1523 du 10 décembre 2009 dispose que la juridiction transmet sans délai la question s’il est démontré en premier lieu que la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites.

Les dispositions contestées sont à l’évidence applicable au litige dont la Cour de renvoi est saisie puisque la cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier porte sur la suspension des poursuites à l’égard de la SNC [C] ordonnées par la cour d’appel sur le fondement de ces dispositions et qu’elles sont invoquées par les appelants au soutien de leurs demandes.

Il s’ensuit que le caractère constitutionnel ou inconstitutionnel de la mesure a une influence directe sur la solution du litige.

L’examen de la jurisprudence du conseil constitutionnel révèle que ces dispositions ne lui ont jamais été soumises de sorte qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la constitution .

La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux dès lors que les dispositions créent un mécanisme de sursis aux poursuites sans contrôle judiciaire et sans limite dans le temps qui a pour effet d'interdire à un créancier d’être réglé de sa créance et qui s’imposent au juge judiciaire sollicité pour obtenir la condamnation d’un débiteur. Il pourrait être ainsi considéré qu’il existe une atteinte au principe d’égalité devant la loi.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de Cassation la question suivante:

Les articles 100 de la loi de finances n°97-1269 du 30 décembre 1997 pour l'année19 97 et 25 de la loi de finances rectificatives n° 98 - 1267 du 30 décembre 1998 pour l'année 1998 portent-ils atteinte aux droits et libertés garanties par les articles 2, 4,7, 16,17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 55 de la constitution de 1958?

En application des dispositions de l’article 23-3 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, lorsqu'une question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à la réception de la décision de la Cour de Cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil Constitutionnel.

Aucun élément ne rend nécessaire que soient ordonnées des mesures provisoires ou conservatoires, ni que des points du litige soient immédiatement tranchés.

Il sera donc sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties, les frais et dépens étant réservés.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, insusceptible de recours indépendamment de l’arrêt sur le fond,

Ordonne la transmission à la Cour de Cassation de la question suivante :

Les articles 100 de la loi de finances n°97-1269 du 30 décembre 1997 pour l’année19 97 et 25 de la loi de finances rectificatives n° 98 — 1267 du 30 décembre 1998 pour l'année 1998 portent-ils atteinte aux droits et libertés garanties par les articles 2,4,7,16, 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et 55 de la constitution de 1958?

Dit que le présent arrêt sera adressé à La Cour de Cassation dans les huit jours de son prononcé avec les conclusions des parties relatives à la question prioritaire de constitutionnalité ;

Dit que les parties et le Ministère Public seront avisés par tout moyen de la présente décision;

Sursoit à statuer sur les demandes des parties,

Dit que l’affaire au fond sera rappelée à l’audience du mardi 24 avril 2012 à 8 heures 30 si la question prioritaire de constitutionnalité est transmise au Conseil constitutionnel, ou à l'audience du mardi 17 janvier 2012 à 8 heures 30 dans le cas contraire,

Réserve les dépens.

Arrêt signé par Mme THERY, Conseiller, par suite d’un empêchement du Président et par Mme BERTHIOT, Greffier.

LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT,