Tribunal de grande instance de Paris

Jugement du 7 septembre 2011 n° 1112499010

07/09/2011

Renvoi

Ministère Public

C/

[F]

République française

Au nom du Peuple français

Tribunal de Grande Instance de Paris

3leme chambre/2

N° d'affaire : 1112499010

Jugement du : 7 septembre 2011, 9h

n° :5

NATURE DES INFRACTIONS : STATIONNEMENT OÙ CIRCULATION SUR LA VOIE PUBLIQUE EN QUETE DE CLIENTS AVEC UNE MOTOCYCLETTE OU UN TRICYCLE A MOTEUR MIS PREALABLEMENT A LA DISPOSITION DE LA CLIENTELE D'UNE ENTREPRISE,

TRIBUNAL SAISI PAR : Convocation notifiée, sur instructions du procureur de la République près ce tribunal, par un officier de police judiciaire, selon les dispositions de l'article 390-1 du Code de procédure pénale.

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : [F]

Prénoms : [A, B]

Né le : [DateNaissance 1] 1968

A : [LOCALITE 2] ([...])

Fils de : [C D]

Et de : [E F]

Nationalité : française

Domicile : [adresse 3]

Profession : gérant

Antécédents judiciaires : déjà condamné

Situation pénale : libre

Comparution représenté par Maître Rachel PIRALIAN avocat au barreau de PARIS (E1893), qui a déposé des conclusions aux fins de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

PROCEDURE D'AUDIENCE

[A F] est prévenu :

Pour avoir à [LOCALITE 4], Je 19 Avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, fait circuler sur la voie publique en quête de client une motocyclette sans avoir été mis préalablement à la disposition de la clientèle d'une entreprise, à savoir avoir pris en charge illégalement après racolage une personne afin de la transporter à [LOCALITE 5] ([...]) moyennant la somme de 40 euros ;

faits prévus par ART.L.3124-9 $1, ART.L.3123-1, ART.L.3123-2 AL.1 C.TRANSPORTS. et réprimés par ART.L.3124-9 C.TRANSPORTS,

L‘affaire a été appelée, successivement, aux audiences du :

- 19 mai 2011, pour première audience au fond et renvoyée pour satisfaire la demande d'une partie,

- 06 juillet 2011, pour audience au fond et renvoyée pour examen au fond,

- et ce jour, pour prononcé.

À l’appel de la cause, le président a constaté l'identité du prévenu et a donné connaissance de l'acte qui a saisi le tribunal.

Les débats ont été tenus en audience publique.

Le président a donné connaissance des faits motivant la poursuite.

Maître Rachel PIRALIAN, avocat au barreau de Paris, a été entendue au soutien de sa question prioritaire de constitutionnalité,

Le ministère public à été entendu en ses réquisitions.

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Le tribunal, après en avoir délibéré, a statué en ces termes.

MOTIFS

Sur les faits

Le 19 avril 2011, en fin d'après-midi, étant en mission de surveillance, des fonctionnaires de police apercevaient le conducteur d'une motocyclette abordant des personnes se trouvant dans une file d’attente en leur disant Taxi moto ?

Après un bref échange, l’une de ces personnes suivait le conducteur ; le client recevait un casque et était invité à monter sur Un véhicule deux roues portant la mention transport de personnes.

Cette prise en charge ne semblant pas être conforme aux exigences de la réglementation, le conducteur du véhicule était interpellé.

Il précisait être auto- entrepreneur dans le cadre d’une activité de transport de personnes.

Sur le déroulement des faits, [A F] expliquait qu’il était venu à la [LOCALITE 6] pour prendre en charge une personne mais le client qui avait réservé ne s'était pas présenté ; une autre personne qu'il connaissait déjà l’avait alors sollicité par un signe de la main ce qui était confirmé par les propos du client considéré.

Sur l'infraction visée par la prévention

[A F] a été cité devant le tribunal pour infraction au Code des transports dans la mesure où il lui est reproché d’avoir irrégulièrement pris en charge un client après l'avoir sollicité.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité

Avant tout débat au fond, le conseil du prévenu a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité concernant d’une part, l'interdiction faite aux véhicules motorisés à deux ou trois roues de stationner sur la voie publique en quête de clients et d’autre part, l’interdiction faite aux véhicules deux roues de stationner aux abords des gares et aérogares en l’absence d’une réservation préalable,

- Le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé.

Le moyen est, dès lors, recevable.

- Sur la transmission de la question, il doit être observé que :

En premier lieu, la disposition contestée (les articles L 3123-1 et L 3123-2 du Code des transports issus de la loi 2009-888 du 22 juillet 2009 et du décret 2010-1223 du 11 octobre 2010) soutient les poursuites.

En deuxième lieu, la disposition considérée n’a pas fait l’objet d'un examen par le Conseil constitutionnel.

En troisième lieu, sur le caractère sérieux de la question, le tribunal relève que la dite interdiction entraîne une rupture de l'égalité des citoyens devant la loi s'agissant de l'exercice du transport particulier de personnes alors que la différence de traitement entre le transport effectué par un véhicule à quatre roues et le transport opéré par un véhicule à deux ou trois roues n’est pas justifié par un motif d’intérêt général,

Compte tenu de ces seuls motifs, la question posée ne paraît pas dépourvue de tout caractère sérieux.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l'encontre de [A F], prévenu ;

DECLARE recevable la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le prévenu,

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation, par application de l’article 23- 2 de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l’article 61-1 de la Constitution, de la question de constitutionnalité suivante :

“L'article 5 de la loi du 22 juillet 2009, le décret d'application du 11 octobre 2019 et les articles L.3123-1 et L.3123-2 du code des transports portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et, plus précisément, à l'objectif de sécurité juridique, d'accessibilité et d'intelligibilité de la Loi, au droit à la liberté d’aller et venir, au principe d'égalité devant la Loi et à la liberté d’entreprendre, de travail et de concurrence ?”.

DIT que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les observations du ministère public et celles des autres parties,

SURSOIT à statuer jusqu’à la décision à intervenir sur la question prioritaire de constitutionnalité,

RENVOIE l'affaire pour fixation à l'audience du 21 mars 2012, à 09H00, même chambre.

Le prévenu est avisé, conformément à l’article R 49-28 du Code de procédure pénale :

- que la présente décision n’est susceptible d'aucun recours,

- que s’il entend présenter des observations devant la Cour de cassation, elles doivent se conformer aux dispositions de l’article R. 49-30, ainsi rédigé : “Les parties disposent d’un délai d’un mois à compter de la décision de transmission de la question de constitutionnalité à la Cour de cassation pour faire connaître leurs éventuelles observations devant la Cour. Elles sont signées par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conformément aux règles prévues par l’article 585, sauf lorsqu'elles émanent de la personne condamnée, de la partie civile en matière d’infraction à la loi sur la presse ou du demandeur en cassation lorsque la chambre criminelle est saisie d’un pourvoi en application des articles 567-2, 574-1 et 574-2",

- ainsi qu’à celles du premier alinéa de l’article R. 49-32, ainsi rédigé : “Le premier président ou son délégué, à la demande d’une des parties ou d'office, peut, en cas d'urgence, réduire le délai prévu aux articles R.49-30 et R.49- 31".

A l'audience du 7 septembre 2011, 9h, 31eme chambre/2, le tribunal était composé de :

Président : MME. Marie-Christine PLANTIN vice-président (rédacteur)

Assesseurs : M. Jean-François MONEREAU juge

MME. Olivia LUCHE-ROCCHIA juge

Ministère Public : MME. Dominique PERARD vice-procureur

Greffier : MLE. Nathalie BROUSSY greffier

LE GREFFIER

LE PRESIDENT