Tribunal d'instance de Montpellier

Jugement du 16 août 2011 n° 11-10-001762

16/08/2011

Renvoi

EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE OU TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONTPELLIER

Min N° 1121

RG N° 11-10-001762

DELL

C/

FO - Union départementale de l'Hérault

TRIBUNAL D’INSTANCE DE MONTPELLIER (A)

JUGEMENT DU 16 Août 2011

DEMANDEUR :

S.A. DELL, [adresse 1], [LOCALITE 2], représentée par SELAR CAPSTAN-PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

DEFENDEUR :

Syndicat FO - Union départementale de l'Hérault, Maison des Syndicats, [adresse 3], [LOCALITE 4], non comparant

Monsieur [A B] , [adresse 5], [LOCALITE 6], représenté par Me DEPLAIX Guilhem, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : ROUGIER Isabelle

Greffier : RIEUCAUD Delphine faisant fonction

DEBATS :

Audience publique du : ler juillet 2011

Affaire mise en délibéré au 16 Août 2011

JUGEMENT :

Rendu par mise à disposition de la décision au greffe le 16 Août 2011 par ROUGIER Isabelle, président

assistée de RIEUCAUD Delphine faisant fonction de greffier.

Copie certifiée délivrée à :

- Chaque partie en L.R.A.R

- SELARL CAPSTAN-PYTHEAS, Me DEPLAIX Guilhem, Ministère Public Le 16 août 2011

Par requête reçue au greffe le 14 Octobre 2010, la SA DELL sollicite sur le fondement des dispositions de l’article L 2327-6 du code du travail l’annulation de la désignation , notifiée par LRAR du 29 Septembre 2010 et reçue le 5 Octobre 2010 de Monsieur [B A] par l’Union départementale Force Ouvrière de l’Hérault en qualité de représentant syndical au Comité central d'entreprise .

La SAL sollicite condamnation de ce syndicat à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Suivant requête reçue au greffe le 6 Décembre 2010, la SA DELL sollicite, sur le fondement des dispositions de l’article L2324-2 du code du travail, l’annulation de la désignation notifiée par LRAR en date du 22 Novembre 2010 reçue le 24 Novembre 2010 de Monsieur [B A] par le Syndicat Force Ouvrière Union départementale de l’Hérault en qualité de représentant syndical au Comité d”’ entreprise d’établissement.

Par cette même requête la Société DELL sollicite également, sur le. fondement des dispositions de l’article L 2327-6 du code du travail l’annulation de la désignation de Monsieur [A] par ce même syndicat, notifiée par LRAR en date du 24 Novembre 2010 et reçue le 29 Novembre 2010, en qualité de représentant syndical au Comité Central d'Entreprise de la Société.

Elle sollicite condamnation de ce Syndicat à lui payer la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les deux instances ont fait l’objet d’une décision de jonction lors de l'audience du 11 Février 2011.

Aux termes de l’article 61-1 de la Constitution, lorsque à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, 1l est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit , le Conseil constitutionnel peut être saisi sur renvoi de la Cour de Cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 Novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de Cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et à peine d’irrecevabilité présenté dans un écrit distinct et motivé.

En l’espèce, Monsieur [B A] a sollicité dans un écrit distinct et motivé la transmission à la Cour de Cassation de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« L'article 5 de la loi 2008-789 du 20 Août 2008 codifié sous l’article L2324-2 du Code du travail en ne permettant pas, durant le régime transitoire, aux organisations syndicales pourtant représentatives de nommer un représentant syndical au comité d’entreprise ou d’établissement est-il contraire aux articles 1, 5 et 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 Août 1789 et à l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 Octobre 1946 ? »

Il expose

-qu’il a été désigné délégué syndical Force Ouvrière le 19 Octobre 2009 et que depuis cette date il est régulièrement invité par la Direction et participe activement à chacune des réunions du comité d’établissement de DELL [LOCALITE 7].

-qu’il a donc été tout naturellement nommé représentant syndical au Comité Central d'Entreprise suivant courrier du 29 Septembre 2010, désignation contestée par la SA DELL.

-qu’il a par courriers de notification des 22 et 24 Novembre 2010 été mandaté par FO pour être représentant syndical au Comité d'entreprise et au comité central.

-qu’alors que l’article L 2324-2 du code du travail disposait que chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise pouvait désigner un représentant au comité, choisi parmi les membres du personnel de l’entreprise, l’article L2324-2 du code du travail issu de la loi du 20 Août 2008 dispose que chaque organisation syndicale ayant des élus au comité d’entreprise peut y nommer un représentant.

-que la loi du 20 Août 2008 n’a organisé aucun régime transitoire consistant à reporter ses effets à l’occasion des premières élections professionnelles organisées dans l’entreprise ou l’établissement en ce qui concerne les représentants syndicaux au comité d’entreprise.

Il fait dès lors valoir :

-que l’article L2324-2 du code du travail est bien applicable au litige et constitue le fondement de l’action engagée par la SA DELL.

-que cette disposition n’a pas été déjà déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du conseil constitutionnel, lequel a simplement jugé de la constitutionnalité sur le fond de l’article L2324-2 du code du travail et non au regard des circonstances de droit et de fait nouvelles de l’espèce, le Syndicat Force Ouvrière, représentatif au sein de la Société DELL se trouvant dans l’impossibilité de désigner un représentant syndical jusqu’aux prochaines élections professionnelles.

-que cette question présente .un caractère sérieux au regard de l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 Octobre 1946 et des articles 1,5 et 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 Août 1789 en ce que ce nouvel article du code du travail a pour effet d’organiser une rupture d’égalité entre les organisations syndicales au détriment de celles qui n’avaient pas à la date de la loi du 20 Août 2008 deux représentants au Comité d’entreprise ou d’établissement et qui ne peuvent faire entendre leur voix au sein de ces organismes ou participer à la négociation collective, et ce alors qu’un syndicat non représentatif mais ayant des élus peut désigner un représentant au comité.

En défense, la Société DELL répond que la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée n’est ni nouvelle, ni sérieuse et s’oppose à sa transmission à la Cour de Cassation.

Elle fait valoir :

-qu’elle n’a invité Monsieur [A] aux réunions du Comité d'établissement que par simple usage, appliqué à chaque organisation syndicale, ce dernier n’ayant jamais été désigné officiellement.

-que la Cour de Cassation a par deux arrêts en date des 18 Juin 2010 et 19 Janvier 2011 déjà implicitement tranché la problématique posée, de sorte que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Monsieur [A] est dilatoire.

Selon avis écrit du 9 Juin 2011, le Ministère public a conclu à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation aux motifs que la question est applicable au litige en cours, qu’elle est inédite en l’état de la consultation des instruments immédiatement disponibles compte tenu de l’urgence requise et n’ayant pas déjà été dans les motifs et le dispositif déclarée conforme à la Constitution sauf changement de circonstances, enfin en ce qu’elle est non dépourvue de sérieux.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article 23-2 de l’ordonnance N° 58-1067 du 7 Novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation si les conditions suivantes sont réunies :

-la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure.

- elle n’a pas été déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du conseil Constitutionnel sauf changement de circonstances.

- la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

L'article 5 de la loi 2008 -789 du 20 Août 2008 codifié sous l’article L 2324-2 du code du travail est bien applicable au présent litige puisqu’il concerne les règles applicables en matière de désignation du représentant syndical au comité d’entreprise et qu’il constitue le fondement juridique de l’action engagée par le demandeur à la présente instance.

Par ailleurs cet article n’a pas déjà été jugé conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du conseil constitutionnel.

Enfin, la question prioritaire de constitutionnalité n’est pas dépourvue de caractère sérieux en ce que la disposition législative visée porte sur la détermination des règles de désignation des représentants au comité d’entreprise, de l’implantation syndicale dans les entreprises et les règles de validité des accords d’entreprises et que leur mise en œuvre est de nature à poser question quant au respect des principes de liberté syndicale édicté par l’alinéa 6 du préambule de la Constitution de 1946.

Qu'en effet , le texte légal visé , rapporté à l’ensemble de la loi du 20 Août 2008 pourrait être de nature à apporter une rupture dans la logique globale du système instauré par la loi nouvelle dans la mesure où un syndicat représentatif habilité en cela à désigner un délégué syndical et à négocier un accord collectif, peut ne pas avoir d’élus au comité d’entreprise et se trouver ainsi privé d'informations utiles à la négociation des accords collectifs et de la possibilité de s’exprimer au sein du comité, ce qui pourrait être de nature à créer une inégalité entre les syndicats représentatifs.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de Cassation la question suivante :

-« L'article 5 de la loi 2008-789 du 20 Août 2008 codifié sous l’article L2324-2 du Code du travail en ne permettant pas, durant le régime transitoire, aux organisations syndicales pourtant représentatives de nommer un représentant syndical au comité : d’entreprise ou d’établissement est-1l contraire ou conforme aux articles 1, 5 et 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 Août 1789 et à l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 Octobre 1946 ? »

En application des dispositions de l’article 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 Novembre 1958 portant loi organique sur le conseil constitutionnel, lorsqu'une question est transmise la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour de Cassation ou s’1l a été saisi, du Conseil Constitutionnel.

En l’espèce, aucun élément ne rend nécessaire que soient ordonnées des mesures provisoires ou conservatoires ni que des points du litige soient immédiatement tranchés, cette possibilité n 'étant d’ailleurs pas demandée à l’instance par les parties.

Il sera donc sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire insusceptible de recours indépendamment du Jugement sur le fond,

Ordonne la transmission à la Cour de Cassation de la question suivante :

-« L’article 5 de la loi 2008-789 du 20 Août 2008 codifié sous l’article L2324-2 du Code du travail en ne permettant pas, durant le régime transitoire, aux organisations syndicales pourtant représentatives de nommer un représentant syndical au comité d’entreprise ou d’établissement est-1l contraire ou conforme aux articles 1, 5 et 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 Août 1789 et à l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 Octobre 1946 ? »

Dit que le présent jugement sera adressé à la Cour de Cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité remis à l’audience du 1er Juillet 2011.

Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision.

Surseoit à statuer sur les demandes des parties.

Dit que l’affaire sera rappelée à l’audience du si la question prioritaire de constitutionnalité est transmise au Conseil Constitutionnel ou à l’audience du à dans le cas contraire.

Rappelle que la présente procédure est sans frais.

LE GREFFIER

LE JUGE D’INSTANCE