Cour d'Appel d'Angers

Ordonnance du 27 mai 2011, N° 11/01151

27/05/2011

Renvoi

EXTRAIT des minutes du Greffe

COUR D'APPEL D'ANGERS

1ère CHAMBRE B

RG : 11/01151

AFFAIRE : [G] C/M. LE PREFET D'ILLE ET VILAINE

C.H. - M. LE P.G.

. Ordonnance du J.L. D. - T.G.I. RENNES en date du 12 Juillet 2010

. Ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel de RENNES en date du 30 juillet 2010

. Ordonnance de la Cour de Cassation en date du 8 Avril 2011

. Question prioritaire de constitutionnalité (RG : 11/1377)

ORDONNANCE du 27 Mai 2011

Nous, M.C. VARIN-MISSIRE, Président de Chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 3 janvier 2011, assistée de Mme PARENT-LENOIR, greffier lors des débats et de M. BOIVINEAU, greffier, lors du prononcé.

STATUANT SUR L'APPEL FORME PAR :

Monsieur [E-F G]

né le [DateNaissance 1] 1953 à [LOCALITE 2] ([LOCALITE 3])

[LOCALITE 4]

[LOCALITE 5] - [LOCALITE 6]

[LOCALITE 7]

Appelant, comparant en personne représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assisté de Maître MAYET, avocat au barreau de VERSAILLES

EN PRESENCE DE :

MONSIEUR LE PREFET D'ILLE ET VILAINE

[adresse 8]

[LOCALITE 9]

non comparant - non représenté

LE CENTRE HOSPITALIER [T U]

[adresse 10]

[LOCALITE 11]

non comparant - non représenté Monsieur LE PROCUREUR GENERAL près la Cour d'Appel

Palais de Justice

49043 ANGERS CEDEX

représenté en la personne de M. BIGNON, avocat général

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

L'ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES “GIA”

en la personne de M. [J]

[adresse 12]

[LOCALITE 13]

représentée par Maître MAYET, avocat au barreau de VERSAILLES

Après débats à l'audience tenue en notre Cabinet au Palais de Justice le 26 Mai 2011, nous avons rendu l'ordonnance ci-après.

***

Vu notre décision du 13 mai 2011 ordonnant notamment une expertise psychiatrique selon les modalités de l'article L3243 - 8 du code de la santé publique.

- Vu l'examen psychiatrique mené par le [H I] et son rapport établi le 21 mai 2011.

Vu les conclusions par acte séparé de Mr [G] à fin de question prioritaire de constitutionnalité.

Vu ses conclusions au fond.

Vu l'avis sur la question prioritaire de constitutionnalité et les conclusions du Ministère public.

Motifs de la décision

*Sur la question prioritaire de constitutionnalité.

Mr [G] a déposé un mémoire écrit tendant à voir “transmettre à la Cour de Cassation la question prioritaire de constitutionnalité de l'article L3213 - 8 du code de la santé publique” motif pris qu'au regard de l’article 66 de la constitution qui dispose que l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle et assure le respect du principe selon lequel nul ne peut être arbitrairement détenu, l'article L3213-8 du CSP limite le pouvoir du juge judiciaire en subordonnant une décision de mainlevée d'hospitalisation d'office aux «décisions conformes de deux psychiatres n'appartenant pas à l'établissement et choisis par le représentant de l’État dans le département … » et constitue une spoliation du pouvoir du juge au profit de psychiatres que la constitution n’a pas érigés en gardien des libertés individuelles, d'autant plus que ceux-ci sont généralement des praticiens exerçant dans des établissements accueillant des malades hospitalisés sans leur consentement...

Le ministère public plaide l'irrecevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. [G] dans la mesure où celui-ci n'a pas formulé expressément la question qu'il entend voir soumettre à la Cour de Cassation et qu'en la formulant de manière générale par la seule référence de l'article L3213 - 8 du code de la santé publique M. [G] ne satisfait pas aux exigences de formes prévues par la loi.

Si la question posée par M. [G] n'est pas formulée littéralement sous forme de question elle s'induit de ses écrits sans qu'il soit besoin de les interpréter, lesquels permettent de comprendre en quoi la disposition législative contrevient, pour lui, à la norme constitutionnelle invoquée :

Ainsi cette question est recevable en la forme.

Aux termes de l’article 23 -2 de l'ordonnance n° 58 - 1067 du 7 novembre 1958 auxquels font référence les articles 126 - 1 et 126 - 8 du code de procédure civile il est procédé à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation si les conditions suivantes sont remplies :

- la disposition contestée est applicable aux litiges ou à la procédure ou constitue le fondement de la poursuite :

- elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du conseil constitutionnel sauf changement des circonstances :

- la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux :

les dispositions précitées sont applicables aux litiges dont la cour d'appel d'Angers est saisie, elles n’ont pas été déclarées conformes à la constitution par le conseil constitutionnel, le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et à la protection de la liberté individuelle par l'autorité judiciaire garantie par l’article 66 de la constitution soulève une question présentant un caractère sérieux, qu'ainsi il y a lieu de renvoyer à la Cour de Cassation la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

*Sur le fond :

Aux termes de l'article 23 - 3 alinéa 2 « lorsque la question est transmise il n'est sursis à statuer ni lorsqu'une personne est privée de liberté à raison de l'instance ni lorsque l'instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté.”

Il sera donc statué sur le champs sur les demandes de M [G]

-> Sur l'absence d'arrêté préfectoral d'hospitalisation d'office :

M. [G] conteste le fait que les dispositions de l'article L. 3213-8 CSP retenues dans l'arrêt du 13 mai 2011 soient applicables dans la mesure où il n'est pas démontré qu'antérieurement à l'arrêté d'hospitalisation d'office du 20 septembre 1995 une ordonnance de non-lieu ait été rendue à son égard : il convient de souligner qu'il a déjà été répondu par l'arrêt du 13 mai 2011 sur ce moyen

Il poursuit que, quand bien même les dispositions des articles L 3213-7 et L3213-8 du CSP auraient eu vocation à s'appliquer, elles ne dispensaient aucunement le préfet d’Ille-et-Vilaine de renouveler les arrêtés d’hospitalisation d'office selon les modalités prévues à l’article L3213 - 4 du dit code, et en s’abstenant de renouveler les mesures d’hospitalisation d'office pour laquelle un dernier arrêté a été pris il y a 15 ans, il ne pourra qu'être constaté qu'il est aujourd’hui retenu en dehors de toute forme légale ;

Le texte invoqué n'a pas vocation à s'appliquer aux hospitalisations d'office pris dans un cadre judiciaire et dont le régime de levée a été précédemment détaillé dans l'arrêt du 13 mai 2011 par référence aux dispositions des articles L 3213-7 et L3213-8 du CSP lesquelles ne posent pas d'obligation de renouvellement périodiques

M. [G] est débouté de ce moyen.

 

-> Sur l'expertise

M. [G] soutient que l'expertise réalisée en exécution de l'ordonnance du 13 mai 2011 aurait dû respecter les règles du code de procédure civile notamment de l’article 160 qui fait obligation à expert de convoquer les parties aux opérations d'expertise et d'en aviser leurs conseils.

S'il est exact que l’article R3211 crée par le décret n° 2010 - 526 du 20 mai 2010 relatif à la procédure de sortie immédiate des personnes hospitalisées sans leur consentement indique que la procédure de sortie immédiate des personnes hospitalisées sans leur consentement dans les établissements accueillant les malades soignés pour troubles mentaux prévus à l'article L3211 - 12 est régie par le code de procédure civile il indique également” sous réserve des dispositions de la présente section dont fait partie l’article R3211 - 6, qu'il a été jugé au demeurant sans que cela soit depuis démenti, que l'entretien personnel pour les experts judiciaires avec une personne soumise à un examen mental revêt un caractère intime et confidentiel qui n'est pas compatible avec la présence d'un tiers s'agissant même de son conseil.

Par ailleurs le caractère contradictoire de cette mesure est préservée par la communication des résultats de l'examen aussi bien à la personne maintenue en hospitalisation d'office qu'à son conseil, résultats qui peuvent être débattus à l'occasion de l'audience postérieure au dépôt du rapport d'expertise

Ainsi M [G] est débouté de sa demande de nullité de l'expertise menée par le [H I]

-> Sur l'existence de troubles mentaux justifiant l'hospitalisation d'office

M. [G] soutient que si l'expertise du docteur [I] n'était pas annulée il conviendrait de constater que les éléments relevés dans le corps de cette expertise ne concluent pas à sa dangerosité actuelle, l'expert se contentant de relever des épisodes des actions passées alors qu'il était sans traitement psychotrope en employant le conditionnel ce qui caractérise nullement une dangerosité actuelle

Le docteur [I] fait effectivement un historique du passé psychiatrique de [A. G], comme il est d'usage en toute matière médicale :

Il rappelle notamment qu'en juillet 1995 une expertise a conclu à une psychose délirante chronique avec des comportements antisociaux graves et répétitifs notoirement dangereux pour la sécurité publique : il note par ailleurs ‘alors que dans les premières hospitalisations on parle surtout de personnalité paranoïaque il semble que ce soit dans les années 1980 qu'insidieusement les troubles basculent dans la psychose paranoïaque avec un noyau délirant à thème de persécutions qui l'amènent à avoir des comportements antisociaux répétitifs”.

Il indique encore :

- malgré le traitement psychotrope mis en place M. [G] présente toujours un syndrome délirant à thème de persécutions avec quelques persécuteurs désignés (M. [K], son ancien employeur , les témoins de Jéhovah, victimes le premier et les seconds de ses agissements délictueux), un mécanisme interprétatif, avec une extension en réseau portant entre autres sur l'axe administration, la psychiatrie.

- Les actes délictueux qu'il a commis ne témoignent pas d'une dangerosité extrême ; ils étaient dirigés contre des biens et pas contre des personnes, hormis la pulvérisation de bombes lacrymogènes en 1988. Cependant les actes antisociaux et les troubles de l'ordre public seraient les uns après les autres, mus par une construction délirante inébranlable entre 1975 et 1995. L'absence de critiques, la résistance aux traitements, la non reconnaissance des troubles et le refus des soins sont autant d'arguments laissant à penser que [A. G] pourraient tout à fait commettre de nouveaux actes délictueux au cours desquelles il pourrait être dangereux.

Cet expert conclut à l'indicatif et au présent que les conditions de l'hospitalisation de M. [G] sous contrainte prévue par l'article L 3213 - 7 du code de la santé publique sont toujours réunies

Il convient de remarquer que ces conclusions rejoignent celles d'un certificat de situation établi le 18 mars 2010 à l'occasion de la demande initiale de sortie par le chef du service où il est hospitalisé qui indiquent que "M. [G] présente des traits de personnalité paranoïaque avec rigidité de la pensée raisonnement pathologique. Il existe chez lui un déni total de la maladie ainsi qu'un délire mystique et mégalomaniaque, de mécanismes imaginatifs et interprétatifs. Il bénéficie d'un traitement par neuroleptiques retards qui diminuent la sthénicité du délire et améliore le comportement, toutefois aucune alliance thérapeutique n'a pu s'instaurer, M. [G] ne concevant pas sa position existentielle autrement qu'en tant que victime.” Il est ajouté à titre d'exemple que M. [G] a toujours jusque-là refusé de bénéficier de la double expertise prévue par la loi pour l'aménagement éventuel de son hospitalisation alors qu'il entame des procédures pour la contester.

L'ensemble de ces éléments médicaux amènent à rejeter la demande de mainlevée de son hospitalisation sous contrainte faite par M. [G]

PAR CES MOTIFS

Sur la question prioritaire de constitutionnalité,

Ordonnons la transmission à la Cour de Cassation de la question suivante : les dispositions de l'article L3213 - 8 du code de la santé publique portent-elles atteintes aux droits et libertés garanties par l’article 66 de la constitution ;

Disons que la présente ordonnance sera adressée à la Cour de Cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions de M. [G]:

Disons que M. [G] et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Au fond ;

Disons n'y avoir lieu à surseoir à statuer ;

Rejetons les moyens tirés de l'absence de renouvellement de l'arrêté d'hospitalisation et de l’irrégularité de l'expertise au visa de l'article 160 du code de procédure civile ;

Vu le rapport et l'expertise du docteur [I] ;

Constatons que les conditions de l'hospitalisation sous contrainte de M. [G] prévue par l'article L 3213 - 7 du code de la santé publique sont toujours réunies;

Rejetons la demande de mainlevée cette mesure ;

Laissons les dépens à la charge du trésor ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT

D. BOIVINEAU M.C. VARIN-MISSIRE

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

D. BOIVINEAU M.C. VARIN-MISSIRE