Tribunal de grande instance de Paris

Jugement du 17 mai 2011, N° d'affaire : 1022408234

17/05/2011

Renvoi

[F-G]

c/

[K]

[L]

République française

Au nom du Peuple français

Tribunal de Grande Instance de Paris

17ème chambre correctionnelle - Chambre de la presse

N° d'affaire : 1022408234

Jugement du 17 mai 2011

n° : 14

NATURE DES INFRACTIONS : DIFFAMATION ENVERS UN FONCTIONNAIRE, DÉPOSITAIRE OÙ AGENT DE L’ AUTORITÉ PUBLIQUE PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OÙ MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE

TRIBUNAL SAISI PAR : Citation à la requête de [E F-G] délivrée à domicile le 21 juillet 20 10, puis Sur renvoi contradictoire

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : [K]

Prénoms : [S]

Né le : [DateNaissance 1] 1957

A : [LOCALITE 2]

Nationalité : française

Domicile . [adresse 3] [LOCALITE 4]

Profession : directeur de publication

Situation pénale : libre

Comparution : non comparant, représenté par Me Christophe BIGOT (A 738), lequel a déposé des conclusions aux fins de question prioritaire de constitutionnalité, visées par le président et le greffier et jointes au dossier, et des conclusions au fond visées par Le président et le greffier et jointes au dossier

CIVILEMENT RESPONSABLE :

Nom : société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES

Domicile : [adresse 5] [LOCALITE 6]

Comparution : non comparante, représentée par Me Christophe BIGOT (A 738), lequel a déposé des conclusions aux fins de question prioritaire de constitutionnalité, visées par le président et Je greffier et jointes au dossier, et des conclusions au fond visées par le président et le greffier et jointes au dossier

NATURE DES INFRACTIONS : DIFFAMATION ENVERS UN FONCTIONNAIRE, DÉPOSITAIRE OÙ AGENT DE L'AUTORITÉ PUBLIQUE PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OÙ MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE

TRIBUNAL SAISIT PAR : Citation à la requête de [E F-G] délivrée à l'étude de l’huissier significateur le 21 juillet 2010, puis sur renvoi contradictoire

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : [L]

Prénoms : [N]

Né le : [DateNaissance 7] 1951

à : [LOCALITE 8] ([LOCALITE 9])

Nationalité : libanaise

Domicile : : [LOCALITE 10]

Situation pénale : libre

Comparution : non comparant, représenté par Me LANDIVAUX et Me FAURE, avocats au barreau de PARIS (K170), lesquels ont déposé des conclusions en réponse visées par le président et le greffier et jointes au dossier

PARTIE CIVILE POURSUIVANTE :

CONSIGNATION n° 934/2010 versée le 17 novembre 2010

Nom : [F-G E]

Domicile : Chez Maître Jean-Yves DUPEUX

[adresse 11]

[LOCALITE 12]

Comparution : non comparant, représenté par Me Jean-Yves DUPEUX avocat au barreau de PARIS (P77), lequel a déposé des observations, visées par le président et le greffier et jointes au dossier, relatives à la question prioritaire de constitutionnalité déposée par [S K] et la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

PROCÉDURE D'AUDIENCE

Par actes d’huissier en date du 21 juillet 2010, [E F-G] a fait citer devant ce tribunal (17ème chambre correctionnelle - chambre de la presse), à l’audience du 28 septembre suivant, [S K], directeur. de la publication du JOURNAL DU DIMANCHE et du site internet [SiteInternet 13], [N L] et la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES: pour y répondre du délit de diffamation publique envers un fonctionnaire dépositaire de l’autorité publique, prévu et réprimé par les articles 29 alinéa 1 et 31 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, à la suite de la publication dans l’édition du JOURNAL DU DIMANCHE du [...] 2010 et de la mise en ligne depuis le [...] 2010 sur le site internet [SiteInternet 14] d’un article intitulé “[...]”, suivi d’une interview de [N L] intitulée “J'accuse [V P] et [A C D]...”, dont il considère les passages ci-dessous reproduits attentatoires à son honneur et à sa considération :

“Accusé d'avoir été l'homme des rétro-commissions pour les [W]iens, [N L] contre attaque. Il accuse... le camp [P] et dépose plainte pour tentative d'assassinat”

“J'accuse [V P] et [A C D], à l'Elysée, et leurs «hommes», le diplomate [E F-G] et, notamment, un homme de l'ombre, [I J], d'avoir, par leurs agissements, fait que la France passe aujourd'hui pour un des pays les plus corrompus au monde et ne vende plus rien à l'international. Posez-vous la question : pourquoi pas un seul Rafale n'a jamais été acheté ! Je leur ai dit cette vérité en face dès 2006 et j'ai décidé de vous raconter ce que je sais d'eux pour laver l'affront qu'ils m'ont fait.”

“Par la suite, l'Elysée a interdit le voyage de [Q R] en [LOCALITE 15] et le contrat Miksa a capoté, Mettez vous à la place des Saoudiens : ils avaient deux offres françaises, l’une plus chère de 22% ! J'étais profondément écoeuré. Ce n'est pas fini ! En février 2006, [E F-G], alors conseiller à l'Elysée, demande à me voir. Il fixe le rendez-vous dans un hôtel londonien un vendredi. Sur les marches de l'hôtel, je commence par refuser qu'[I J], l'homme des commissions du camp [D-P], participe à notre entrevue. Nous avons une discussion assez vive au sujet des soi-disant commissions [W] et [R]. [F-G] a fini par admettre qu'elles n'existaient pas. Le camp [P] voulait que j 'intervienne pour relancer le contrat Miksa ! J'ai accepté à condition que le voyage de [A C D], prévu trois jours plus tard en [LOCALITE 16], soit annulé. Ce qui a été fait. [F-G] m'a confié un téléphone portable sur lequel nous devions parler... par peur des écoutes. Je suis retourné à [LOCALITE 17]. Mais là-bas je me suis aperçu que [J], persona non grata en [LOCALITE 18], avait envoyé quelqu'un sur place. Je suis immédiatement rentré à [LOCALITE 19] et j'ai demandé à [F-G] de venir me voir au [LOCALITE 20]. Je m'y suis rendu en descendant de l'avion. Sans même m'asseoir, je lui ai dit qu'il n'avait aucune parole, qu'il ne vendrait jamais rien aux [LOCALITE 21] et que son patron et lui se passeraient de mes services.”

La partie civile demande au tribunal :

- de déclarer la SNC HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES civilement responsable,

- de condamner solidairement les prévenus et la société civilement responsable à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- d’ordonner, sous astreinte, la publication d’un communiqué judiciaire dans le JOURNAL DU DIMANCHE,

- d’ordonner la suppression de tous les passages ci-dessus reproduits du site internet, dans un délai de 10 jours à compter de la décision et ce sous astreinte de 10,000 euros par jour de retard,

- d’ordonner la publication d’un communiqué judiciaire en page d'accueil du site, sous astreinte, et dans trois quotidiens ou hebdomadaires français de son choix,

- d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir en ce qui concerne ses dispositions civiles,

- de condamner solidairement les prévenus et la société civilement responsable à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

À l’audience du 28 septembre 2010, le tribunal a fixé à 1.000 euros le montant de la consignation, qui a été versée le 17 novembre 2010, et a renvoyé l'affaire aux audiences des 16 décembre 2010 et 8 mars 2011, pour relais, et 5 mai 2011, pour plaider,

À cette dernière audience, les parties étaient représentées par leurs avocats. Le conseil de [S K] et de la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES a déposé des conclusions aux fins de question prioritaire de constitutionnalité. Le tribunal étant saisi de trois dossiers distincts, engagés par trois parties civiles à la suite de la publication des mêmes article et interview, l'avocat de [A B C D], partie civile, a sollicité le renvoi de l’affaire le concernant, ce dernier comparaissant par ailleurs devant la cour d’appel de PARIS.

Après en avoir délibéré, le tribunal a fait droit à cette demande de renvoi et, en raison de la connexité des dossiers, a décidé de ne retenir la présente affaire que sur la question prioritaire de constitutionnalité. Il a alors entendu :

- le conseil de [S K] et de la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES, qui a développé ses conclusions aux fins de question prioritaire de constitutionnalité,

- celui de [N L], qui a soutenu cette question,

- celui de [E F-G], qui a conclu au rejet de la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité,

- le ministère public, qui s’est également opposé à la transmission de la question,

- la défense ayant eu la parole en dernier.

À l'issue des débats et conformément aux dispositions de l’article 462, alinéa 2, du code de procédure pénale, les parties ont été informées que le jugement serait prononcé le 17 mai 2011.

~ ~ ~ o ~ ~ ~

À cette date, la décision suivante a été rendue :

MOTIFS DU JUGEMENT

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Il résulte des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, dans leur rédaction issue de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, qu'il appartient à la juridiction saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité :

- de s’assurer que celle-ci porte sur une disposition législative et de vérifier sa recevabilité formelle, soit l'existence d'un écrit distinct et motivé,

- de statuer par décision motivée sur la transmission de la question à la Cour de cassation, à laquelle il sera procédé si les conditions suivantes sont remplies :

1) la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites,

2) elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances,

3) elle n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

Ce contrôle minimal par la juridiction saisie de la question prioritaire de constitutionnalité est destiné à éviter les usages abusifs, dilatoires, fantaisistes ou manifestement non fondés de la procédure instituée par l'article 61-1 de la Constitution.

La question prioritaire de constitutionnalité déposée par [S K] et la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES, formalisée par un écrit distinct et motivé, visé par Le greffier, est régulière en la forme.

Elle porte sur des dispositions législatives, à savoir celles des articles 475-1 et 800-2 du code de procédure pénale, et est posée en ces termes :

“Les dispositions combinées :

- de l'article 475-1 du code de procédure pénale, qui interdit aux prévenus relaxés et aux civilement responsables de demander au juge la condamnation de la partie civile perdante à leur payer la somme qu'il détermine au titre des frais exposés el non compris dans les dépens, tout en accordant cette possibilité à la partie civile contre l'auteur de l'infraction,

- de l'article 800-2 du code de procédure pénale soumettant le droit du prévenu de solliciter l'indemnisation de ses frais irrépétibles à l'encontre de la partie civile à des conditions restrictives et écartant le civilement responsable de son bénéfice,

portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus précisément aux principes d'égalité devant la justice, d'exigence d’un procès équitable et du respect des droits de la défense, droits fondamentaux de nature constitutionnelle garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et relevant des “principes fondamentaux reconnus par les lois de la République” mentionnés au préambule de la Constitution de 1946 ?”

Les dispositions contestées sont applicables au litige, la partie civile ayant formé une demande fondée sur l’article 475-1 du code de procédure pénale dans sa citation, [S K] ayant sollicité l'application des articles 475-1 et 800-2 du même code à son profit, la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES et [N L] ayant également présenté une demande au titre de l’article 475-1, aux termes de leurs conclusions respectives.

En outre, les dispositions critiquées n’ont pas fait l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel.

S'agissant du caractère non dépourvu de sérieux de la question posée, [S K] et la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES font valoir que face au caractère intrinsèquement inégalitaire de l’article 475-1 du code de procédure pénale, ni les dispositions de l'article 800-2 combinées avec les articles R. 249-2 à R. 249-8 du même code, ni celles de l’article 472 de ce code ne sont de nature à rétablir l'égalité des parties dans le procès pénal.

En revanche, [E F-G] soutient que l’article 800-2 est l’exact pendant de l’article 475-1, qu’une rupture d'égalité ne peut provenir que des conditions d’application de l’article 800-2, que l’illégalité d’une disposition réglementaire ne relève pas de la compétence du Conseil constitutionnel; mais de celle des juridictions de jugement, qu’enfin le prévenu et le civilement responsable ont en l'espèce désigné un seul avocat et n'ont pas exposé de frais distincts.

Pour s'opposer à la transmission de la question, le ministère public relève notamment que les conditions d’application restrictives de l’article 800-2 ont été fixées par décret, qui peut être contesté devant le Conseil d'Etat et que l’article 111-5 du code pénal permet au juge pénal d’apprécier la légalité des actes réglementaires.

L'article 475-1 du code de procédure pénale{ issu de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993, dispose :

“Le tribunal condamne l'auteur de l'infraction à payer à la partie civile la somme qu'il détermine, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci. Le tribunal tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ”

Il résulte en particulier des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que des garanties égales doivent être assurées aux justiciables, notamment quant au principe des droits de la défense, qui implique l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, étant observé que la faculté d’un remboursement des frais exposés en vue de l’instance affecte l’exercice du droit d'agir en justice.

L'article 475-1 du code de procédure pénale ne peut être totalement assimilé à l’article 618-1 du même code -dont la rédaction est semblable et que le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à fa Constitution le 1er avril 2011-, dès lors que l’article 800-2 du code de procédure pénale n’est pas applicable à la procédure du pourvoi en cassation.

En effet, cet article 800-2, instauré par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, est ainsi rédigé :

"A la demande de l'intéressé, toute juridiction prononçant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement peut accorder à la personne poursuivie une indemnité qu'elle détermine au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci.

Cette indemnité est à la charge de l'Etat. La juridiction peut toutefois ordonner qu'elle soit mise à la charge de la partie civile lorsque l’action publique a été mise en mouvement par cette dernière.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.”

Ces conditions ont été fixées par le décret n° 2001-1321 du 27 décembre 2001, codifié aux articles R. 249-2 à R. 249-8 du code de procédure pénale. Elles comportent diverses restrictions, notamment quant au montant de la somme pouvant être allouée, et, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par la partie civile, indemnité ne peut être mise à la charge de cette dernière que “sur réquisitions du procureur de la République” et “si la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire”.

Certes, cette inégalité entre [a personne poursuivie -soumise à de telles limitations- et la partie civile résulte d’un texte réglementaire, mais il convient à cet égard d'observer :

- que le texte législatif de l’article 800-2 lui-même comporte une restriction en ce qu’il prévoit expressément que ses conditions d’application seront fixées par décret en Conseil d'Etat :

- qu’en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité non seulement d’une disposition législative elle-même, mais aussi de la portée effective de celle-ci, qui ressort de son applicabilité en pratique ;

- que l’article 111-5 du code pénal permet aux juridictions pénales d’apprécier la légalité des actes réglementaires, mais seulement “lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis” ;

- qu'outre ces restrictions d'application, l’article 800-2 ne permet à la personne poursuivie devant le tribunal correctionnel d'obtenir une indemnité qu’en cas de relaxe, et non dans les autres cas où elle peut gagner son procès si la juridiction accueille un moyen de procédure -tel qu’une exception de nullité-, constate la prescription de l’action ou le désistement de la partie civile.

Enfin, l’inégalité subsistant entre la personne poursuivie et la partie civile ne peut être comblée par les dispositions de l’article 472 du code de procédure pénale qui sont d’une autre nature, puisqu'elles permettent seulement de condamner la partie civile à des dommages-intérêts pour abus de constitution de partie civile et subordonnent ainsi toute indemnisation à La preuve d’une faute de la partie civile.

Par ailleurs, ni l’article 800-2 ni l’article 472 ne permettent l’allocation de la moindre somme à la personne poursuivie en qualité de civilement responsable. S’il est indifférent que [S K] et la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES aient en l’espèce le même avocat, dès lors notamment qu’ils forment des demandes séparées sur le fondement des articles 475-1 ainsi que 800-2 pour le premier et 475-1 pour la deuxième, il convient d'observer :

- d’une part, que seul l’auteur de l’infraction peut être condamné au paiement des frais visés à l’article 475-1 et que ce texte ne permet pas à la juridiction correctionnelle de condamner le civilement responsable au profit de la partie civile sur ce fondement ;

- mais que, d’autre part, la décision du tribunal déclarant la société éditrice d’un organe de presse civilement responsable du directeur de la publication - ce qui est susceptible de se produire au cas présent- revient en pratique à faire supporter la charge de ces frais au civilement responsable.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la question posée n’est pas dépourvue de caractère sérieux au sens de l’article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire (article 411 du code de procédure pénale) à l'encontre de [S K], [N L], prévenus, par jugement contradictoire (article 415 du code de procédure pénale) à l'encontre de la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES, civilement responsable, et par jugement contradictoire (article 424 du code de procédure pénale) à l'égard de [E F-G], partie civile,

DÉCLARE recevable la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par [S K] et la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES,

Vu l’article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution,

ORDONNE la transmission à la Cour de‘cassation de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

“Les dispositions combinées :

- de l'article 475-1 du code de procédure pénale, qui interdit aux prévenus relaxés et aux civilement responsables de demander au juge la condamnation de la partie civile perdante à leur payer la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, tout en accordant cette possibilité à la partie civile contre l'auteur de l'infraction,

- de l'article 800-2 du code de procédure pénale soumettant le droit du prévenu de solliciter l'indemnisation de ses frais irrépétibles à l'encontre de la partie civile à des conditions restrictives et écartant le civilement responsable de son bénéfice,

portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus précisément aux principes d'égalité devant la justice, d'exigence d'un procès équitable et du respect des droits de la défense, droits fondamentaux de nature constitutionnelle garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et relevant des “principes fondamentaux reconnus par les lois de la République" mentionnés au préambule de la Constitution de 1946 ?”

DIT que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé, avec les observations de la partie civile,

SURSOIT à statuer jusqu’à la décision à intervenir sur la question prioritaire de constitutionnalité,

RENVOIE l'affaire pour fixer à l’audience du 1$ septembre 2011, à 13h30.

Les parties sont avisées, conformément à l’article R.* 49-28 du code de procédure pénale :

- que la présente décision n’est susceptible d’aucun recours,

- que si elles entendent présenter des observations devant la Cour de cassation, elles doivent se conformer aux dispositions de l’article R.* 49-30, ainsi rédigé : “Les parties disposent d'un délai d'un mois à compter de la décision de transmission de la question de constitutionnalité à la Cour de cassation pour faire connaître leurs éventuelles observations devant la Cour. Elles sont signées par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conformément aux règles prévues par l'article 585, sauf lorsqu'elles émanent de la personne condamnée, de la partie civile en matière d'infraction à la loi sur la presse ou du demandeur en cassation lorsque la chambre criminelle est saisie d'un pourvoi en application des articles 567-2, 574-1 et 574-2,

- ainsi qu’à celles du premier alinéa de l’article R.* 49-32, ainsi rédigé : “Le premier président ou son délégué, à la demande d'une des parties ou d'office, peut, en cas d'urgence, réduire le délai prévu aux articles R * 49-30 et R * 49- 31.”

Aux audiences des 5 et 17 mai 2011, l7eme chambre, le tribunal était composé de :

Audience du 5 mai 2011

Président : Anne-Marie SAUTERAUD vice-président

Assesseurs : Dominique LEFEBVRE-LIGNEUL vice-président

Françoise ALBOU-DUPOTY vice-président

Ministère Public: Aurore CHAUVELOT vice-procureur

Greffier : Viviane RABEVYRIN greffier

Audience du 17 mai 2011

Président : Dominique LEFEBVRE-LIGNEUL vice-président

Assesseurs : Anne-Marie SAUTERAUD vice-président

Alain BOURLA premier juge

Ministère Public : Carole BOCHTER substitut

Greffier : Martine VAIL greffier

LE PRÉSIDENT Anne-Marie SAUTERAUD