Tribunal administratif de Lyon

Ordonnance du 10 mai 2011 N° 0807713

10/05/2011

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LYON

 

N° 0807713

___________

 

M. A... B...

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Ordonnance du 10 mai 2011

___________

 

C-BJ

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le président de la 3ème chambre

 

 

 

 

Vu le mémoire présenté le 12 avril 2011 pour M. A... B..., demeurant Mas Eulalia, Bénières à Saint-Bonnet-les-Oules (42330) par Me Chavent, avocat au barreau de Saint-Etienne, à l'appui de sa requête enregistrée au greffe le 17 novembre 2008 tendant à l'annulation de la décision en date du 18 septembre 2006 par laquelle l’inspectrice d’académie de la Loire a refusé de prendre en compte ses deux années de service national effectué en qualité d’objecteur de conscience, du 1er décembre 1975 au 1er décembre 1977, dans le calcul de l’ancienneté de service exigé pour l’avancement et pour la retraite dans la fonction publique ;

 

M. B... demande au tribunal de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article L. 63 du code du service national dans sa rédaction résultant de la loi n° 71-424 du 10 juin 1971 portant code du service national, en tant qu’elle réserve aux hommes ayant accompli leur temps de service national actif l’une des formes du titre III dudit code, le bénéfice de la prise en compte du temps de service accompli pour le calcul des droits à la retraite des agents de la fonction publique ;

 

M. B... soutient :

 

- que professeur et directeur des écoles jusqu’au 1er septembre 2008, il a, du 1er décembre 1975 au 1er décembre 1977, effectué son service national actif en qualité d’objecteur de conscience ; que par un courrier du 18 décembre 2006, l’inspectrice d’académie de la Loire a refusé de prendre en compte les deux années de service national actif effectué, dans le calcul de ses droits à la retraite en application de l’article L. 63 dans sa rédaction résultant de la loi du 10 juin 1971 portant code du service national et non dans sa rédaction résultant de la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983 portant modification de la situation des objecteurs de conscience ayant accompli leurs obligations de service national postérieurement à la loi et prévoyant alors le bénéfice de la prise en compte de la durée du service accompli pour le calcul des droits à la retraite ; que ces dispositions instaurent une rupture d'égalité entre les agents de la fonction publique selon qu'ils ont effectué leur service national actif en qualité d’objecteur de conscience avant l’entrée en vigueur de la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983 ou selon qu’ils l’ont effectué après l’entrée en vigueur de ladite loi, et que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l’encontre de l’article L. 63 dans sa rédaction résultant de loi du 10 juin 1971 s'applique directement au litige dont le tribunal est saisi ;

 

- que le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi des dispositions litigieuses ;

- que les dispositions litigieuses sont contraires au principe constitutionnel d'égalité énoncé par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

 

- que, si le principe d'égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, les tempéraments apportés au principe d’égalité et instituant des différences de traitement doivent être en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

 

- que, la loi du 8 juillet 1983 a eu pour effet de modifier la situation des objecteurs de conscience ayant accompli leurs obligations de service national postérieurement à la loi, en prévoyant le bénéfice de la prise en compte de la durée du service accompli pour le calcul des droits à la retraite ; que dans le silence de la loi quant à la situation des objecteurs de conscience ayant accompli leurs obligations de service national antérieurement la loi, l’article L.63 dans sa rédaction résultant de la loi du 10 juin 1971 reste applicable ; que la rupture d’égalité créée entre les objecteurs de conscience ayant accompli leurs obligations avant l’entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 1983 ou après, n’est fondée sur aucun motif d’intérêt général pouvant justifier une différence de traitement et n’est pas en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

 

Vu la décision attaquée ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 6 mai 2011 présenté par le recteur de l’académie de Lyon demandant au tribunal de constater que la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article 63 de la loi n°71-424 du 10 juin 1971 portant code du service national est dépourvue de caractère sérieux ;

 

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

 

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

 

Vu la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983 ;

 

Vu le code du service national ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

Considérant qu'aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : "Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé" ; qu'aux termes de l'article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée : "La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. (…)" ;

 

Considérant que les dispositions de l’article L. 63 dans leur rédaction résultant de la loi du 10 juin 1971 portant code du service national sont applicables au présent litige ; qu'elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe constitutionnel d'égalité énoncé par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme, soulève une question qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité ;

 

 

ORDONNE :

 

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité visant les dispositions de l’article L. 63 dans sa rédaction résultant de la loi n° 71-424 du 10 juin 1971 portant code du service national est transmise au Conseil d'Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête n° 0807713 de M. A... B... jusqu'à la réception de la décision du Conseil d'Etat ou, s'il a été saisi, jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au recteur de l’Académie de Lyon.

 

Copie en sera adressée au Ministre de l’éducation nationale, au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat et au ministre de la défense.

 

 

Fait à Lyon, le dix mai deux mille onze.

 

 

Le président de la 3ème chambre,

 

 

 

 

J-P. Wyss

 

 

Pour expédition,

Un greffier,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N° 0807713