Conseil d'Etat

Décision du 6 avril 2011 n° 345838

06/04/2011

Renvoi

CONSEIL D'ETAT

statuant

au contentieux

MT

 

 

 

N° 345838

 

__________

 

FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTELAIRES et autres

__________

 

Mme Christine Grenier

Rapporteur

__________

 

Mme Claire Landais

Rapporteur public

__________

 

Séance du 16 mars 2011

Lecture du 6 avril 2011

__________

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

 

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

 

 

Sur le rapport de la 1ère sous-section

de la Section du contentieux

 

 

 

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTELAIRES, dont le siège est 94, rue Saint-Lazare à Paris (75009), représentée par sa présidente en exercice, l'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES, dont le siège est 28, place Saint-Georges à Paris (75009), représentée par son président en exercice et l'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE PARENTS, A..., dont le siège est 15, rue Coysevox à Paris cedex 18 (75876), représentée par son président en exercice, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTELAIRES et autres demandent au Conseil d'Etat, à l’appui de leur requête tendant à l’annulation du décret n° 2010-1404 du 12 novembre 2010 fixant le barème national de l'indemnité complémentaire allouée à titre exceptionnel aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 471-5 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 419 du code civil ;

 

 

…………………………………………………………………………

 

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

 

Vu le code civil, notamment son article 419 ;

 

Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment son article L. 471-5 ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de Mme Christine Grenier, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

 

- les observations de la SCP Blanc, Rousseau, avocat de la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTELAIRES et autres et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs,

 

- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

 

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Blanc, Rousseau, avocat de la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTELAIRES et autres et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs ;

 

 

 

 

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (…) » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

 

Sur l’intervention de la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs :

 

Considérant que la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, qui a notamment pour objet d’assurer la défense des intérêts économiques, matériels et moraux de la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, doit être regardée, en l’état du dossier, comme justifiant d’un intérêt lui donnant qualité pour intervenir en défense dans le cadre de la requête de la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTELAIRES et autres tendant à l’annulation du décret du 12 novembre 2010 ; que, dès lors, son intervention en défense sur la question prioritaire de constitutionnalité, présentée par un mémoire distinct, doit être admise ;

 

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

 

Considérant que l’article L. 471-5 du code de l’action sociale et des familles et l’article 419 du code civil prévoient que la mesure de protection exercée par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs est prise en charge par la personne protégée en fonction de ses ressources, ou, à titre subsidiaire, par la collectivité publique ; que le second alinéa de l’article L. 471-5 du code de l’action sociale et des familles et le quatrième alinéa de l’article 419 du code civil énoncent qu’à titre exceptionnel le juge peut allouer au mandataire judiciaire une indemnité complémentaire pour l’accomplissement d’actes requis par la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, lorsque les sommes perçues par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs sont manifestement insuffisantes ; que, dans ce cas, l’indemnité complémentaire est à la charge intégrale de la personne protégée ;

 

Considérant que les associations requérantes soutiennent que les dispositions de l’article L. 471-5 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 419 du code civil relatives à l’indemnité complémentaire méconnaissent le principe d’égalité devant la loi, le droit de propriété reconnu par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, le droit de mener une vie familiale normale garanti par le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, les droits de la défense garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789, et le principe de liberté qui résulte de l’article 4 de cette même Déclaration, faute de prévoir un financement public à caractère subsidiaire lorsque la personne protégée n’est pas en mesure d’assumer intégralement le financement de l’indemnité complémentaire ;

 

Considérant que l’article L. 471-5 du code de l’action sociale et des familles et l’article 419 du code civil, pour l’application desquels a été pris le décret attaqué, sont applicables au présent litige au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ; que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe d’égalité devant la loi, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

 

 

D E C I D E :

--------------

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l’article L. 471-5 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 419 du code civil est renvoyée au Conseil constitutionnel.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTELAIRES et autres, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTELAIRES, à l'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES, à l'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE PARENTS, A..., à la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale et au Premier ministre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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