Tribunal de grande instance de Nîmes

Jugement du 31 mars 2011, N° de minute : 11/713

31/03/2011

Renvoi

Tribunal de grande instance de Nîmes

N° parquet : 09000015023

Chambre correctionnelle

N° de minute : 11/713

JUGEMENT DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

À l'audience publique du Tribunal Correctionnel de Nîmes le 31 mars 2011

Composé de :

Monsieur LAVIELLE Bruno, président,

Madame CAHOREAU Aline, assesseur,

MonSieur ALBORD, assesseur,

assisté de Madame BOUVIER Aurélie, greffière,

en présence de Madame Peyre Alexandra, auditrice de justice,

en présence de Madame Tamini Dounia, greffière stagiaire,

en présence de Madame MOURGES Hélène, substitut,

Vu les articles 23-1 et suivants de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 :

Vu les articles R. 49-21 à R.49-29 du Code de Procédure Pénale et notamment l'article R. 49-27 alinéa 2 ;

Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 31 mars 2011, sur le fondement de l'article 81-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,

par Madame [A épouse C D], représentée par Maître NOGAREDE, avocat au barreau de Nîmes, prévenue du chef de : rétention indue par l'employeur agricole de la cotisation ouvrière précomptée, à [LOCALITE 1] du 1* janvier 2005 au 31 décembre 2006

Vu les observations formulées le 31 mars 2011 à l'audience par la Mutualité Sociale Agricole du Gard, représentée par la SCP MONCEAU-BARNOUIN-THEVENOT, partie civile

Vu l'avis du ministère public à l'audience en date du 31 mars 2011 :

En l'espèce, Madame [A épouse C D], représentée par Maître NOGAREDE, prétend que l'article L 7265-21 du Code rural et de la pêche maritime, en ce qu'il institue une répression délictuelle des faits de rétention indue de précompte des cotisations ouvrières commis par un employeur exploitant agricole, alors que les mêmes faits, sont passibles pour tous autres employeurs, des dispositions de l'article R244-3 du Code de la Sécurité Sociale qui prévoient, hors le cas de récidive prévu à l'article L 244-6, l'application des peines prévues pour les contraventions de 5°”* classe, porte atteinte aux droits et libertés garantis notamment par l'article 6 de {a déclaration des droits de l'homme et du Citoyen et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et en particulier, au principe d'égalité des citoyens devant la Loi ;

En réponse, la Mutualité Sociale Agricole du Gard, représentée par la SCP MONCEAU-BARNOUIN- THEVENOT, soutient que ledit article ne porte pas atteinte aux droits et libertés garantis notamment par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du Citoyen et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et en particulier, au principe d'égalité des citoyens devant la Loi :

Le ministère public soutient qu'il y a lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation, en ce que la disposition contestée est applicable à la procédure, qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel, et du caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité ;

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La prévenue est poursuivie sur citation directe de la Mutualité Sociale Agricole du GARD, sur le fondement des dispositions précitées et en particulier de l'article L.725-21 du Code Rural et de la pêche maritime qui dispose: “ L'employeur qui a retenu par devers lui indûment la cotisation ouvrière précomptée sur le salaire en application de l'article L. 741-20 est passible des peines de l'abus de confiance prévues aux articles 314-1 et 314-10 du code pénal.

AUx motifs que ce texte introduirait une discrimination entre les employeurs, exploitants agricoles, et tous les autres employeurs qui, pour les mêmes faits sont passibles des sanctions contraventionnelles prévues par l'article R 244-3 du Code de la Sécurité Sociale, une demande de saisine de la Cour de cassation aux fins de question prioritaire de constitutionnalité à été déposée par l'avocat de la prévenue. Est invoquée une violation de l'article 6 de Ia Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 1er de la Constitution et une atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la Loi.

Sur la recevabilité de la demande d'examen de {a question prioritaire de constitutionnalité:

Le moyen tiré de l'atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé qui a été visé par le greffe et le Président d'audience. La demande est donc recevable en la forme.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à ja Cour de Cassation:

Conformément à l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, il ressort de la procédure que:

- la disposition contestée, l'article L 725-21 du Code rural et de la pêche maritime, est applicable au litige ou à la procédure, en ce qu'elle précise les termes de la répression concernant un employeur qui a retenu par devers lui Indûment la cotisation ouvrière précomptée sur le salaire en application de l'article L 741-20, renvoyant aux peines applicables en matière d'abus de confiance prévues par le Code pénal et qu'elle fonde les poursuites contre la prévenue :

- elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel :

- la demande de question prioritaire de constitutionnalité n'est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce que, de la constitutionnalité du texte contesté, découle, d’une part, l'application d'un régime répressif différencié selon que l'employeur opérant une rétention indue de précompte des cotisations ouvrières est un exploitant agricole ou un employeur d'une autre branche d'activité; d'autre part, que ce régime répressif qui renvoie à des peines de nature correctionnelle obéit à des règles de prescription plus sévères, que le régime commun qui renvoie à des peines de nature Contraventionnelle, pour lesquelles le délai de prescription de l'action publique est abrégé.

Il convient donc de transmettre à la Cour de Cassation la question suivante :

L'article L 725-21 du Code rural et de la pêche maritime, en ce qu'il institue une répression délictuelle des faits de rétention indue de précompte des cotisations ouvrières commis par un employeur exploitant agricole, alors que les mêmes faits, sont passibles pour tous autres employeurs, des dispositions de l'article R244-3 du Code de la Sécurité Sociale qui prévoient, hors le cas de récidive prévu à l'article L 244-6, l'application des peines prévues pour les contraventions de 5ème classe, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis notamment par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du Citoyen et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et en particulier, au principe d'égalité des citoyens devant la Loi ?

Le sursis à statuer sera consécutivement ordonné ainsi que précisé au dispositif du présent jugement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par décision contradictoire non susceptible de recours ; Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :

L'article L 725-21 du Code rural et de la pêche maritime, en ce qu'il institue une répression délictuelle des faits de rétention indue de précompte des cotisations ouvrières commis par un employeur exploitant agricole, alors que les mêmes faits, sont passibles pour tous autres employeurs, des dispositions de l'article R244-3 du Code de la Sécurité Sociale qui prévoient, hors le cas de récidive prévu à l'article L 244-6, l'application des peines prévues pour les contraventions de 5ème classe, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis notamment par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du Citoyen et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et en particulier, au principe d'égalité des citoyens devant la Loi ?

Dit que la décision sera adressée à la Cour de Cassation dans les huit jours de son prononcé avec les observations du ministère public et celles des autres parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

Sursoit à statuer sur les demandes au fond des parties jusqu'à l'audience du 23 septembre 2011 à 8 heures;

Dit que les parties comparantes et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Le Greffier

Le Président