Cour administrative d'appel de Paris

Ordonnance du 29 mars 2011 N° 09PA05264

29/03/2011

Renvoi

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE PARIS

 

 

N°09PA05264

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M. B... A...

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Ordonnance du 29 mars 2011

 

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

La Cour administrative d'appel de Paris

 

 

 

La présidente de la 5ème Chambre

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 3 février 2011 et régularisé par la production de l’original le 4 février 2011, présenté pour M. B... A..., par Me Sarrazin, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A... demande à la Cour, à l’appui de sa requête n°09PA05264, tendant à l’annulation du jugement n°0402954/2 du 23 juin 2009 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté partiellement sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994, mises en recouvrement le 31 décembre 1999 de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment les principes de non-rétroactivité et de proportionnalité des sanctions résultant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des droits de la défense, d’équilibre des droits des parties et de droit à un procès équitable résultant de l’article 16 de la même Déclaration du paragraphe III de l’article 31 de la loi de finances rectificative n° 96-112 du 30 décembre 1996 ;

 

Elle soutient que ces dispositions sont applicables au litige puisque dans l’hypothèse où le domicile fiscal du requérant pour l’année 1993 serait situé en Suisse, l’administration oppose ces dispositions pour écarter la contestation relative à la régularité de la procédure d’imposition ; que cette question porte sur une disposition qui n’a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel dans des circonstances identiques, le Conseil constitutionnel ne s’étant prononcé que sur la constitutionnalité des articles 14, 55 et 59 de cette loi dans une décision du 30 décembre 1996 ; que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux ; que le paragraphe III de l’article 31 de la loi de finances rectificative n° 96-112 du 30 décembre 1996 a pour seul objet et au préjudice du seul contribuable de faire obstacle à l’application de la décision du Conseil d’Etat du 21 juillet 1996 jugeant qu’ une vérification approfondie de situation fiscale personnelle ne pouvait être menée à l’encontre d’une personne domiciliée à l’étranger, non redevable à l’impôt sur le revenu français sur la totalité de ses revenus et qu’en conséquence la procédure de vérification était irrégulière ; que tel est le cas de la vérification dont il a fait l’objet, qui s’est déroulée du 7 septembre 1995 au 15 juillet 1996 donnant lieu à des impositions supplémentaires de surcroît assorties de majorations de 40 % ;

 

Vu le mémoire enregistré le 24 mars 2011 présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat qui conclut à l’absence de caractère sérieux de la question ; que si la question de l’absence d’examen par le Conseil constitutionnel est remplie, les deux autres conditions de renvoi fixées par l’article 23-4 de l’ordonnance n°58-1067 ne sont pas réunies ; qu’il existe des doutes sur l’applicabilité des dispositions du paragraphe III de l’article 31 de la loi du 30 décembre 1996 au litige dès lors qu’il a été démontré par l’administration que M.A... avait son domicile fiscal en France en 1993 tant au regard du droit interne que de la convention franco-suisse ; que l’appréciation de la constitutionnalité d’une loi de validation et de son effet rétroactif ainsi que sa conformité aux principes d’équilibre des droits des parties qui découle du droit au recours juridictionnel effectif ne présente pas un caractère sérieux ; que pour pouvoir déclencher un examen de situation fiscale personnelle en vertu de l’article 12 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue du paragraphe I de l’article 31 de la loi du 30 décembre 1996 , l’administration n’a plus l’obligation d’établir que le contribuable a des obligations en France au regard de l’impôt sur le revenu ; qu’en tout état de cause, la procédure d’imposition critiquée est fondée sur les dispositions combinées des articles L.16 et L.69 applicables à une date où la règle de droit issue de la jurisprudence n’était pas intervenue de sorte qu’un texte validant la pratique de l’administration n’apparaît pas contestable ; que le Conseil constitutionnel a posé des conditions à la constitutionnalité des lois de validation ; qu’au regard de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le caractère rétroactif de la loi fiscale qui n’a pas restreint les droits du contribuable puisque ce type de contrôle lui permet de bénéficier de garanties étendues n’a pas méconnu les principes constitutionnels; qu’au regard de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la disposition respecte les décisions de justice ayant force de chose jugée et poursuit un but d’intérêt général qui a lui-même une valeur constitutionnelle ;que cette disposition n’a pas méconnu les principes des droits de la défense dès lors que la loi de validation ne méconnaît pas le principe du droit au recours juridictionnel effectif et a ouvert de nouvelles garanties au contribuable et n’a pas porté atteinte aux droits acquis de ce dernier ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

 

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

 

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-12 ;

 

 

Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, notamment ses articles 2, 3, 4 et 5 ;

 

 

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution ;

 

 

Vu le paragraphe III de l’article 31 de la loi de finances rectificative n° 96-112 du 30 décembre 1996 ;

 

 

Vu le code de justice administrative ;

 

Considérant qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. » ;

 

Considérant qu’aux termes de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique susvisée du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution : « Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat … le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office… » ; qu’aux termes de son article 23-2 : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat … » ; qu’aux termes de l’article R. 771-7 du code de justice administrative résultant de l’article 1er du décret n° 2010-148 du 16 février 2010 : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du Tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité. » ;

 

Considérant que les dispositions du paragraphe III de l’article 31 de la loi de finances rectificative n° 96-112 du 30 décembre 1996 sont applicables au présent litige ; que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au droit à un recours effectif résultant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’est pas dépourvu de caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... ;

 

 

ORDONNE :

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité du paragraphe III de l’article 31 de la loi de finances rectificative n° 96-112 du 30 décembre 1996 est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 ; Il est sursis à statuer sur la requête de M. A... jusqu’à ce que le Conseil d’Etat, ou s’il est saisi, le Conseil constitutionnel, se soit prononcé sur la question prioritaire de constitutionnalité ainsi invoquée.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Copie en sera adressée au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat.

 

 

 

Fait à Paris, le 29 mars 2011.

 

 

 

 

 

La présidente de la 5ème chambre,

 

 

 

Câm-Vân HELMHOLTZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N°09PA05264