Cour administrative d'appel de Lyon

Ordonnance du 21 février 2011 N° 10LY01257

21/02/2011

Renvoi

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL

DE LYON

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,

 

 

N° 10LY01257

DEPARTEMENT DE LA HAUTE-SAVOIE

 

 

 

LE PRÉSIDENT DE LA 3ème CHAMBRE

DE LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON

 

 

 

 

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 28 janvier 2011, le mémoire distinct et motivé par lequel le DEPARTEMENT DE LA HAUTE SAVOIE demande à la Cour de transmettre au Conseil d’Etat en application de l’article 2 de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, l’examen de la question de la constitutionnalité des dispositions de l’article L. 313-5 du code de l’éducation qui dispose : « Les centres publics d'orientation scolaire et professionnelle peuvent être transformés en services d'Etat. Lorsqu'il est procédé à la transformation de ces centres, les dépenses de fonctionnement et d'investissement de ceux-ci, précédemment à la charge du département ou de la commune à la demande desquels ils ont été constitués, sont prises en charge par l'Etat. Cette mesure ne peut entraîner de changement dans l'affectation, au centre transformé, de locaux n'appartenant pas à l'Etat. L'usage de ces locaux par le service nouveau donne lieu à versement d'un loyer ; (…) » ;

 

Le DEPARTEMENT DE LA HAUTE-SAVOIE soutient que l’article L. 313-5 du code de l’éducation porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit, car il méconnait le principe de libre autonomie des collectivités locales ; qu’en effet, ces dispositions, complétées par celles des articles D. 313-10 à D. 313-13 du même code conduisent à considérer que les frais de fonctionnement et d’investissement des centres d’information et d’orientation (CIO) sont à la charge des collectivités territoriales, tant qu’ils n’ont pas été transformés en services d’Etat, ce qui méconnait le principe à valeur constitutionnelle de libre administration des collectivités territoriales ; que ce principe s’exprime notamment par la reconnaissance au profit des collectivités locales, de l’existence d’attributions effectives que la loi doit reconnaître aux conseils élus ; qu’il suppose l’existence de ressources suffisantes au profit des collectivités territoriales pour assurer leurs compétences, alors que l’article L. 313-5 susindiqué impose une charge aux collectivités, dans un domaine qui échappe à leur compétence, puisque le service public de l’orientation relève de la responsabilité de l’Etat aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’éducation et qu’aucune disposition ne confie une compétence particulière aux collectivités territoriales ;

 

Vu, enregistré le 18 février 2011, le mémoire présenté par le préfet de la Haute-Savoie qui conclut à ce que l’examen de la question de la constitutionnalité des dispositions de l’article L. 313-5 du code de l’éducation ne soit pas transmis au Conseil d’Etat ;

 

 

 

 

 

 

 

Il soutient que :

- la question de l’éventuelle inconstitutionnalité de l’article L. 313-5 du code de l’éducation est dépourvue de caractère sérieux dès lors que l’organisation des collectivités territoriales ne relève pas de la libre administration, mais s’effectue dans les conditions prévues pas la loi ; c’est ainsi que le conseil général ne peut décider seul par simple délibération de ne plus assurer la gestion du CIO d’Annecy alors même qu’un tel engagement ne peut être délié qu’après une procédure évoquée par l’article L. 313-5 du code de l’éducation ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

 

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution ;

 

Vu le jugement n° 0903724 du Tribunal administratif de Grenoble du 26 mars 2010 ;

 

Vu le code de justice administrative, notamment son article R. 771-7 ;

 

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ;

 

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux » ;

 

Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 771-7 du code de justice administrative : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité » ;

 

 

 

 

 

Considérant que les dispositions de l’article L. 313-5 du code de l’éducation constituent le fondement du jugement attaqué et sont applicables pour régler au fond la requête présentée par le DEPARTEMENT DE LA HAUTE-SAVOIE ; qu’en l’état, il n’apparaît pas que le Conseil Constitutionnel se soit prononcé sur leur conformité à la constitution ou que cette question lui ait déjà été transmise ; que le moyen tiré de l’inconstitutionnalité des dispositions de l’article L. 313-5 précité, au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales dans toutes ses composantes, présente un caractère sérieux ; qu’ainsi il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité susanalysée ;

 

 

ORDONNE :

 

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité afférente aux dispositions de l’article L. 313-5 du code de l’éducation est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête n° 10LY01257 jusqu’à ce qu’il ait été statué par le Conseil d’Etat et par le Conseil constitutionnel sur la question de constitutionnalité ci-dessus analysée.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA HAUTE-SAVOIE, au préfet de la Haute-Savoie et au Président de la section du contentieux du Conseil d’Etat.

 

 

 

Fait à Lyon, le 21 février 2011.

 

 

 

 

Guy FONTANELLE

 

 

 

 

 

 

 

 

La République mande au ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

 

 

Pour expédition,

Le greffier,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N 10LY01257

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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