Cour d'Appel de Paris

Arrêt du 15 février 2011 n° 2011/01571

15/02/2011

Renvoi

COUR D'APPEL DE PARIS 34 Quai des Orfèvres 75055 PARIS LOUVRE SP

N° Dossier : 2011/01571 DU

N° Parquet : : P100763035/6 TT

Chambre 1 - Pôle 7

N° de minute : 16

ARRÊT DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

Le 15 février 2011,

La Cour, composée lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt de :

M. LIRERGE, Président

Mme FRANCOIS, Conseiller

Mme MAGNIN, Conseiller

tous trois désignés en application des dispositions de l'article 191 du code de procédure pénale

Melle THUILLIER, greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt

Mme SALV AT, Avocat Général, lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt ;

Vu les articles 23-1 et suivants de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu les articles R. 49-21 à R. 49-29 du Code de Procédure Pénale;

Vu la demande d’examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 7 février 2011 au greffe de la chambre de l'instruction par Maître Philippe DEHAPIOT, conseil de Monsieur [A B]

Vu l’avis du ministère public en date du 14 février 2011 ;

Vu le mémoire déposé par Maître Philippe DEHAPIOT, conseil de Monsieur [A B], le 14 février 2011 :

En l'espèce, [A B] ayant sollicité que lui soit accordé le statut de témoin assisté en ce qui concerne les faits d'importation de stupéfiants en bande organisée pour lesquels il a été mis en examen, le juge d'instruction, par ordonnance du 19 janvier 2011, a constaté qu'à ce jour il n'existait plus d'indices graves ou concordants suffisants à maintenir la mise en examen de [A B] des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, et lui a octroyé le statut de témoin assisté en ce qui concerne ces faits, rappelant qu’il restait mis en examen des chefs de trafic de stupéfiants (acquisition, détention, transport, offre et cession), d'association de malfaiteurs en vue du trafic de stupéfiants (importation, acquisition, détention, transport, offre ef cession) et d'importation, détention et circulation irrégulières de marchandises prohibées.

Le magistrat instructeur a motivé sa décision par Le fait que les investigations faites sur commission rogatoire depuis la mise en examen de l'intéressé n'avaient apporté aucun élément permettant de justifier, à ce jour, de la persistance d'indices graves ou concordants d'avoir participé aux faits d'importation en bande organisée de la résine de cannabis saisie le 13 mars 2010 à [LOCALITE 1].

Saisi par ordonnance du juge d'instruction en date du 21 janvier 2011, le procureur de la République ayant pris ses réquisitions, le juge des libertés et de la détention, par ordonnance du 21 janvier 2011 prise en application de l'article 146 du code de procédure pénale, a maintenu à titre exceptionnel la détention provisoire du mis en examen après disqualification des faits. Le mis en examen et son conseil ont été avisés de cette décision le 24 janvier 2011.

Appel de cette ordonnance a été interjeté par Me DEHAPIOT, avocat de la personne mise en examen, le 1er février 2011, sans demande de comparution personnelle. Il a été enregistré au greffe du tribunal de grande instance de Paris le même jour, Cet appel a été enregistré au greffe sous le numéro 2011/01477 et fixé à l'audience de la chambre de l’instruction 7-1 du 15 février 2011.

[A B], représenté par son conseil, Me DEHAPIOT, soutient que le fait que l’ordonnance prise en application de l'article 146 du code de procédure pénale ne puisse pas faire l’objet d'un appel de la part du mis en examen en raison de l’application de l'article 186 du code de procédure pénale porte atteinte aux droits et liberté garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, soit à un recours juridictionnel effectif, à l'équilibre des droits des parties et partant au principe de l'égalité des armes entre les parties au procès pénal, au respect des droits de la défense et enfin au principe d’égalité devant la loi.

En réponse aux réquisitions du ministère public, Me DEHAPIOT soutient dans son mémoire que la question posée présente un caractère sérieux étant relative aux droits respectifs du mis en examen et du parquet par rapport à une décision concernant la détention provisoire et qui porte atteinte aux droits de la défense.

Le procureur général demande à ce que la question ne soit pas transmise à la Cour de cassation au motif que la demande ne présente pas de caractère sérieux compte tenu de l'équilibre prévu par les textes législatifs relatifs à la détention provisoire, entre les droits du mis en examen et ceux du ministère public.

MOTIFS DE LA DECISION :

* Sur la recevabilité de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant qu’en l’espèce, le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé.

Considérant qu’il a été formé à l'appui de l'appel de l'ordonnance de maintien en détention de l’article 146 du code de procédure pénale

La demande est donc recevable en la forme.

* Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

Conformément à l’article 23-2 de l'ordonnance précitée, il ressort de la procédure que

- la disposition contestée est applicable au litige puisqu'elle est relative aux conditions d'application de l’article 146 du code de procédure pénale qui a été utilisé dans la procédure en cours et n’a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel.

- la demande de question prioritaire de constitutionnalité n’est pas dépourvue de caractère sérieux, dans la mesure où le fait qu’une ordonnance relative à la détention provisoire puisse ou non faire l’objet d’un appel par le mis en examen, n'est ni fantaisiste, ni dilatoire, l'estimation de l'existence ou non d’un équilibre global entre le ministère public et le mis en examen pour la détention provisoire ne relevant pas de l’appréciation de la juridiction saisie pour transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité mais du Conseil constitutionnel.

I! y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante :

“Les dispositions de l’article 186 du Code de procédure pénale qui attribuent à la personne mise en examen de manière limitative la faculté de relever appel des ordonnances du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention et qui n’autorisent pas cette personne à relever appel de l'ordonnance prévue par l’article 146 qui l’a maintenue en détention provisoire après requalification portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 6 et 16 de La Déclaration des droits de ‘homme et du citoyen du 26 août 1789 c'est à dire au droit à un recours juridictionnel effectif, à l'équilibre des droits des parties et partant, au principe de l'égalité des armes entre les parties au procès pénal, au respect des droits de la défense et enfin au principe d'égalité devant la loi ? ».

* Sur les autres demandes :

Conformément à l'article 23-3 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, il ressort que la demande d’appel de l’ordonnance du 24 janvier 2011 concerne la situation d’une personne privée de liberté et qu’il convient donc de ne pas surseoir à statuer sur la demande au fond.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en chambre du conseil, par décision contradictoire à signifier, non susceptible de recours ;

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :

“Les dispositions de l’article 186 du Code de procédure pénale qui attribuent à la personne mise en examen de manière limitative la faculté de relever appel des ordonnances du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention et qui n’autorisent pas cette personne à relever appel de l’ordonnance prévue par l'article 146 qui l’a maintenue en détention provisoire après requalification portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de ‘homme et du citoyen du 26 août 1789 c’est à dire au droit à un recours juridictionnel effectif, à l'équilibre des droits des parties et partant, au principe de l'égalité des armes entre les parties au procès pénal, au respect des droits de la défense et enfin au principe d'égalité devant la lai ? ».

Dit que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les observations du ministère public relatives à la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ne sursoit pas à statuer sur la demande au fond du mis en examen ;

Dit que les parties non comparantes seront avisées par lettre recommandée avec accusé de réception.

LE PRESIDENT