Tribunal de grande instance de Dijon

Jugement du 1er février 2011 n° 08000009324

01/02/2011

Renvoi

Cour d'Appel de Dijon

Tribunal pour Enfants de Dijon

Jugement du : 01/02/2011

Tribunal pour Enfants

N° minute : 11/20

Juge Julie LEMASSON

Cabinet : Tribunal pour Enfants

N° parquet : 080600009324

N° dossier : JECABJEA09000031

JUGEMENT DU TRIBUNAL POUR ENFANTS

À l'audience en chambre du conseil du PREMIER FÉVRIER DEUX MILLE ONZE,

Composée de :

Madame LEMASSON Julie, Président,

Monsieur COMPAGNON Bernadette, assesseur,

Monsieur GALIMARD Christian, assesseur,

assistés de Madame MORIN Catherine, Greffière,

en présence de Madame [A-B C], Procureure de la République adjointe,

a été appelée l’affaire

ENTRE :

Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal, demandeur et poursuivant

ET

Prévenu

→ [F E]

né le [DateNaissance 1] 1994 à [LOCALITE 2] ([LOCALITE 3])

Nationalité : française

Situation familiale : célibataire

demeurant : [adresse 4]

Situation pénale : libre

comparant assisté de Maître XAVIER Fanny avocat au barreau de DIJON, avocat commis d'office à la barre,

Prévenu des chefs de :

VOL EN REUNION faits commis le 20 juin 2007 à [LOCALITE 5] ([...])

VIOLENCE N'AYANT ENTRAINE AUCUNE INCAPACITE DE TRAVAIL faits commis le 19 juin 2007 à [LOCALITE 6]

Représentants légaux :

Monsieur [F J], demeurant : [adresse 7] - [LOCALITE 8],

non-Comparant

Madame [R Q], demeurant : [adresse 9] - [LOCALITE 10], comparante

Prévenu

→ [P M]

né le [DateNaissance 11] 1992 à [LOCALITE 12] ([LOCALITE 13]) Nationalité : française Situation familiale : célibataire

demeurant : [adresse 14] - [LOCALITE 15]

Situation pénale : libre comparant assisté de Maître GAVIGNET, avocat au barreau de DIJON,

Prévenu du chef de :

VOL EN REUNION faits commis le 20 juin 2007 à [LOCALITE 16] ([...])

Représentants légaux : Mademoiselle [P G], demeurant : [adresse 17],

non-comparante

Monsieur [P I], demeurant : [adresse 18], non-comparant

DEBATS

A l'audience de ce jour, en publicité restreinte par application de l'article 14 de l'ordonnance du 02 février 1945 modifiée, le Tribunal a procédé à l'appel de la cause dans les conditions prévues à l'article 406 du Code de Procédure pénale.

DEBATS :

Maître GAVIGNET, conseil de [M P], a déposé des conclusions sur une question prioritaire de constitutionnalité, qu'il a développées en plaidant ;

Maître XAVIER Fanny, conseil de [E F E] a été entendu en ses observations ;

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions ;

Le greffier a tenu note du déroulement des débats,

Le tribunal, après en avoir délibéré, a statué en ces termes, le jugement ayant été prononcé publiquement :

Attendu que les mineurs ont été renvoyés devant le tribunal pour enfants par ordonnance du Juge des Enfants rendue le 16 mars 2010, pour :

- avoir à [LOCALITE 19] ([...]), le 20 juin 2007, soustrait frauduleusement une console PS2, des jeux PS2, un lecteur DVD, plusieurs DVD, deux téléphones portables, des clés, dix euros, et une montre au préjudice de [A D], cette soustraction ayant été commise en réunion, faits prévus par ART.311-4 1°,ART.311-1 C.PENAL. et réprimés par ART.311-4 AL.1, ART.311-14 1°,2°,3°,4°,6° C.PENAL.

Attendu que Monsieur [E F] est en outre prévenu :

- d'avoir à [LOCALITE 20], le 19 juin 2007, exercé des violences légères sur [D A], avec cette circonstance qu'il n'en est résulté aucune incapacité totale de travail, faits prévus par les articles 311-4 1°, 311-1 du Code pénal, et réprimés par les articles 311-4 all, 311-14 1°, 2°; 3°, 4,°6° du Code pénal ;

*****

Monsieur [M P], né le [DateNaissance 21] 1992, assisté de son avocat Maître GAVIGNET, est partie en qualité de prévenu à la procédure diligentée contre lui du chef de vol aggravé: qu'il a comparu à l'audience assisté de son conseil ; qu'il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

En application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 07 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel Monsieur [M P] saisit la juridiction sur k fondement de l'article 61-1 de la Constitution, d'un moyen soulevant l'inconstitutionnalité de deux dispositions légales :

— les articles L251-3 et L251-4 du Code de l'Organisation judiciaire relative à la composition du Tribunal pour Enfants ;

— l'article 8 de l'Ordonnance du 02 février 1945 relative à l'enfance délinquante,

Monsieur [M P] soutient en effet que la proportion majoritaire de juges non professionnels dans la composition du Tribunal pour Enfants, ainsi que la possibilité donnée au Juge des Enfants de diligenter tout à la fois des poursuites en saisissant le Tribunal pour Enfants et de présider cette juridiction, ne garantissent pas l'existence d'une juridiction impartiale et la tenue d'un procès équitable ;

SUR CE

1° Sur le moyen tiré de l'inconstitutionnalité des articles L251-3 et L251-4 du Code de l'organisation judiciaire relative à la composition du Tribunal pour Enfants applicable au litige en cours :

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

En l'espèce, le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le jour de l'audience dans un écrit distinct des conclusions du prévenu. II est donc recevable.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation :

En l'espèce, les dispositions contestées fondent les poursuites à l'encontre du prévenu et sont applicables au litige en ce qu'elles définissent la composition du Tribunal pour Enfants et les conditions de nomination des assesseurs, magistrats temporaires non professionnels ;

Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel, et ne sont pas dépourvues de Caractère sérieux en ce qu'elles autorisent des magistrats temporaires en proportion majoritaire dans une formation de jugement collégiale, à prendre part à une délibération susceptible de conduire à une peine privative de liberté ;

El y à donc lieu de transmettre à la Cour de Cassation la question suivante :

Les articles L251-3 et L251-4 du Code de l'Organisation judiciaire relatifs à la composition du tribunal pour Enfants, portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ?

2° Sur le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de l'article 8 de l'Ordonnance du 02 février 1945 relative à l'enfance délinquante fondant les poursuites et applicable au litige en cours :

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

En l'espèce, le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le jour de l'audience dans un écrit distinct des conclusions du prévenu. Il est donc recevable.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation :

En l'espèce, la disposition contestée fonde les poursuites à l'encontre du prévenu et est applicable au litige en cours ;

Elles n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel, et n'est pas dépourvue de caractère sérieux en ce qu'elle permet au Juge des Enfants tout à la fois de saisir le Tribunal pour Enfants, juridiction de jugement collégiale, et de présider cette juridiction.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de Cassation la question suivante :

L'article 08 de l'ordonnance du 02 février 1945 relative à l'enfance délinquante porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ?

SUR L'ACTION PUBLIQUE ET L'ACTION CIVILE

En l'espèce, aucun élément ne rend nécessaire que soient ordonnées des mesures provisoires où conservatoires, ni que des points du litige soient immédiatement tranchés.

Il sera donc sursis à statuer sur l'action publique et sur l'action civile, l'examen de l'affaire étant renvoyée à l'audience du tribunal pour Enfants du mardi 07 juin 2011 à 09H00.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire à l'égard de [E F],[M P], et [Q R], et contradictoirement à signifier à l'égard de [J F], [I P] et [G P], non susceptible de recours,

AVANT DIRE DROIT

ORDONNE la transmission à la Cour de Cassation des questions suivantes :

— Les articles L251-3 et L251-4 du Code de l'Organisation judiciaire relatifs à la composition du tribunal pour Enfants, portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. ?

- L'article 08 de l'ordonnance du 02 février 1945 relative à l'enfance délinquante porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ?

DIT que la présente décision sera adressée par le greffe à la Cour de Cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

SUR L'ACTION PUBLIQUE

SURSEOIT à statuer sur les poursuites engagées à l'encontre de Messieurs [M P] et [E F] :

SÛR L'ACTION CIVILE

SURSEOIT à statuer sur l'action civile :

RENVOIE l'examen de la présente affaire à l'audience du mardi 07 juin 2011 à 09H00

Et le présent jugement a été signé par la Présidente et la Greffière.

LA GREFFTERE LA PRESIDENTE

Catherine MORIN Julie LEMASSON