Tribunal administratif d'Amiens

Ordonnance du 25 novembre 2010 n° 1002804

25/11/2010

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

D'AMIENS

 

 

 

N°1002804

___________

 

Mme B... A...

___________

 

Mme Montagnier

Président de la 2ème chambre

___________

 

 

Ordonnance du 25 novembre 2010

___________

 

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

Le Président de la 2ème chambre statuant sur le fondement de l'article L. 771-7 du code de justice administrative,

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 12 octobre 2010, présenté pour Mme B... A..., demeurant 23 avenue de la Marne à Compiègne (60200), par Me Lhéritier, à l'appui de sa requête n°1002804 enregistrée le 12 octobre 2010, et tendant à la décharge de l'obligation de payer la pénalité de 10 % prévue par les dispositions de l'article 1730 du code général des impôts qui a été appliquée à l'imposition d'une plus-value relative à l'année 2006 ;

 

Mme A... soutient, sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, que les dispositions de l'article 1730 du code général des impôts qui prévoient d'appliquer une pénalité de 10% liée au retard dans le paiement de l'impôt méconnaissent, dans le cas où le contribuable, ayant contesté les impositions mises à sa charge, a bénéficié du sursis de paiement prévu par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, les principes du droit à un procès équitable et du respect des droits de la défense, de la proportionnalité des peines et de l'égalité des citoyens devant la loi issus, pour les premiers des articles 8 et 16 et, pour les deux autres, de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et enfin l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi issus des articles 4, 5, 6 et 16 de la même Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que l'objectif, qui serait légitime, de l'article 1730 du code général des impôts n'étant pas de prévenir les recours dilatoires ou abusifs, le législateur ne peut autoriser, d'une part, à différer le paiement de l'impôt en cas de contestation devant le juge et, d'autre part, à appliquer une pénalité qui incite les contribuables à acquitter immédiatement l'imposition mise à leur charge ;

 

Vu, enregistré le 15 novembre 2010, le mémoire par lequel le directeur départemental des finances publiques de l'Oise demande le rejet de la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme A... ; il soutient que si la disposition attaquée est applicable au litige et qu'elle n'a pas encore été déclarée conforme à la Constitution, la question posée est en revanche dénuée de caractère sérieux ; que l'application d'une sanction par l'administration se fait toujours sous le contrôle du juge ; que l'article 1730 n'introduit pas une discrimination entre les contribuables qui ont négligé d'acquitter leurs impositions et ceux qui ont demander le sursis de paiement de ces mêmes impositions ; qu'ainsi les dispositions de l'article 1730 du code général des impôts ne contreviennent pas aux principes du respect des droits de la défense, du droit au procès équitable et de l'égalité des citoyens devant la loi ; qu'enfin, le Conseil constitutionnel a déjà écarté la possibilité d'invoquer dans une question prioritaire de constitutionnalité la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

 

Vu l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, dans sa rédaction issue de la loi organique du 10 décembre 2009 ;

 

Vu le code général des impôts, notamment son article 1730 ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

Considérant, d'une part, qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : "Lorsqu’à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé (…)" ; qu’aux termes de l’article 23-1 de l’ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 modifiée : "Devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté par un écrit distinct et motivé (…)" ; qu’aux termes de l’article 23-2 de la même ordonnance : "La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de moyen sérieux (…)" ;

 

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R*771-7 du code de justice administrative : "Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité." ;

 

 

Considérant, en premier lieu, que l'article 1730 du code général des impôts est applicable aux impositions en litige et constitue le fondement de la pénalité contestée par Mme A... ; qu'est ainsi satisfaite la première des conditions prévue par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée ;

 

Considérant, en deuxième lieu, que cette disposition n'a pas déjà été examinée par le Conseil constitutionnel ;

 

Considérant, en troisième lieu, que la question posée par Mme A..., tirée de la méconnaissance des principes du droit à un procès équitable et du respect des droits de la défense, de la proportionnalité des peines et de l'égalité des citoyens devant la loi introduite par l'article 1730 du code général des impôts, n'est pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

Considérant qu'il y a lieu de transmettre la question soumise par Mme A... au Conseil d'Etat ;

 

 

 

O R D O N N E

 

Article 1er : La question de constitutionnalité susvisée posée par Mme A... est transmise au Conseil d'Etat.

 

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête principale de Mme A... jusqu'à ce qu'il ait été statué par le Conseil d'Etat ou, s'il est saisi, par le Conseil constitutionnel, sur la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A... et au directeur départemental des finances publiques de l'Oise.

 

 

Fait à Amiens, le 25 novembre 2010.

 

Le président de la 2ème chambre,

 

 

 

 

M. MONTAGNIER

 

La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N°1002804