Conseil de Prud'hommes de Saint-Brieuc

Jugement du 14 octobre 2010, F 10/00281

14/10/2010

Renvoi

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE SAINT-BRIEUC

17 rue Parmentier - B.P. 70101 -

22001 - SAINT-BRIEUC CEDEX 1

JUGEMENT DU 14 OCTOBRE 2010

TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

DOSSIER : F 10/00281

N° Minute :

Monsieur [A B]

né le [DateNaissance 1] 1938

[LOCALITE 2]

[LOCALITE 3]

Représenté par Maître Jean-Marc LEFRAIS,

Avocat au Barreau de Saint Brieuc

DEMANDEUR

CLINIQUE LA CERISAÏIE

[adresse 4]

Absente, ayant pour Conseil : Maître Antoine BRILLATZ

Avocat au Barreau de Tours

DÉFENDEUR

COMPOSITION :

Monsieur Xavier CABANAS, Président Conseiller (E)

Monsieur Guy FANIC, Assesseur Conseiller (E)

Madame Claudine COSSON, Assesseur Conseiller (S)

Monsieur Michel SERE, Assesseur Conseiller (S)

Assistés lors des débats de Madame Danièle THOMAS, Greffier

En présence du MINISTÈRE PUBLIC représenté par Monsieur Patrick LEWDEN, Procureur de la République Adjoint,

Vu les articles 23-1 et suivants de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu les articles 126-1 et suivants du Code de Procédure Civile ;

Vu la demande d’examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 13 Septembre 2010, par

Monsieur [A B] ;

Vu les observations écrites de Maître Antoine BRILLATZ, Conseil de la Clinique de la Cerisaie partie au procès, en date du 29 septembre 2010 ;

Vu les observations formulées à l’audience du 30 septembre 2010 par Maître Jean Marc LEFRAIS, Conseil de Monsieur [A B], partie au procès ;

Vu l'avis du ministère public en date du 30 septembre 2010 ;

En l’espèce, Monsieur [A B]

prétend que l’article L.1237-5 alinéa 1% du Code du Travail issu de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du Travail,

Qui dispose que : “La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'Article L351-8 du code de la sécurité sociale”,

porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce que cette disposition permet à tout employeur de mettre un salarié atteint par la limite d’âge à la retraite d’office ;

En réponse, la Clinique la CERISAIE s’en rapporte purement et simplement à justice sur les mérites du mémoire aux fins de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité pris par Monsieur [A B] ;

Le ministère public soutient que “l'article L1237-5 du Code du Travail est applicable au litige. Sur l'absence d'examen préalable par le Conseil Constitutionnel de la disposition législative contestée, il apparaît à litre principal que la Haute Institution a déjà examiné la disposition contestée dès lors que dans la décision n° 2008-571 DC du 17 décembre 2008, était inclus l’article 90 de la Loi de Financement de Sécurité Sociale modifiant l'article 1237-5 du Code du Travail, en ce qu'était reporté de cinq années l'âge à partir duquel l'employeur pouvait contraindre la salarié à faire valoir ses droits à la retraite, c'est à dire la question soulevée aujourd'hui.

Toutefois, à la lumière de deux décisions de la Cour de cassation en date du 11 mai 2010 relatives l’une à la limite imposée pour l'exercice des fonctions de pilote d'avion, l’autre à la mise à la retraite des personnels de [LOCALITE 5] à 60 ans, on peut considérer que ce type de mesure constitue une discrimination à raison de l'âge.

À titre subsidiaire, il pourrait être donc considéré que la question posée présente un caractère sérieux et qu'il convient en conséquence de saisir la Cour de Cassation” :

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité : En l’espèce, le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé :

La demande est donc recevable en la forme.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

Conformément à l’article 23-2 de l’ordonnance précitée, il ressort de la procédure que :

- la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, puisqu'elle est relative à la rupture d’un contrat de travail par une mise à la retraite d’office par l'employeur d’un salarié ayant atteint l’âge mentionné au 1° de l’article L351-8 du Code de la Sécurité Sociale, et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel ;

En effet, dans sa décision n° 2008-571 DC du 11 décembre 2008, le Conseil Constitutionnel a simplement examiné l’article 90 de la Loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2009 modifiant l’article L.1237-5 du Code du Travail

La disposition législative susmentionnée reporte de cinq années l’âge à partir duquel employeur peut contraindre le salarié à faire valoir ses droits à la retraite. “Cerfe disposition se borne à permettre aux salariés de prolonger chaque année, de manière volontaire, leur activité jusqu'à cinq années supplémentaires” :

Au cas présent, c’est la possibilité même donnée à l’employeur de mettre à la retraite un salarié atteint par la limite d’âge qui est en cause ;

Ce principe législatif n’a jamais été examiné par le Conseil Constitutionnel ;

Par conséquent, il s’agit d’une question nouvelle et le critère posé par l’article 23-2 de la Loi Organique du 10 décembre 2009 est rempli.

- la demande de question prioritaire de constitutionnalité n’est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce qu’elle relève du principe d’égalité devant la Loi et le droit du travail en raison notamment de l’âge du salarié ;

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante :

L'article L1237-5 alinéa 1 du Code du Travail issu de la Loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du Travail porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par l’alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : “Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances”.

Sur les autres demandes :

Conformément à l’article 23-3 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, il ressort que les demandes au fond ne nécessitent pas qu’il n’y ait lieu de prendre des mesures provisoires ou conservatoires ;

Il convient donc de surseoir à statuer sur les demandes au fond des parties.

PAR CES MOTIFS

Le Conseil, statuant par mise à disposition au Greffe, par décision réputée contradictoire, non susceptible de recours ;

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :

L'article L1237-5 alinéa 1 du Code du Travail issu de la Loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du Travail porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par l’alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946.

Dit que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions présentés, par un écrit distinct et motivé, des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

Dit que la partie comparante et le ministère public par tout moyen de la présente décision ;

Dit que la partie non comparante sera avisée par lettre recommandée avec accusé de réception ; Sursoit à statuer sur les demandes des parties ;

Dit que l'affaire sera rappelée à l’audience du 23 Juin 2011 à 14 heures ;

Réserve les dépens.

Le Greffier

Le Président