Cour d'Appel d'Amiens

Arrêt du 13 octobre 2010, N° Minute : 10/486

13/10/2010

Renvoi

COUR D'APPEL D'AMIENS

Palais de Justice BP 2722 80027 AMIENS CEDEX

Sème Chambre cabinet B

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2010

TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

DOSSIER : 10/03816

N° Minute : 10/486

Demandeur à la question prioritaire :

Madame [D E épouse G],

exploitant le commerce sous l’Enseigne ETOILE D’[LOCALITE 1]

[LOCALITE 2], [LOCALITE 3]

[LOCALITE 4]

Représentée, concluant et plaidant par Me Jean-Claude BROUTIN (avocat au barreau d'AMIENS)

Défendeur :

Mademoiselle [B H] [LOCALITE 5]

[LOCALITE 6]

[LOCALITE 7]

Représentée, concluant et plaidant par Me Anne Sophie PETIT (avocat au barreau d'AMIENS)

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/1 1972 du 12/01/2010 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AMIENS)

COMPOSITION :

Jean-Pierre AARON, Président

[M N],

[J K],

assisté de Isabelle LEROY, greffier

DECISION

Vu l’article 23-1 de l’ordonnance n'58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et suivants ;

Vu les articles 126-1 et suivants du Code de Procédure Civile ;

Vu la demande d’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 18 août 2010 par Madame [D E épouse G] dans l’instance l’opposant à Mademoiselle [B H] sur appel d’un jugement du conseil de prud'hommes d’Amiens du 6 juillet 2009 ;

Vu les observations én réponse formulées le 21 septembre 2010 par [A B H] ;

Vu l’avis du minis public en date du 13 septembre 2010 ;

Vu les observations orales des parties à l’audience du 28 septembre 2010 ;

En l’espèce, Madame [D E épouse G] prétend que l’article L. 8223-1 du code du travail en ce qu’il institue en cas de travail dissimulé une sanction pécuniaire automatique et forfaitaire porte atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution de la république française et notamment au principe d’égalité devant la loi, d’individualisation et de personnalisation des sanctions et d’indépendance de l’autorité judiciaire ;

En réponse, Mademoiselle [H] soulève l’irrecevabilité de l’appel et partant celle de la question prioritaire de constitutionnalité pour défaut de justification par Mme [E épouse G] de sa qualité à agir, tout en dénonçant à titre subsidiaire l’absence de sérieux de la question de constitutionnalité soulevée ;

Tout en émettant des/réserves sur la recevabilité de l’appel, sauf pour l’appelante à justifier de sa qualité à agir, le ministère public émet un avis favorable à la transmission à la Cour de Cassation dé la question prioritaire relative à la constitutionnalité des dispositions de l’article L.-8223-1 du code du travail;

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de la demande d'examen à la question prioritaire de constitutionnalité :

En l’espèce, la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée dans un écrit distinct et motivé ; qu’elle est par ailleurs présentée dans le cadre d’une instance d’appel régulièrement introduite par Mme [D E épouse G] qui justifie par les documents qu’elle verse aux débats de sa qualité d’exploitante au jour du jugement frappé d’appel du fond de commerce de restauration “l’Étoile d'[LOCALITE 8]” à l’égard duquel le conseil de prud’hommes d’ Amiens est entré en voie de condamnation ;

Que les dispositions contestées sont bien de nature législative et les principes constitutionnels auxquels elles se heurteraient constituent bien des droits et libertés garantis par la constitution de la république française au travers notamment des articles 1er et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et 1°, alinéa 1. et 64 de la constitution du 3 juin 1958 ;

La demande d’examen de la question prioritaire de constitutionnalité est donc recevable ;

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation : La disposition législative contestée est bien applicable au litige, les premiers juges en ayant d’ailleurs fait application en condamnant l’employeur au paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par l’article L8223 -] du code du travail ;

Les dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail n’ont par ailleurs pas été déclarées conformes à la constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel ;

La question de la constitutionnalité de ces dispositions qui peuvent se voir conférer à la fois un caractère indemnitaire et de sanction civile n’apparaît pas dépourvue de sérieux dès lors qu’elles ont vocation à s’appliquer de façon forfaitaire et automatique sans pouvoir être modulées dans leur quantum par le juge du contrat de travail ;

Les conditions d’une transmission à la Cour de Cassation de la question prioritaire de constitutionnalité sont donc réunies :

Il convient donc de surseoir à statuer au fond jusqu’à décision de la Cour de Cassation ou du Conseil Constitutionnel, étant observé qu’il n’existe au dossier aucun élément permettant de considérer que le sursis à statuer risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits de l’une ou l’autre des parties à l’instance ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, non susceptible de recours ;

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante : L'article L. 8223-1 du code du travail en ce qu’il institue en cas de travail dissimulé une sanction pécuniaire automatique et forfaitaire porte-t-1l atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution de république française et notamment aux principes d’égalité devant la loi, d’individualisation et de personnalisation des sanctions et d’indépendance de l’autorité judiciaire résultant des articles ler et 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et 1er, alinéa 1, et 64 de la constitution du 3 juin 1958 ;

Dit que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions présentées, par un écrit-distinct et motivé, des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

Dit que les parties comparantes et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Dit que les parties non comparantes seront avisées par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Sursoit à statuer sur les demandes des parties ;

Dit que l'affaire sera rappelée à l’audience du 28 juin 2011 à 14 heures ;

Réserve les dépens.

Le président