Conseil constitutionnel

Décision n° 2010-43 QPC du 6 octobre 2010

06/10/2010

Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2010 par le Conseil d’État (décision n° 338977 du 9 juillet 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. François A. et Mme Marie A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme.


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour M. et Mme A. par la SCP Franck Berliner Dutertre Lacrouts, avocat au barreau de Nice, enregistrées le 5 août 2010 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2010 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Jérôme Lacrouts pour les requérants et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 27 septembre 2010 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme : « La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d’habitations peut, après enquête publique, être transférée d’office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées.
« La décision de l’autorité administrative portant transfert vaut classement dans le domaine public et éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels et personnels existant sur les biens transférés.
« Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l’État dans le département, à la demande de la commune.
« L’acte portant classement d’office comporte également approbation d’un plan d’alignement dans lequel l’assiette des voies publiques est limitée aux emprises effectivement livrées à la circulation publique.
« Lorsque l’entretien des voies ainsi transférées entraînera pour la commune une charge excédant ses capacités financières, une subvention pourra lui être allouée suivant les formes de la procédure prévue à l’article 248 du code de l’administration communale » ;

2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions porteraient atteinte au droit de propriété en ce qu’elles ne respectent pas l’exigence d’une indemnité juste et préalable ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » ;

4. Considérant que l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme permet à l’autorité administrative de transférer dans le domaine public communal la propriété de voies privées ouvertes à la circulation publique ; qu’un tel transfert est conditionné, sous le contrôle du juge administratif, par l’ouverture à la circulation générale de ces voies, laquelle résulte de la volonté exclusive de leur propriétaire d’accepter l’usage public de son bien et de renoncer par là à son usage purement privé ; que le législateur a entendu en tirer les conséquences en permettant à l’autorité administrative de conférer à ces voies privées ouvertes à la circulation publique un statut juridique conforme à leur usage ; que ce transfert libère les propriétaires de toute obligation et met à la charge de la collectivité publique l’intégralité de leur entretien, de leur conservation et de leur éventuel aménagement ; qu’au demeurant, le législateur n’a pas exclu toute indemnisation dans le cas exceptionnel où le transfert de propriété entraînerait pour le propriétaire une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi ; que, dans ces conditions, les dispositions contestées ne sont pas contraires à l’article 17 de la Déclaration de 1789 ;

5. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE :

Article 1er.- L’article L. 318-3 du code de l’urbanisme est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 octobre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 6 octobre 2010.

Abstracts

4.1.1.13

Article 17

Le droit de propriété, garanti par l'article 17 de la Déclaration de 1789, figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit et peut être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité.

2010-43 QPC, 6 octobre 2010, cons. 3

4.7.3.2.2

Absence d'atteinte au droit de propriété

L'article L. 318-3 du code de l'urbanisme permet à l'autorité administrative de transférer dans le domaine public communal la propriété de voies privées ouvertes à la circulation publique. Un tel transfert est conditionné, sous le contrôle du juge administratif, par l'ouverture à la circulation générale de ces voies, laquelle résulte de la volonté exclusive de leur propriétaire d'accepter l'usage public de son bien et de renoncer par là à son usage purement privé. Le législateur a entendu en tirer les conséquences en permettant à l'autorité administrative de conférer à ces voies privées ouvertes à la circulation publique un statut juridique conforme à leur usage. Ce transfert libère les propriétaires de toute obligation et met à la charge de la collectivité publique l'intégralité de leur entretien, de leur conservation et de leur éventuel aménagement. Au demeurant, le législateur n'a pas exclu toute indemnisation dans le cas exceptionnel où le transfert de propriété entraînerait pour le propriétaire une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi. Dans ces conditions, l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme n'est pas contraire à l'article 17 de la Déclaration de 1789.

2010-43 QPC, 6 octobre 2010, cons. 4

Références doctrinales

  • Trémeau, Jérôme, La constitutionnalité des transferts d'office des voies ouvertes à la circulation, Actualité juridique. Droit administratif, 7 février 2011, n°4, p. 223-227.
  • Trémeau, Jérôme, La constitutionnalité des transferts d'office des voies ouvertes à la circulation publique, Actualité juridique. Droit administratif, 7 février 2011, n°4, p. 223-227.
  • Touzeau, Lise, Le transfert d'office des voies à la commune considéré comme conforme à la Constitution, Droit administratif, décembre 2010, n°12, p. 54-56.
  • Foulquier, Norbert, La conformité peu convaincante à la Constitution de l'incorporation d'office des voies privées ouvertes à la circulation publique, Revue de droit immobilier, décembre 2010, n°12, p. 612-614.
  • Moritz, Marcel, Constitutionnalité du transfert de propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitation, La Semaine juridique. Administrations et collectivités territoriales, 2010, n°44, p. 38-40.