Tribunal de grande instance de Vienne

Jugement du 29 juin 2010 n° 649/2010

29/06/2010

Renvoi

N° parquet : 08008628

Chambre Correctionnelle

N° de minute : 649/201

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCÉ de VIENNE

JUGEMENT DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

À l’audience publique du 29 Juin 2010 à 13h30, tenue en matière correctionnelle par Monsieur PIERRE, Président, Madame SAVI, Madame VALETTE-RIGAULT, Assesseurs, assistés de Madame SOBESTO, Greffier, en présence de Monsieur BAILLET, Avocat Général, placé, par décision de Madame la Procureure Générale près la Cour d’Appel de GRENOBLE

Vu les articles 23-1 et suivants de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu les articles R. 49-21 à R.49-29 du Code de Procédure Pénale et notamment l’article R. 49-27 alinéa 2 :

Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 15 Juin 2010 par Monsieur [A B], assisté de Maïtre LUCIANI, Avocat au Barreau de LYON,

Vu les observations formulées le 29 juin 2010 par Maître GIACINTI, Avocat au Barreau de PARIS, représentant la Direction Générale des Finances Publiques, partie au procès ;

Vu l'avis du ministère public en date du 23 juin 2010 ;

En l'espèce M. [A B], assisté de Maître LUCIANI, avocat, prétend que l’article 1741 alinéa 4 du Code général des impôts porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit en ce que ce texte porte atteinte aux principes de nécessité et de l’individualisation des peines garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et demande de transmettre cette question à la Cour de cassation aux fins de saisine du Conseil constitutionnel ;

Monsieur le Procureur de la République soutient que la question prioritaire de constitutionnalité répond aux conditions de forme requise ; elle n’a pas déjà été évoquée par le Conseil constitutionnel et est formulée dans des termes et conditions non dépourvues de sérieux ; qu’en conséquence il y a lieu d’ordonner sa transmission à La Cour de cassation et surseoir à statuer sur le fond ;

L’Administration des impôts représentée par Maître GIACINTI, avocat, expose que les mesures de publicité obligatoires édictées par l’article 1741 alinéa 4 du Code général des impôts ne peuvent être qualifiées de sanction pénale ; que, par ailleurs, la personne frappée d’une mesure de publication peut demander à la juridiction qui a prononcé la condamnation de l’en relever totalement ou partiellement ; qu’ainsi le principe d’individualisation des peines n’étant pas sérieusement remis en cause, il convient de rejeter la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le moyen tiré de l’atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution par l’article 1741 alinéa 4 du code général des impôts :

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

Le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution a été présenté le 15 juin 2010 dans un écrit distinct des conclusions de M. [A B] et motive ;

Qu'il s’ensuit que ce moyen est recevable ;

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation

Conformément à l’article 23 - 2 de l'ordonnance n° 58 - 1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel il ressort de la procédure que la disposition contestée :

- est applicable au litige ou à la procédure puisque M. [A B] encourt la peine d’affichage d’une éventuelle décision de condamnation, ce qui constitue une peine complémentaire au sens de l’article 131-10 du Code pénal ,

- n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel,

- n’est pas dépourvue de caractère sérieux en ce que l’article 1741 alinéa 4 du code général des impôts instaure une punition automatique contrevenant aux principes de la nécessité et de l’individualisation des peines garantis par l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;

Qu’ainsi il y a lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante: Les dispositions de l’article 1741 alinéa 4 du Code général des impôts portent-elles atteinte aux principes de la nécessité et de l’individualisation des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'elles imposent, de manière automatique, la publication et l'affichage aux frais du condamné, d'un éventuel jugement de condamnation, sans que le juge ait expressément prononcé un telle peine complémentaire en tenant compte des circonstances propres à l'espèce ?

Sur les autres demandes :

En application des dispositions de l’article 23 - 3 de l’ordonnance précitée, lorsqu'une question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel ;

Le tribunal constate que l’espèce ne relève pas des cas de dérogations au principe du sursis à statuer prévu aux alinéas 2, 3 et 4 de l’article 23-3 précité ;

Qu’ainsi il convient de surseoir à statuer sur les demandes au fond des parties ;

PAR CES MOTIFS

Le tribunal

Statuant publiquement, par décision contradictoire, non susceptible de recours,

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :

Les dispositions de l’article 1741 alinéa 4 du Code général des impôts portent-elles atteinte aux principes de la nécessité et de l’individualisation des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ce qu'elles imposent, de manière automatique, la publication et l'affichage aux frais du condamné, d’un éventuel jugement de condamnation, sans que le juge aït expressément prononcé un telle peine complémentaire au regard des circonstances propres à l ‘espèce ?

Dit que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les observations du ministère public à la question prioritaire de constitutionnalité ;

Sursoit à statuer sur les demandes au fond des parties ;

Dit que l’affaire sera rappelée à l’audience du 14 Décembre 2010 à 13h30 :

Dit que les parties comparantes et Le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision;

Le Greffier

Le Président