Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lot-et-Garonne (Régime agricole)

Décision du 28 juin 2010

28/06/2010

Renvoi

DOSSIER n° 2009/43 (2010/0069)

Affaire :

[A B] [LOCALITE 1]

c/

CMSA - AGEN

Opposition à contrainte : Année 2008

TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE LOT-ET-GARONNE

- SECTION AGRICOLE -

DECISION n° 26.189

Le LUNDI VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE DIX,

Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lot-et-Garonne, [LOCALITE 2], sous la Présidence de Monsieur Olivier NABOULET, Juge au Tribunal de Grande Instance d’Agen, a rendu le jugement suivant :

ENTRE :

Monsieur [B A] — [LOCALITE 3] — [LOCALITE 4] - convoqué par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le 21 avril 2010 -

DEMANDEUR - comparant par Maître COIMBRA, avocat -

D'UNE PART,

et la CAÏSSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LOT-ET-GARONNE (CMSA) - 1, Quai du Dr Calabet -— [LOCALITE 5] - comparant par Monsieur [F], muni d’un pouvoir régulier -

D'AUTRE PART,

Les débats ont eu lieu à l'audience du 14 juin 2010 où étaient présents : Monsieur NABOULET, Président, Madame LEVRE, "Assesseur Non Salarié Agricole", Monsieur SARION, “Assesseur Salarié Agricole" et Madame [G], Secrétaire.

L'affaire a été mise en délibéré à ce jour, les parties ayant été avisées de la date à laquelle le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe.

VU l'opposition formée par M. [A] le 6 août 2009, par lettre recommandée adressée au secrétariat du Tribunal, à l'encontre d’une contrainte de la CMSA de Lot-et-Garonne, en matière de cotisations,

VU les convocations régulièrement adressées par la secrétaire aux parties en cause,

EXPOSE DU LITIGE :

Le 15 juillet 2009, le directeur général adjoint de la Caisse de Mutualité Sociale Agricole du Lot-et-Garonne (ci-après MSA) a émis une contrainte numéro [...] à l’encontre de M. [B A], pour un montant de 3 425,45 € en principal et majorations de retard.

Cette contrainte a été signifiée à M. [A] le 03 août 2009.

Par courrier de son conseil enregistré au secrétariat-greffe de la juridiction le 10 août 2009, M. [A] à formé opposition à cette contrainte auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lot-et-Garonne. Il avance que « la signification délivrée est nulle en application des dispositions de l’article 648 du NCPC » ; de même, M. [A] fait grief à la MSA de ne pas « justifier de son mode de calcul et de tout élément justifiant cette demande » ; enfin, il avance qu” « un sursis à statuer s’impose » dans la mesure ou, alors qu’il est « partie à une procédure pénale en cours contre la CMSA », « le pénal tient le civil en état ».

Après fusion des secrétariats-greffes des sections «agricole» et «contentieux général», et un renvoi pour avis et obtention des observations du Parquet, l’affaire a été retenue à l’audience du 14 juin 2010.

M. [A], représenté, a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité concernant les articles L.142-4 et L.142-5 du Code de la Sécurité Sociale.

Exposant que cette demande était recevable pour respecter les dispositions de l’article 23-2 de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, il a ainsi demandé au tribunal de la transmettre à la Cour de Cassation, pour renvoi au Conseil constitutionnel, et de surseoir à statuer sur ses autres demandes.

Avisée par courrier du 21 avril 2010, Madame le Vice-Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance d’Agen, lors des débats, après avoir constaté que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. [A] est recevable, a demandé au tribunal de la transmettre à la Cour de Cassation, pour renvoi au Conseil Constitutionnel, ajoutant qu’il n’est pas illégitime que le demandeur s’interroge sur la composition des tribunaux des affaires de sécurité sociale.

La MSA, représentée, a conclu au fond, indiqué que la signification de la contrainte ne souffrait d’aucune nullité et demandé au tribunal de lui en attribuer l’entier bénéfice et effets.

***

À l'issue des plaidoiries, les parties ont été avisées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe en application des dispositions de l’article 450 du Code de Procédure Civile, à la date du 28 juin 2010 s’agissant de la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, le Président de la formation du jugement délibérant et statuant seul, et éventuellement, en cas de refus ou d’urgence, à la date du 13 septembre 2010 sur le fond, le tribunal délibérant et statuant dans sa formation de jugement.

MOTIFS :

Sur le moyen tiré de l'atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution par les articles L. 142-4 et L. 142-5 du Code de Sécurité Sociale :

En application de l’article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de Cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de Cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

Le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 16 avril 2010 dans un écrit distinct des conclusions de M. [A], et motivé. Il est donc recevable.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation :

L’article 23-2 de l’ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation si les conditions suivantes sont remplies :

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

Les dispositions contestées sont applicables au litige ou à la procédure, puisqu’elles sont relatives à la composition du tribunal des affaires de sécurité sociale. Elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel. En outre, elles ne sont pas dépourvues de caractère sérieux, en ce que la disposition qui fixe la composition du tribunal et son organisation a été créée par décret et introduite par le décret n° 85-1353 du 17 décembre 1985 dans la partie législative du Code de la Sécurité Sociale sous le numéro L. 142-4,

Or, en vertu de l’article 34 de la Constitution c’est « la loi [qui] détermine...les principes fondamentaux de la sécurité sociale ».

Par ailleurs, les assesseurs du tribunal des affaires de sécurité sociale sont désignés « sur proposition des organisations patronales et ouvrières les plus représentatives, des organismes d’allocation vieillesse des non-salariés [...] et des organismes d’assurance vieillesse agricole. » Article L. 142-5 du Code de la Sécurité Sociale.

Ces assesseurs du tribunal des affaires de sécurité sociale, étant les représentants de syndicats auxquels tous les justiciables n’adhèrent pas et qui représentent exclusivement les intérêts de ceux qui y adhèrent, n’incarnent pas nécessairement l’intérêt général ni ne garantissent que, dans les contentieux qu’ils ont à juger, l’égalité des droits des citoyens sera assurée,

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de Cassation la question suivante :

Les articles L. 142-4 et L. 142-5 du Code de Sécurité Sociale portent-t-ils atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution de la République française et notamment en ses articles 34, 55, 88-1 ainsi que les articles 1er et 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ?

Sur les autres demandes des parties et les dépens :

En application des dispositions de l’article 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, lorsqu'une question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision de Ia Cour de Cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil Constitutionnel.

Le cours de l’instruction n’est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires. En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés. En l’espèce, aucun élément ne rend nécessaire que soient ordonnées des mesures provisoires ou conservatoires, ni que des points du litige soient immédiatement tranchés.

Il sera donc sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties, et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS :

Le Président de la formation de jugement, après en avoir seul délibéré, statuant par mise à disposition de la décision au secrétariat-greffe, par jugement contradictoire, insusceptible de recours indépendamment du jugement sur le fond,

ORDONNE la transmission à la Cour de Cassation de la question suivante :

Les articles L. 142-4 et L. 142-5 du Code de la Sécurité Sociale portent-t-ils atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution de la République française et notamment en ses articles 34, 55, 88-1, ainsi que les articles 1er et 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ?

DIT que le présent jugement sera adressé à la Cour de Cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

DIT que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

SURSOIT à statuer sur les demandes des parties ;

DIT que l’affaire sera rappelée à l’audience du 11 octobre 2010 à 14 heures ;

RESERVE les dépens.

Ainsi fait et jugé par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lot-et-Garonne — Section Agricole - et prononcé par mise à disposition au greffe le 28 juin 2010, conformément au second alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

La Secrétaire,

Le Président,