Tribunal d'instance d'Annonay

Jugement du 25 juin 2010 n° 11-10-000243

25/06/2010

Renvoi

Jugement du 25 juin 2010

25/06/2010

TRIBUNAL D’INSTANCE d'ANNONAY Hôtel de Justice 26 Boulevard de la République 07100 ANNONAY

: 04 75 67 73 13

RG n°11-10-000243

[A B] c/ PÔLE EMPLOI

JUGEMENT AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Au Tribunal d'Instance d'ANNONAY le 25 juin 2010,

Présidente : Françoise DELON, Greffier : Ginette ROUVEURE, Après débats à l'audience du 22 juin 2010, le jugement suivant a été rendu par mise à disposition au Greffe :

ENTRE : DEMANDEUR : Monsieur [A B] [LOCALITE 1] Représenté par Me Dominique CHAMBON, Avocat au barreau de Ardèche

ET :

DEÉFENDEUR : PÔLE EMPLOI -Institution nationale publique- siège Le Galilée 4 rue Galilée 93198 NOISY LE GRAND CEDEX agissant pour le compte de L’UNEDIC au lieu et place de l’ASSEDIC représenté par le Directeur Régional PÔLE EMPLOI RHÔNE ALPES 6 avenue du Château de Gerland 69364 LYON CEDEX

Représenté par la SELARL CHAZALET & PERERA, Avocats au barreau de Valence

En application de l’article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

En l’espèce, [B A] prétend que les dispositions des articles 63-1 et suivants du Code de procédure pénale, L.8271-8-1 du Code du travail et L.114-16 du code de la sécurité sociale portent atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit en ce qu’elles sont contraires notamment à l’application des dispositions de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’Homme.(Présomption d’innocence et droits de la défense violés par l’application de ces articles).

L’institution nationale publique PÔLE EMPLOI réplique que la demande de saisine du Conseil constitutionnel soutenue par [B A] relative aux articles 63-1 et suivants du Code de procédure pénale est en cours d’examen et qu’il convient d’attendre la réponse du Conseil.

PÔLE EMPLOI ajoute que par ailleurs les dispositions des articles sus visés ne constituent pas le fondement de son argumentation et que celles des articles L 114-6 du code de la sécurité sociale et L 8271-8-1 du Code du travail relatives aux autorités habilitées et aux procès verbaux des agents de l’URSSAF sont étayées par les déclarations de témoins et ne présentent donc pas un caractère sérieux suffisant pour que la question prioritaire de constitutionnalité soit posée les concernant au Conseil Constitutionnel.

Le mémoire de la présente affaire a été déposé le 6 mai 2010 en vu de l’audience du 11 mai 2010 au cours de laquelle le dossier au fond devait être évoqué.

A cette date un renvoi a été sollicité par le défendeur et l’affaire a été renvoyée au 8 juin 2010.

A l’issue de cette audience, l’ensemble de l’argumentation étant réuni le dossier a été transmis au parquet pour avis le 10 juin 2010 et l’affaire renvoyée pour être plaidée au 22 juin 2010.

La présente affaire a donc été communiquée au ministère public le 10 juin 2010, qui à fait connaître son avis le 22 juin 2010. L’affaire a alors été mise en délibéré au 25 juin 2010.

Le ministère public soutient que la demande de question préalable de constitutionnalité est irrecevable.

A titre subsidiaire il déclare que la demande relative à la garde à vue et notamment aux dispositions résultant des articles 63 et suivants du Code de procédure pénale a déjà fait l’objet d’une saisine par la Cour de cassation et que concernant les deux autres questions il parait judicieux de transmettre ces questions en prononçant un sursis à statuer sur le fond du dossier.

MOTIFS DE LA DECISION :

♦ SUR LE MOYEN TIRÉ DE L’ATTEINTE PORTÉE AUX DROITS ET LIBERTÉS GARANTIS PAR LA CONSTITUTION PAR LES ARTICLES L 114-16 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, L 8271-8-1 DU CODE DU TRAVAIL ET 63-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

a) Sur la recevabilité du moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

Le fait que le mémoire comporte des éléments étrangers à la question de la constitutionnalité n’enlève rien à la présentation qui en a été faite dans un mémoire distinct de l’instance au fond, seule exigence posée par la loi. Il sera donc déclaré recevable.

b) Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

L'article 23-2 de l’ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies :

1° la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites : 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, puisque :

► Pour l’article L.114-16 du code de la sécurité sociale elle sert de fondement à la communication aux organismes de protection sociale et notamment PÔLE EMPLOI de toute indication recueillie par l’autorité judiciaire et qui peut leur être utile en matière de fraude aux prestations ou de manoeuvre visant à compromettre le recouvrement des cotisations sociales.

► Pour l’article L.8271-8-1 du Code du travail elle a permis la communication des procès verbaux de travail dissimulé dressés par les inspecteurs de l’URSSAF à PÔLE EMPLOI avec les conséquences que cela n’a pas manqué d’avoir sur le traitement de la situation de Monsieur [A].

► Pour les articles 63-1 et suivants du Code de procédure pénale elle a conditionné les modalités de la garde à vue dont monsieur [A] conteste le déroulement.

Ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel même si au moins l’une d’entre elles a déjà fait l’objet d’une saisine du Conseil.

En outre elles ne sont pas dépourvues de caractère sérieux en ce que deux de ces dispositions ont participé à conférer un pouvoir décisionnel à des organismes qui, en l’espèce, ont pris des initiatives avant même toute décision sur la culpabilité de l’intéressé.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour les questions suivantes :

L’application des dispositions des articles L.8271-8-1 du Code du travail, L.114-16 du code de la sécurité sociale et 63-1 et suivants du Code de procédure pénale sont elles conformes à la constitution et notamment respectent elles le principe de la présomption d’innocence, de la liberté d’entreprendre et celui du respect des droits de la défense garantis par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen( article 9, 16) ?

L'application de ces dispositions porte elle atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention Européenne des droits de l’homme ( dispositions combinées des articles 6.3c et 6.1) ?

♦ SUR LES AUTRES DEMANDES DES PARTIES ET LES DÉPENS :

En application des dispositions de l’article 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, lorsqu’une question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel.

Le cours de l’instruction n’est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires. En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés.

En l’espèce, aucun élément ne rend nécessaire que soient ordonnées des mesures provisoires ou conservatoires, ni que des points du litige soient immédiatement tranchés.

Il sera donc sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties, et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement contradictoire, insusceptible de recours indépendamment du jugement sur le fond,

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation des questions suivantes :

L'application des dispositions des articles L.8271-8-1 du Code du travail, L.114-16 du code de la sécurité sociale et 63-1 et suivants du Code de procédure pénale est elle conforme à la constitution et notamment respecte elle le principe de la présomption d'innocence, de la liberté d'entreprendre et celui du respect des droits de la défense garantis par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen( article 9, 16) ?

L'application de ces dispositions porte elle atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention Européenne des droits de l’homme (dispositions combinées des articles 6.3c et6.1)?

DIT que le présent jugement sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité remis à l’audience du 22 juin 2010 ;

DIT que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

SURSOIT à statuer sur les demandes des parties ;

DIT que l’affaire sera rappelée à l’audience du 4 décembre 2010 à 14 heures si la question prioritaire de constitutionnalité est transmise au Conseil constitutionnel, ou à l’audience du 9 novembre 2010 à 14 heures dans le cas contraire :

RESERVE les dépens ;

LA GREFFIÈRE, LA VICE PRÉSIDENTE, G. ROUVEURE F. DELON

 

 

 

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