Cour d'Appel de Paris

Arrêt du 22 juin 2010 n° 10/08050

22/06/2010

Renvoi

Grosses délivrées aux parties le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 22 JUIN 2010

(n° 358, 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général de la Question prioritaire de constitutionnalité : 10/08050

Numéro d’inscription au répertoire général du dossier au fond :09/14608

DEMANDEUR A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

Société de droit maltais ZETURF LTD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux [LOCALITE 1]

[LOCALITE 2]

représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour assistée de Me Olivier DELGRANGE plaidant pour la SCP WENNER & CIE, avocats au barreau de PARIS, toque : P 314

DEFENDEUR A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

G.I.E. PARI MUTUEL URBAIN [adresse 3] [LOCALITE 4]

représentée par Me Louis-Charles HUVGHE, avoué à la Cour

assisté de Me ANCELIN Ombline substituant Me Pierre DE MONTALEMBERT et plaidant pour le cabinet HOGAN LOVELLS LLP, avocats au barreau de PARTS, toque J 030 et de Me Bruno CHAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 462

PARTIES INTERVENANTES A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE :

SOCIETE FRANCE GALOP [adresse 5] [LOCALITE 6]

représentée par la SCP LAMARCHE-BEQUET- RÉGNIER-AUBERT - REGNIER - MOISAN, avoués à la Cour assistée de Me Bruno CHAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 462

LA SOCIETE D’ENCOURAGEMENT A L’ELEVAGE DU CHEVAL FRANCAIS - SECF Association représentée par son Président Monsieur [D E F]

[adresse 7]

[LOCALITE 8]

représentée par la SCP LAMARCHE-BEQUET- RÉGNIER-AUBERT - REGNIER - MOISAN, avoués à la Cour

assistée de Me Pierre LEVEQUE, plaidant pour la SCP LEFEVRE PELLETIER & ASS avocat au barreau de PARIS, toque : P 238

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Juin 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Joëlle BOURQUARD), Président de chambre

Madame Claire DAVID. Conseillère

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

qui en ont délibéré sur le rapport de Madame Joëlle BOURQUARD

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

MINISTERE PUBLIC :

représenté lors des débats par Madame Carola ARRIGHI DE CASANOVA, avocat Général, qui a fait connaître son avis.

ARRET : - CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Joëlle BOURQUARD), président et par Mille Véronique COUVET, greffier.

La société de droit maltais ZEturf, constituée le [...] 2005, s'est engagée le 17 juin 2005, dans une activité d'organisation et d'exploitation de paris en ligne par la voie de son site internet sur des courses hippiques se déroulant notamment en France.

Se prévalant de ce que cette activité était constitutive d'un trouble manifestement illicite, le groupement d'intérêt économique PARI MUTUEL URBAIN (PMU), l'a, par acte du 27 juin 2005, assignée ainsi que la société française ETURF, anciennement dirigée par l actuel dirigeant de la société ZEturf et qui fournirait à cette dernière des données sur les courses sélectionnées pour la prise de paris en ligne devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris afin de leur voir ordonner, sous astreinte, de cesser de se livrer ou de participer à une telle activité en ce qui concerne les courses hippiques organisées en France.

Par ordonnance rendue le 8 juillet 2005, confirmée par arrêt du 4 janvier 2006 rectifié le 10 janvier suivant, la juridiction des référés a constaté que l'activité entreprise par la société ZEturf causait un trouble manifestement illicite en ce qu'elle portait atteinte au droit exclusif réservé par la loi au PMU pour organiser, hors des hippodromes, des paris sur les courses de chevaux se déroulant en France et a ordonné, d'une part à la société ZEturf de mettre fin à une telle : activité sur son site sous astreinte provisoire de 15 000 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de 48 heures faisant suite à la signification de l'ordonnance et d'autre part, à la société ETURF, également sous astreinte, de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour cesser toute contribution à l'exploitation de cette activité.

Statuant sur le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt confirmatif par la société ZEturf, la cour de cassation (chambre commerciale) a par arrêt du 10 juillet 2007, cassé et annulé, sauf en ce qu'il a refusé d'annuler l'ordonnance entreprise, l'arrêt rendu le 4 janvier 2006 rectifié par arrêt du 10 janvier 2006 par la cour d'appel de Paris et renvoyé la cause et les parties devant la présente cour d'appel, autrement composée. | La cassation est intervenue, au visa de l’article 49 du traité instituant la Communauté européenne et de l’article 809 alinéa 1€f du code de procédure civile et aux motifs que,

« l'arrêt relève que la réglementation en cause, qui restreint la libre prestation de services en réservant au PMU un droit exclusif pour organiser hors des hippodromes des paris sur les courses hippiques ayant lieu en France, ne poursuit pas un objectif de nature économique dès lors que le PMU, contrôlé par l'Etat, est, selon ses statuts, désintéressé et à but non lucratif, et se trouve justifiée en ce qu'elle tend, tout d'abord, à empêcher que les paris ne soient une source de profits individuels, ensuite, à éviter les risques de délits et de fraudes en prévoyant un contrôle des courses et des chevaux avec une efficacité qui n'est généralement pas contestée et, enfin, à limiter les paris et les occasions de jeux, sans qu'une publicité contrôlée ne soit contraire à un tel objectif ;

Alors qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résulte de la jurisprudence de la cour de justice des Communautés européennes (Zenatti, 21 octobre 1999, Gambelli e.a, 6 novembre 2003, Placanica e.a., 6 mars 2007) qu'une restriction à la libre prestation de services, découlant d'une autorisation limitée des jeux d'argent dans le cadre de droits spéciaux ou exclusifs accordés ou concédés à certains organismes, ne peut être justifiée que si elle est nécessaire pour atteindre l'objectif consistant à prévenir l'exploitation des jeux de hasard à des fins criminelles ou frauduleuses en les canalisant dans des circuits contrôlables ou l'objectif tenant à la réduction des occasions de jeux, et qu'une telle restriction n'est susceptible d'être justifiée au regard de ce dernier objectif que si la réglementation la prévoyant répond véritablement, au vu de ses modalités concrètes d'application, au souci de réduire véritablement les occasions de jeux et de limiter les activités dans ce domaine d'une manière cohérente et systématique, ce qui est exclu lorsque les autorités nationales adoptent une politique expansive dans le secteur des jeux afin d'augmenter les recettes du trésor public, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des éléments dont elle ne pouvait déduire que la réglementation en cause tendrait à éviter les risques de délits et de fraude et à limiter les paris et les occasions de Jeux et qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si les autorités nationales n'adoptaient pas une politique expansive dans le secteur des jeux afin d'augmenter les recettes du Trésor public, a privé sa décision de base légale :

Et que,

Pour retenir que la réglementation en cause n'apporte pas de restriction disproportionnée à la libre prestation de services, l'arrêt relève que cette réglementation, outre qu'elle s'applique de manière non discriminatoire, permet, notamment, de prévenir les risques d'exploitation frauduleuse des activités de jeux et de limiter les paris et les occasions de jeux, par un système qui ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs ;

Alors qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résulte de la Jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (Commission/Allemagne, 4 décembre 1986, C-205/84, Commission/italie et Commission/Grèce, 26 février 1991, C- 154/89, C-180/89, C-198/89, Säger, 25 Juillet 1991, C-76/90, Vander Eist, 9 août 1994, C-43/93, Reisebüro Broede, 12 décembre 1996, C-205/84, Gambelli e.a.. 6 mars 2003, C-243/01) que la libre prestation de services ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par des raisons Impérieuses d'Intérêt général et s'appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l'Etat de destination de la prestation de services, uniquement dans la mesure où cet intérêt n'est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l'Etat membre où il est établi, de sorte que les autorités de l'Etat de destination de la prestation de services doivent prendre en considération les contrôles et vérifications déjà effectuées par l'Etat d'origine de celle-ci, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si l'intérêt général sur lequel se fondent les objectifs consistant à limiter les occasions de jeux et à prévenir l'exploitation de ces activités à des fins criminelles ou frauduleuses n'est pas déjà sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire de services estsoumis dans l'Etatmembre oùil est établi, a privé sa décision de base légale ;

Par déclaration déposée au greffe le 23 juin 2009, la société ZEturf Limited, appelante, a saisi la présente cour de renvoi.

En application de l'article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du conseil d'Etat ou de la cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

En vertu de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58 -1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du conseil d'Etat ou de la cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

En l'espèce, la société ZEturf, appelante a déposé le 7 mai 2010, par écrit distinct et motivé un mémoire de question prioritaire de constitutionnalité afin de voir :

« déclarer la loi du 2 juin 1897 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, dans sa rédaction antérieure au 6 avril 2010, non conforme aux droits fondamentaux garantis par la constitution, en tout cas en ce qui concerne l'organisation des courses hippiques et des paris sur lesdites courses, notamment au regard du principe d'égalité devant la loi et de droit à un recours effectif du principe de l'égalité des délits et des peines, du principe du respect des libertés économiques sauf limitations justifiées par des raisons suffisantes d'intérêt général »

Et par conclusions, déposées le 31 mai 2010, elle demande, vu l'article 61-1 de la constitution du 4 octobre 1958, l'article 23-2 de l'ordonnance 58-1067 du 7 novembre 1958, les articles 126-1 et suivants du code de procédure civile, de constater :

- que la loi du 2 juin 1891 dans sa rédaction antérieure à celle au 6 avril 2010 est la base légale de la demande du PMU,

- que le conseil constitutionnel n'a jamais été saisi de la question de savoir si la loi du 2 juin 1891 dans sa rédaction antérieure au 6 avril 2010 est conforme à la constitution,

- que les griefs formulés par elle relativement à la conformité de la loi du 2 juin 1891 dans sa rédaction antérieure au 6 avril 2010, notamment au regard du principe d'égalité devant la loi, du principe de l'interdiction des discriminations et du principe de légalité des délits et des peines ne sont pas dépourvus de caractère sérieux,

Et de transmettre en conséquence, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance 58-1067 du 7 novembre 1958, à la cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité tendant à la déclaration d'inconstitutionnalité de la loi du 2 juin 1891 dans sa rédaction antérieure au 6 avril 2010.

Par conclusions en réponse au mémoire de question prioritaire de constitutionnalité, signifiées le 31 mai 2010, le GIE PARI MUTUEL URBAIN demande de :

- constater que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par ZEturf ne présente pas un caractère sérieux,

- constater que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par ZEturf porte sur une disposition qui a déjà indirectement été déclarée conforme à la Constitution,

- constater que la loi du 2 juin 1891 n'est pas le fondement des poursuites à rencontre de la société ZEturf,

- refuser de transmettre à la Cour de cassation pour saisine du Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société ZEturf tendant à la déclaration d'inconstitutionnalité de la loi du 2 juin 1891.

La société d’'Encouragement à l’ Élevage du Cheval Français, aux termes de ses écritures déposées le 31 mai 2010, demande de constater que,

- la loi du 2 juin 1891 n'est pas la base légale de la demande du GIE PMU,

- a question prioritaire de constitutionnalité soulevée par ZEturf n'a pas un . caractère sérieux,

De refuser de transmettre à la cour de cassation pour saisine du conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité tendant la déclaration d'inconstitutionnalité de la loi du 2 juin 1891,

À titre subsidiaire, et pour le cas où la cour estimerait devoir transmettre à la cour de cassation ladite question, de refuser de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour de cassation ou, si celle-ci décide de transmettre ladite question au conseil constitutionnel dans l'attente de la décision.

La société France GALOP, intervenante volontaire, aux termes de ses écritures déposées le 1€7 juin 2010, demande à la cour de refuser de transmettre à la cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par ZEturf et subsidiairement de renoncer à surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour de cassation ou du conseil constitutionnel.

Le ministère public conclut à ce que les conditions permettant la transmission à la cour de cassation sont remplies dès lors que celle-ci est applicable au litige en cours, que les dispositions de la loi contestées n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution et que la question n'est pas manifestement dépourvue de moyen sérieux.

SUR CE, LA COUR,

- Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

Considérant que le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ayant été présenté le 7 mai 2010 dans un écrit distinct des conclusions de la société ZEturf, et motivé, est donc recevable :

- Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la cour de cassation,

Considérant que la société ZE Turf après avoir rappelé les motifs de la cassation, à l'origine de la saisine de la cour de renvoi et précisé que le conseil d'Etat saisi, à sa demande d'un recours à l'encontre du décret 97-456 du 5 mai 1997, relatif

” aux sociétés de courses et au pari mutuel qui organise un monopole au profit du GIE PMU pour l’organisation du pari mutuel hors hippodromes, a, le 9 mai 2008, sursis à statuer et posé deux questions préjudicielles à la CJCE toujours saisie, elle soutient que la loi contestée, concerne directement le présent litige en ce que la demande présentée par le GIE PMU est expressément et exclusivement fondée sur son article 4 dans sa rédaction antérieure au 6 avril 2010 ;

Que le PMU soutient au contraire que la seule disposition qui fonde les poursuites est celle du décret du 5 mai1997 ainsi qu'il résulte de la demande de la société ZETurf devant la cour visant à ce qu'il « soit dit que le décret du 5 mai 1997, en tant qu'il confie au PMU, un monopole de gestion du pari mutuel urbain n'est pas compatible avec le principe communautaire de libre prestation de services et que son activité ne constitue pas en conséquence un trouble manifestement illicite » ;

Que les sociétés d'Encouragement à l'Elevage du Cheval Français et France GALOP s'associent à cette argumentation :

Que le ministère public estime que la question posée est applicable au litige soumis à la cour,

Et considérant qu'il est établi que la demande formée par le GIE PMU à l'encontre des sociétés ZEturf et ETURF par assignation du 27 juin 2005 est, aux termes de cet acte, fondée sur les dispositions de l'article 809 du code de procédure civile et sur l'article 4 de la loi du 2 juin 1891 modifiée par la loi du 10 mars 2004, que la loi contestée constitue donc le fondement de la demande en justice ;

Que le droit exclusif accordé au PMU pour l'organisation des paris hors hippodromes relève certes de l'application du décret du 5 mai 1997, mais que ce texte n'est qu'un décret d'application de la loi du 2 juin 1891 fixant le principe de ce droit exclusif accordé aux société de courses, que l'organisation des paris en ligne, objet du litige, n'est que l'une des modalités de l'exercice de ce droit ;

Considérant que la société ZETurf soutient en second lieu que la question de la conformité de la loi du 2 juin 1891 à la constitution est nouvelle en ce que ni ses dispositions générales et pénales n’ont fait l'objet d'un examen par le conseil constitutionnel ;

Que le PMU fait valoir que les dispositions de la loi de 1891 ont indirectement été validées par le conseil constitutionnel qui, dans sa décision du 12 mai 2010, s’est prononcé sur la loi relative à l'ouverture et à la concurrence et à la régulation des jeux d'argent et de hasard en ligne et qui a considéré « qu’'eu égard aux objectifs qu'il s'est assignés, il [le législateur] a adopté des mesures propres à assurer une conciliation qui n'est manifestement pas déséquilibrée entre le principe de la liberté d'entreprendre et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public », que la loi sur l'ouverture et à la concurrence des jeux opère largement par renvoi et par référence à la loi de 1891 dont le conseil constitutionnel reconnait ainsi la constitutionnalité ;

Que les sociétés d'Encouragement à l'Elevage du Cheval Français et France GALOP s'associent à cette argumentation; :

Que le ministère public estime que la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture et à la concurrence et à la régulation des jeux d'argent et de hasard en ligne a modifié la loi du 2 juin 1891, il ne l'a pas abrogée et que malgré la promulgation de la loi nouvelle, la solution du litige est commandée à tout le moins pour la période antérieure au nouveau régime mis en place, par la loi de 1891 qui n’a pas été déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du conseil constitutionnel ;

Et considérant qu'il convient d'estimer que loi du 2 juin 1891 n’a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ; qu'en effet si le conseil constitutionnel, dans sa décision du 12 mai 2010, se prononçant sur la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, a évoqué loi du 2 juin 1891, il ne s'évince nullement de cette décision que le conseil constitutionnel l'ait déclarée conforme à la Constitution ;

Que la société ZETurf fait valoir en troisième lieu que la question posée est sérieuse, en ce que la loi du 2 juin 1891 dans sa rédaction antérieure au 6 avril 2010 :

1) instaure un régime discriminatoire, ne prévoyant pas de garanties suffisantes contre les risques d'un usage arbitraire :

• du fait de son imprécision en ce que les articles 2 et 5 qui dérogent à l'interdiction sur les paris et l'organisation des courses ne décrivent ni ne définissent les conditions à remplir et les qualités à vérifier pour obtenir l'autorisation préalable générale d'organiser des courses de chevaux et celle préalable spéciale et révocable de prendre des paris,

• en raison du risque d’arbitraire des décisions prises en application de ces deux articles comme se heurtant à l’article 6 de la DDHC.,

2) viole le principe de légalité des délits et des peines,

• instauré par l'article 8 de la DDHC en ce que l'infraction pour organisation de prise de paris prévue à l'article 4 de la loi repose sur le fondement des articles 2 et 5 de la loi qui ne permettent pas de définir précisément les termes de cette infraction,

3) et que la pratique du monopole qui en découle, porte atteinte à des libertés économiques fondamentales sans justification suffisante tirée de l'intérêt général,

• aux libertés économiques et fondamentales en ce qu'elle enfreint la liberté d'entreprendre découlant de l'article 4 de la DDHC, celle du commerce et de l'industrie érigé en principe constitutionnel et celle de la libre concurrence également garantie par la constitution,

• le défaut de justifications suffisantes étant caractérisé par :

o une absence de motif sérieux d'intérêt général, qu’en effet si le législateur de 1891 a pu entendre protéger les intérêts de l'élevage des chevaux et que l'objectif de sécurité des parieurs a été évoqué à l'occasion de la procédure soumise à la cour de renvoi, l'objectif réel de la loi, le soutien de la filière équine, manifestement dépassé ne justifie plus l'entrave à ces libertés,

o une absence de justifications en ce que la nécessité de préserver l'ordre public par rapport à l'organisation des paris sur les courses ne justifie en rien que l'on réserve cette organisation aux sociétés de courses ;

Que le PMU estime pour sa part que la question est dépourvue de caractère sérieux en ce que la loi de 1891 n'enfreint aucun principe à valeur constitutionnel, que le contrôle que doit opérer le conseil constitutionnel repose sur les mêmes moyens que ceux soulevés devant la cour d'appel et la CJUE à titre préjudiciel et que c'est à la cour de renvoi et non au conseil constitutionnel de trancher le litige sur le fondement du droit communautaire ;

Qu'en effet, la loi ne porte pas atteinte : 1) au principe constitutionnel d'égalité, • Dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, les dispositions législatives soumises au contrôle ne peuvent être

examinées qu'au regard des “droits et libertés garantis par la Constitution" et non au regard des objectifs à valeur constitutionnelle

• Le Conseil Constitutionnel rappelle en effet de manière constante que « /e principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ,

• En l'espèce, force est de constater que la loi de 1891 n'instaure aucune rupture d'égalité entre les sociétés souhaitant organiser des courses de chevaux et la prise de paris sur hippodromes ;:

• Les objectifs à valeur constitutionnelle n'énoncent pas un droit mais un but, un objectif, que le législateur est tenu de prendre en considération lorsqu'il intervient pour légiférer dans tel ou tel domaine, ils ne constituent pas des droits subjectifs contrairement aux principes à valeur constitutionnelle

• L'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la Loi ne peut pas être invoqué par ZEturf au soutien de sa question prioritaire de constitutionnalité,

Etant ajouté que, en tout état de cause, la loi du 2 juin 1891 ne contrevient pas à l'objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d'accessibilité à la loi

• La Loi se doit de rester générale et cantonnée aux domaines qui lui ont été attribuées par la Constitution.et le rappel de cette double exigence explique à lui seul la rédaction de la Loi de 1891 qui est aujourd'hui critiquée,

• Des décrets d'application la précisent,

• Contrairement à ce que prétend ZEturf, le destinataire de la loi de 1891 ne demeure pas dans l'ignorance des critères qu'il convient de vérifier pour obtenir l'autorisation d'organiser des courses de chevaux.

• Il convient en outre de souligner que les décisions de rejet d'autorisation préalable interviennent après avis du Conseil supérieur des haras (article 2 de la loi de 1891) et sont donc motivées ; le demandeur à qui est opposé un refus peut en outre contester le refus d'agrément par le ministre de l'agriculture devant le juge administratif, conformément au droit commun,

• La loi de 1891 y compris ses décrets d'application est ainsi parfaitement accessible et intelligible pour le citoyen,

2) au principe de légalité des délits et des peines

• Compte tenu de la portée du principe de légalité des délits et des peines dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il apparaît que les conditions d'incriminations fixées par les articles 4 et 5 de la Loi du 2 juin 1891 sont parfaitement conformes à la Constitution,

• Les conditions de l'infraction visant à sanctionner les personnes prenant des paris sur des courses de chevaux sans autorisation préalable sont clairement énoncées à l'article 4 de la loi de 1891, en combinaison avec l'article 5. La sanction est aussi clairement définie.

3) à des libertés économiques fondamentales sans justification suffisante :

• Les restrictions aux libertés économiques inhérentes à la Loi du 2 juin 1891 sont parfaitement conformes à la Constitution dans la mesure où elles sont justifiées par des raisons liées à la protection de l'ordre public et de l'ordre social,

• La liberté de concurrence n'est pas absolue. || appartient au législateur d'y apporter des restrictions, notamment dans le secteur des paris hippiques,

• C'est en particulier pour réduire les risques de fraude à rencontre des parieurs, que le législateur a adopté la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer le fonctionnement des courses de chevaux,

• Ces restrictions à la liberté d'entreprendre et à la libre concurrence ainsi qu'à la liberté du commerce et de l'industrie imposées par le législateur en 1891 reposent sur les mêmes motifs que ceux ayant guidés le législateur en 2010, à savoir la protection de l'ordre public,

• La loi poursuit également un objectif de réduction des occasions de jeu et de protection des consommateurs, que sont les parieurs, contre les risques d'addiction et d'éviter de stimuler la demande dans le secteur des jeux d'argent dont les excès ont des conséquences sociales dommageables,

Que les sociétés d'Encouragement à l'Elevage du Cheval Français et France GALOP s'associent à cette argumentation ;

Que le ministère public estime que la question n'est pas dépourvue de sérieux dès lors qu'il ne revient pas à cette juridiction de déduire de la combinaison de la loi de 1891 et du décret du 5 mai 1997 que le législateur a fixé des règles et que le pouvoir réglementaire les a mises en œuvre conformément aux articles 34 et 37 de la Constitution ; que pour les mêmes raisons, la question de la violation de l'article 8 de la DDHC par l'article 4 de la loi contestée se pose et que l'appréciation par le conseil constitutionnel au cas par cas de l'adéquation de dispositions limitant la liberté d'entreprendre avec la caractère constitutionnel de ce principe justifie que cette question soit transmise à la cour de cassation ;:

Et considérant que la troisième condition posée par l'article 23-2 de la loi organique du 10 décembre 2009 impose aux juridictions du premier ou second degré de l'ordre judiciaire dé seulement rechercher si « la question posée n'est pas dépourvue de caractère sérieux », qu'elle ne leur permet pas de rechercher si la question posée présente ou non un caractère sérieux ;

Que s'agissant du premier moyen soulevé relatif à l'atteinte au principe constitutionnel d'égalité,

Considérant que la loi du 2 juin 1891 dont l'objet est « de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux » dispose en son article 2 que, « seules sont autorisées les courses de chevaux ayant pour but exclusif l'amélioration de la race chevaline et organisées par des sociétés dont les statuts ont été approuvées par le ministre de l'agriculture », que son article 5 précise, « toutefois, les sociétés remplissant les conditions prescrites par l’article 2 pourront, en vertu d'une autorisation spéciale et toujours révocable du ministre de l'agriculture et, moyennant un prélèvement fixe en faveur des œuvres locales de bienfaisance et de l'élevage, organiser le pari mutuel mais sans que cette autorisation puisse infirmer les autres dispositions de l'article 4 », qu'un décret, rendu sur proposition du ministre de l'agriculture, déterminera les conditions d'application du présent texte » ;

Que le principe d'égalité des sujets de droits devant la loi ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il y déroge pour des raisons d'intérêt général, dès lors que comme en l'espèce, la différence de traitement qui en résulte est en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit et qui est précisément de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ;

Que toutefois, dès lors que le décret du 5 mai 1997 renvoie à la loi de portée générale sans préciser les critères d'autorisation spéciale d'organiser le pari mutuel retenus par le ministre de l'agriculture et ne détermine pas dans quelles conditions cette autorisation est sujette à révocation, il convient d'estimer que la loi déroge au principe constitutionnel d’intelligibilité et d'accessibilité ;

Que dans la mesure où il n'entre pas dans les pouvoirs de la présente juridiction de dire si les principes et exigences à valeur constitutionnelle invoqués doivent ou non être écartés du champ du contrôle du conseil constitutionnel, il convient de dire que la question posée n'est pas dépourvue de caractère sérieux ;

Qu'en ce qui concerne l'atteinte invoquée au principe de légalité des délits et des peines,

Considérant que l'article 4 de la loi du 2 juin 1891 définit précisément l'élément matériel de l'infraction à savoir l’organisation des paris sur les courses de chevaux, quelle qu'en soit la forme, sans autorisation préalable ou la prise de paris directement ou indirectement, l'élément moral de l'infraction en l'espèce s'agissant d'une infraction non intentionnelle ainsi que les peines encourues, en l'occurrence un emprisonnement jusqu'à trois mois et une amende de 30 000 € ;:

Que toutefois, dès lors que l'élément matériel de l'infraction en ce qu'il repose sur l'absence d'autorisation préalable, dont les conditions d'obtention et de révocation se heurtent, du fait de leur absence de critères de définition, au principe constitutionnel d'intelligibilité et d'accessibilité, il convient d'estimer que la question de la violation par la loi de 1891 du principe de légalité des délits et des peines n’est pas dépourvue de caractère sérieux

Qu'en ce qui concerne l'atteinte portée à des libertés économiques fondamentales sans justification suffisante tirée de l'intérêt général par la pratique du monopole ;

Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, que si le législateur peut y apporter des restrictions exigées par l'intérêt général c'est à la condition qu'il n’en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi; que de même, le législateur peut déroger à la liberté de commerce et de l'industrie et à celle de la libre concurrence, érigées en principe constitutionnel, pour des raisons d'intérêt générales proportionnées par rapport aux objectifs annoncés ;

Qu'en l'espèce, l'objectif exclusif affiché par le législateur de 1891, pour autoriser les courses de chevaux organisées par les seules sociétés dont les statuts auront été approuvés par le ministre de l'agriculture et restreindre les libertés économiques concernées, est l'amélioration de la race chevaline ;

Que si la restriction apportée par la loi du 2 juin 1891 aux libertés économiques fondamentales peut être justifiée par l'intérêt général ou par des limitations liées à exigences constitutionnelles n'ayant pas pour conséquences d'en dénaturer la portée, l'appréciation de la justification de cette restriction au regard de l'intérêt général ou d'autres exigences constitutionnel relève du seul conseil constitutionnel ;

Qu'il s'ensuit que la question posée quant à l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre et aux principes constitutionnels de la liberté de commerce et de l'industrie et à celle de la libre concurrence n'est pas dépourvue de caractère sérieux ;

Considérant que le PMU fait également valoir, qu'en raison de l'identité des moyens soulevés devant le conseil constitutionnel, la cour d'appel et la CJUE,

• La convergence de contrôle de la CJUE et du conseil constitutionnel, l'identité des arguments de fond soulevés par ZEturf pour faire reconnaître d'une part l'inconstitutionnalité de la Loi du 2 juin 1891 par le Conseil constitutionnel et d'autre part l'inconventionnalité de cette Loi par la CJUE rendent toute transmission de la question prioritaire de constitutionnalité inutile et potentiellement source de positions inconciliables.

• Le contrôle de proportionnalité effectué par le Conseil constitutionnel au regard de l'existence d'une raison d'intérêt général et celui qu'il est demandé à la Cour d'appel d'effectuer sont convergents dès lors qu'il porte sur la légitimité des restrictions apportées par le législateur à l'exercice de l'activité de prise de paris hippiques hors hippodromes au regard du principe de proportionnalité ; que la solution donnée par le Conseil constitutionnel et la Cour d'appel sur renvoi devraient également être convergentes :

Que compte tenu à la fois de la question que la Cour de cassation a invité la cour d'appel à trancher et des questions préjudicielles en cours sur un sujet identique à celui faisant l'objet de la question prioritaire de constitutionnalité, son caractère sérieux fait défaut ;

Que les sociétés d'Encouragement à l'Elevage du Cheval Français et France GALOP s'associent à cette argumentation ;

Mais considérant que le contrôle de conventionalité est avant tout un contrôle de proportionnalité, vérifiant l'adéquation de l'application de la loi au cas d'espèce, que le contrôle de constitutionnalité est en revanche un contrôle in abstracto de compatibilité d'une norme législative à la Constitution ;

Considérant qu’en posant la règle de priorité d'examen de la constitutionnalité de la disposition législative attaquée, le législateur organique hiérarchise les deux modes d'examen de la loi au regard des normes qui lui sont supérieures, que le contrôle de conventionnalité est désormais conditionné à l'exercice prioritaire du contrôle de constitutionnalité a posteriori prévu par l’article 61-1 de la constitution ; que gens ces conditions, le moyen ainsi soulevé doit être écarté comme inopérant ;

Considérant qu'en application de l'article 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le conseil constitutionnel, lorsqu'une question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu'à réception de la décision de la cour de cassation où, s’il a été saisi, du conseil constitutionnel : que le cours de l'instruction n'est pas suspendu et que la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires ; qu'en outre lorsque le sursis à statuer risquerait d'entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés ;

Qu'en l'espèce, aucun élément ne rend nécessaire que soient ordonnées des mesures provisoires ou conservatoires, ni que des points du litige soient immédiatement tranchés, qu'il sera en conséquence sursis à statuer sur l'ensemble des demandes des parties et que les dépens seront réservés :

PAR CES MOTIFS

Ordonne la transmission à la cour de cassation de la question suivante :

« la loi du 2 juin 1897 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, dans sa rédaction antérieure au 6 avril 2010, [est-elle] non conforme aux droits fondamentaux garantis par la constitution, en tout cas en ce qui concerne l'organisation des courses hippiques et des paris sur lesdites courses, notamment au regard du principe d'égalité devant la loi et de droit à un recours effectif du principe de l'égalité des délits et des peines, du principe du respect des libertés économiques sauf limitations justifiées par des raisons suffisantes d'intérêts général »,

Dit que le présent arrêt sera adressé à la cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires et conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité,

Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision,

Sursoit à statuer sur les demandes des parties,

Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du 11 janvier 2011 si la question prioritaire de constitutionnalité est transmise au conseil constitutionnel, ou à l'audience du 5 octobre 2010 dans le cas contraire,

Réserve les dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT