Cour d'Appel de Nîmes

Ordonnance du 29 avril 2010 n° 10/01679

29/04/2010

Renvoi

COUR D'APPEL. DE NIMES

question prioritaire de constitutionnalité sur recours contre décision d'autorisation de visite domiciliaire

ORDONNANCE DU 29 AVRIL 2010

APPELANTS :

Société WEBTEL-GSM LLC Société de droit américain TROLLEY SQUARE [LOCALITE 1]

_ Rep/assistant : la SELARL HENN & ASSOCIE (avocat : au barreau de MARSEILLE)

Madame [A H] épouse [B-C]

née le [DateNaissance 2] 1965 à [LOCALITE 3] ([...])

[LOCALITE 4] [LOCALITE 5]

Rep/assistant : la SELARL HENN & ASSOCIE (avocats au barreau de MARSEILLE)

Monsieur [F G] [LOCALITE 6]

Rep/assistant : la SELARL HENN & ASSOCIE (avocats au barreau de MARSEILLE)

INTIMÉE :

ADMINISTRATION FISCALE - DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES

[adresse 7]

Rep/assistant : Me Dominique HEBRARD-MINC - (avocat au barreau de MONTPELLIER)

 

L'affaire a été débattue le 23 Mars 2010, en audience publique devant Monsieur Jean-Pierre GOUDON, Premier Président, assisté de Madame [D E], adjoint administratif faisant fonction de greffier.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Avril 2010.

À la requête présentée par la Direction Nationale d’Enquêtes | Fiscales, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de NIMES à par ordonnance du 11 février 2009 autorisé des visites et saisies conformément à l’article L 16 B du Livre des Procédures Fiscales dans des locaux et dépendances situés à [LOCALITE 8] ([LOCALITE 9]) et pouvant être occupés par la société WEBTEL-GSM LLC, WEBTEL-GSM.COM LLC, Madame [A H] ou [A B-C] née [H] et Monsieur [F G] :

Ces dermers ont interjeté appel de ladite ordonnance et ils ont également formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie ;

Par des écrits distincts, ils contestent la conformité à la Constitution de l’article L 16 B du Livre des Procédures Fiscales et ils demandent que la question prioritaire de constitutionnalité soit transmise à la Cour de Cassation,

Ils invoquent les dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 dans sa rédaction issue de la loi organique du 10 décembre 2009 rélative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution et ce au regard de l’inviolabilité du domicile et au regard du droit à un recours effectif ;

Ils soutiennent que ces moyens sont tirés d’une disposition législative qui porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et ils estiment que les conditions prescrites pour la transmission de la question prioritaire sont en l’espèce réunies :

Ils demandent par ailleurs qu’il leur soit donné acte de ce qu’ils motiveront par des conclusions distinctes leur appel et leur recours et ils demandent qu’il soit sursis à statuer jusqu’aux décisions de la Cour de Cassation ou du Conseil Constitutionnel ;

 

Le Directeur Général des Finances Publiques par des conclusions distinctes s’en rapporte sur la demande de mise en oeuvre de la question prioritaire de constitutionnalité de l’article L 16 B du Livre des Procédures Fiscales ;

Il soutient que l’article L 16 B du Livre des Procédures Fiscales issu de l’article 94 de la loi de finances pour 1985 du 29 décembre 1984 a été déclaré conforme à la Constitution :

- que la modification apportée par l’article 164 de la joi du 4 août 2008 est venue renforcer le contrôle du juge en instituant une voie d'appel contre l’ordonnance d’autorisation et un recours contré le déroulement des opérations de visite et de saisie ;

- que le Conseil Constitutionnel avait estimé que le principe du double degré de juridiction n’avait pas en lui-même de valeur constitutionnelle et que l’article L 16 B du Livre des Procédures Fiscales assurait la conciliation du principe de liberté individuelle et les nécessités de lutte contre Ia fraude fiscale :

_ Les procédures ont été communiquées le 23 mars 2010 au Ministère Public qui en a pris acte par une mention aux dossiers.

SUR CE

- Sur la jonction :

Attendu que. pour une bonne administration de la Justice il convient de joindre les procédures suivies sous les n°09/00618 et 09/00013 ;

- Sur la recevabilité des moyens tirés de l'atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution :

Attendu que les moyens tirés de l’atteinte aux droits et libertés : garantis par la Constitution ont été présentés le 22 mars 2010 pour l’audience du 23 mars 2010 dans des écrits distincts et motivés au regard de l’inviolabilité du domicile et du droit à un recours effectif qui ne seraient pas garantis par les dispositions de l’article L 16 B du Livre des Procédures Fiscales dans sa rédaction actuelle issue de la loi du 4 août 2008 :

Attendu que les moyens sont en conséquence recevables :

 

- Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation:

Attendu qu'aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, la juridiction saisie doit transmettre la question prioritaire de constitutionnalité à Ja Cour de Cassation si les conditions suivantes sont remplies :

- la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ;

- la disposition contestée n’a pas déjà été déclarée conforme à la

Constitution par le Conseil Constitutionnel : - la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux :

Attendu en l’espèce que la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure dès lors que l’article L 16 B du Livre des Procédures Fiscales dans les termes de l’article 164 de la loi du 4 août 2008 constitue le fondement de l’autorisation de visite et de saisie accordée par le juge des libertés et de la détention le 11 février 2009 à Ia requête de l’ Administration Fiscale ;

Que cette disposition dans sa rédaction actuelle n’a pas été déclarée conforme à la Constitution par une décision du Conseil Constitutionnel ;

Qu'elle ne figure pas au tableau recensant les questions prioritaires de constitutionnalité en cours d’examen ;

Attendu que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux dès lors que sont alléguées une atteinte grave au caractère privé du domicile et une dérogation aux droits de là défense et au droit à un recours effectif ;

Attendu qu’il convient en conséquence de transmettre à la Cour de Cassation la question suivante :

- L'article L 16 B du Livre des Procédures Fiscales dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution au titre de l’inviolabilité du domicile et du droit à un recours effectif prévus par l’article 16 de la Constitution ?

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe de la Juridiction rendue contradictoirement et insusceptible de recours :

Ordonnons la jonction des procédures suivies sous les n°09/00618 et 09/00013 ;

Ordonnons la transmission à la Cour de Cassation de Îa question suivante:

- L'article L 16 B du Livre des Procédures Fiscales dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution au titre de l'inviolabilité du domicile et du droit à un recours effectif prévus par l'article 16 de la Constitution ?

Disons que la présente ordonnance sera adressée à la Cour de Cassation dans les huit jours de son prononcé avec les conclusions des parties ;

Disons que les parties et le ministère public seront à AVISÉS par tout moyen de la présente décision ;

Sursoyons à statuer sur les demandes des parties :

Disons que l'affaire sera rappelée à l'audience du mardi 19 octobre 2010 à 14 h ;

Réservons les dépens.

LE GREFFIER LE PREMIER PRÉSIDENT