Tribunal de grande instance de Lyon

Jugement du 20 avril 2010 n° 1025495

20/04/2010

Renvoi

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LYON

JUGEMENT CORRECTIONNEL DU : 20 AVRIL 2010 CONTRADICTOIRE

N° de Jugement : 3140 - 14ème Chambre

N° de Parquet : 1025495

Prévenu : [D F]

A l'audience publique du TRIBUNAL CORRECTIONNEL, au Palais de Justice de LYON le VINGT AVRIL DEUX MILLE DIX

composé de Monsieur GOUDARD), Président,

Madame PAGES, Juge assesseur,

Monsieur GOURSAUD), Juge assesseur,

assisté de Mademoiselle ROLLE, Greffier,

en présence de Madame BARRET, Substitut du Procureur de la République,

assisté de Mademoiselle RIOUX, auditrice de justice a été appelée l’affaire

ENTRE :

Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce Tribunal, demandeur et poursuivant,

ET :

- [D F G]

Né le [DateNaissance 1] 1973 à [LOCALITE 2]

de [D O] et de [H I J]

Nationalité française

Demeurant [adresse 3] [LOCALITE 4]

célibataire - sans emploi

Libre sous contrôle judiciaire en date du 3 mars 2010 modifié en date du 24 mars 2010 ;

Non comparant et non représenté à l’audience de ce jour ;

Prévenu de :

* VIOLENCE SUR UN ASCENDANT SANS INCAPACITE

L'affaire appelée à l’audience publique du 3 mars 2010 :

* Maître GENIN, conseil de [D F], a, in limine litis, par des conclusions écrites régulièrement déposées, soulevé une exception de nullité, au motif qu’il convient d’annuler la garde à vue, en l’absence de notification du droit au silence du gardé à vue et pour défaut de possibilité pour l’intéressé d’être assisté d’un avocat au cours des interrogatoires, le gardé à vue n’ayant pas dès lors bénéficié des garanties prévues par la Convention Européenne des Droits de l'Homme ; après en avoir délibéré, et réquisitions préalablement prises par le Ministère Public, le Tribunal a joint l’exception au fond ;

* Maître SAYN, conseil de [D F], à, in limine litis, par conclusions distinctes, écrites et motivées, régulièrement déposé une demande d’examen de la question prioritaire de constitutionnalité pour savoir si l’article 63 alinéa 1 du Code de Procédure Pénale confiant le droit de priver les citoyens de leur liberté à une OPJ est conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution ; après en avoir délibéré, et réquisitions préalablement prises par le Ministère Public, le Tribunal a joint la question prioritaire de constitutionnalité à l’examen au fond ;

* l’avertissement prescrit par les articles 395 et suivants du Code de Procédure Pénale a été donné au prévenu qui a mis en liberté sous contrôle judiciaire,

* une expertise psychiatrique du prévenu a été ordonnée

* a été renvoyée contradictoirement à l’audience du 24 mars 2010 à 14 H 00 à la 14ème Chambre du Tribunal Correctionnel de LYON ;

L'affaire appelée à l’audience publique du 24 mars 2010, le Tribunal a renvoyé contradictoirement l’affaire, à la demande de Maître SAYN et du Docteur [L] pour permettre à ce dernier de déposer son rapport d’expertise psychiatrique, à l’audience du 20 avril 2010 à 14 H 00 à la 14°" Chambre du Tribunal Correctionnel de LYON :

L’affaire appelée à l’audience publique de ce jour, il a été donné lecture des procès-verbaux et du rapport d’expertise psychiatrique ;

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions ;

Le greffier a tenu note du déroulement des débats ;

Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la Loi, a statué en ces termes ;

LE TRIBUNAL

Attendu que [D F], déféré devant le Procureur de la République le 3 mars 2010, fait l’objet d’une procédure de comparution immédiate en application des articles 395 et 396 du Code de procédure pénale ;

Attendu que le prévenu présent à l’audience qui a ordonné le renvoi de l’affaire, ne comparaît à l'audience de ce jour ; qu’il y a lieu de statuer contradictoirement ;

Attendu que [D F] est prévenu :

* d’avoir à [LOCALITE 5] en tout cas sur le territoire national le 1er mars 2010 en tout cas depuis temps non prescrit, volontairement porté des coups, ou commis des violences ou voies de fait, n’ayant pas entraîné une incapacité totale de travail personnel sur la personne de Mme [J D], son ascendant légitime. faits prévus par ART. 222-13 AL. 1 3° C. PENAL et réprimés par ART. 222-13 AL. 1, ART. 222-44, ART. 222-45, ART. 222-47 AL. 1 C. PENAL

Sur l’exception de nullité soulevée :

Attendu que dans un Etat de droit s’impose le principe de légalité qui inclut lui- même le principe de hiérarchie des normes juridiques ;

Attendu que Îles traités et conventions internationales régulièrement ratifiés s’imposent en droit interne ;

Attendu que l’article 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales stipule :

Î - toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un Tribunal indépendant et impartial, établi par la Loi, qui décidera, soit (..), soit un bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ;

(...)

2 - toute accusé a droit notamment à :

(...)

b - disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense

c- se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens (...) par un avocat d'office (...)

d - interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge

Attendu que la lettre de ce texte porte sur les droits de la personne devant un Tribunal ;

Attendu que la Cour Européenne des droits de l’Homme a statué dans l’arrêt Grande Chambre SALDUZ contre TURQUIE du 27 novembre 2008 dans les termes suivants :

3 - L'appréciation de la Cour

a) les principes généraux applicables en l'espèce

50. La Cour rappelle que si l’article 6 a pour finalité, au pénal, d'assurer un procès équitable devant un Tribunal compétent pour décider du bien-fondé de l’accusation, il n'en résulte pas qu'il se désintéresse des phases qui se déroulent avant la procédure. de jugement. Ainsi l’article 6 -spécialement en son paragraphe 3- peut jouer un rôle avant la saisine du juge du fond si, et dans la mesure où, son inobservation initiale risque de compromettre gravement l'équité du procès. (...)

52, Une législation nationale peut attacher à l'attitude d'un prévenu à la phase initiale des interrogatoires de police des conséquences déterminantes pour les perspectives de la Défense lors de tout procédure pénale ultérieure. En pareil cas, l'article 6 exige normalement que le prévenu puisse bénéficier de l'assistance dès le premier stade des interrogatoires de police. Ce droit, que la Convention n'énonce pas expressément, peut toutefois être soumis à des restrictions pour des raisons valables. Il s'agit donc, dans chaque cas, de savoir si la restriction litigieuse est justifiée et, dans l'affirmative, si, considérée à la lumière de la procédure dans son ensemble, elle a ou non privé l'accusé d’un procès équitable, car même une restriction justifiée peut avoir pareil effet dans certaines circonstances

53. Les principes décrits au paragraphe 52 (...) contribuent à la prévention des erreurs judiciaires et à la réalisation des buts poursuivis par l’article 6, notamment légalité des armes entre les autorités d'enquête ou de poursuite et l'accusé

54. La Cour souligne l'importance du stade de l'enquête pour la préparation du procès, dans la mesure où les preuves obtenues durant cette phase déterminent le cadre dans lequel l'infraction imputée sera examinée au procès. Parallèlement, un accusé se trouve souvent dans une situation particulièrement vulnérable à ce stade de la procédure (...) Dans la plupart des cas cette vulnérabilité particulière ne peut être compensée de manière adéquate que par l'assistance d'un avocat, dont la tâche consiste notamment à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de na pas s'incriminer lui-même. Le droit présuppose que, dans une affaire pénale, l'accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions au mépris de la volonté de l'accusé

55. a) Dans ces conditions, la Cour estime que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6§1 demeure suffisamment concret et effectif, il faut, en règle générale, que l'accès à l'avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police, sauf à démonter, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons imperieuses pouvant exceptionnellement justifier le refus de l'accès à un avocat, pareille restriction, quelle que soit sa justification, ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l'accusé de l'article 6. Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la Défense lorsque les déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation ;

b) Application en l'espèce des principes énoncés ci-dessus

56. En l'espère, le droit du requérant à bénéficier de l'assistance d'un avocat a été restreint pendant sa garde à vue, en application de l’article 31 de la loi N°3842, au motif qu'il se trouvait accusé d’une infraction qui relevait de la compétence des cours de sûreté de l'Etat.

58. I est clair en l'espèce que le requérant a été personnellement touché par les restrictions mise à la possibilité pour lui d'avoir accès à un avocat, puisque aussi bien sa déclaration à la police a servi à fonder sa condamnation. Ni l'assistance fournie ultérieurement par un avocat, ni la nature contradictoire de la Suite de la procédure n'ont pu porter remède au défaut survenu pendant la garde à vue. (.….)

60. La Cour relève enfin que l'un des éléments caractéristiques de la présente espèce était l'âge du requérant (..) mineur (...)

61. Or en l'espèce (..), la restriction imposée au droit d'accès à un avocat relevait d'une politique systématique et était appliquée à toute personne, indépendamment de son âge, placée en garde à vue en rapport avec une infraction relevant de la compétence des cours de sûreté de l'Etat.

62. En résumé, même si le requérant a eu l’occasion de contester les preuves à charge à son procès en première instance puis en appel, l'impossibilité pour lui de se faire assister par un avocat alors qu'il se trouvait en garde à vue à irrémédiablement nui à ses droits de la défense ;

c) Conclusions

63. Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut qu'il y a en l'espèce violation de l'article 6§3 de la Convention combiné avec l'article 6§1

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITE

1) Dit qu'il y a violation de l’article 6§3 c) de la Convention combiné avec l’article 6§1 à raison du fait que le requérant n'a pu se faire assister d'un avocat pendant sa garde à vue ; (...)

Attendu que l’année suivante la Cour Européenne des Droits de l’Homme a, dans un arrêt deuxième section DAYANAN contre TURQUIE du 13 octobre 2009 statué ainsi :

“29. Sur le fond de l'affaire, le Gouvernement fait remarquer que le requérant a fait usage de son droit de garder le silence au cours de sa garde à vue, de sorte que l'absence d'avocat n'a eu aucune incidence sur le respect de ses droits de la défense. (..)

30. En ce qui concerne l'absence d'avocat lors de la garde à vue, la Cour rappelle que le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d'office, figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable (SALDUZ, précité §51) (...)

31. Elle estime que l'équité d’une procédure pénale requiert d’une manière générale, aux fins de l'article 6 de la Convention, que le suspect jouisse de la possibilité de se faire assister par un avocat dès le moment de son placement en garde à vue ou en détention provisoire.

32. Comme le souligne les normes internationales généralement reconnues, que la Cour accepte et qui encadrent sa jurisprudence, un accusé doit, dès qu'il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu'il subit (pour les textes de droit international pertinents en la matière, voir SALDUZ, précité, §§37-44). En effet, l'équité de la procédure requiert que l'accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil. À cet égard, la discussion de l'affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer.

33. En l'espèce, nul ne conteste que le requérant n'a pas bénéficié de l'assistance d'un conseil lors de sa garde. à vue parce que la loi en vigueur à l'époque pertinente y faisait obstacle (SALDUZ, précité, §§27, 28). En soi, une telle restriction systématique sur la base des dispositions légales pertinentes, suffit à conclure à un manquement aux exigences de l'article 6 de la Convention, nonobstant le fait que le requérant a gardé le silence au cours de la garde à vue.

34. Partant, la Cour conclut qu'il y a eu violation de l'article 6§ 3c) de la Convention combiné avec l'article 6 § 1.

(..)

37. Le requérant se plaint également de n'avoir pas été informé des raisons de son arrestation et de l'accusation portée contre lui, Il soutient n'avoir pu disposer des facilités nécessaires à la préparation de sa défense (6§3-b) et n'avoir pu interroger les témoins à charge (6 §3-d). (.)

38. La Cour a examiné les griefs tels qu'ils ont été présentés par le requérant (paragraphe 37). Compte tenu de l’ensemble des élèments en sa possession, elle n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ; ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITE

2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6§3 c) de la Convention combiné avec l’article 6§1 à raison du fait que le requérant n'a puse faire assister d'un avocat pendant sa garde à vue ;

(...)"

Attendu que l’article 46 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales stipule :

“1. Les Hautes Parties contractantes n'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties”

Attendu que la FRANCE n’était pas partie aux litiges objets des arrêts précités SALDUZ et DAY ANAN, qui ne s’imposent donc pas à notre cas d’espèce ;

Attendu cependant que les arrêts de la CEDH ne sont pas dépourvus d’effet à l’égard des autres Etats adhérents par les effets juridiques de la jurisprudence de la Cour, l’autorité de la chose interprétée allant au-delà de l’autorité de la chose jugée ;

Attendu qu'aucune juridiction n’a compétence pour rendre des arrêts de règlement ;

Attendu que cette jurisprudence européenne, qui est fondée sur la compétence de la Cour pour harmoniser l’interprétation de la Convention dans les différents systèmes et ordres juridiques des Etats adhérents, n’est pas rigide et laisse place au dialogue entre la Cour européenne et le juge national ;

Attendu qu’il appartient aux juridictions nationales d’appliquer la Convention en l’interprétant tout en tirant les enseignements de l’interprétation de la Cour européenne si celle-ci est claire, précise et stable ;

Attendu qu’il résulte de la lecture et de l’articulation des arrêts SALDUZ et DAYANAN précités :

- une évolution entre le 1er arrêt GRANDE CHAMBRE de 2008 et l’arrêt DAYANAN - Deuxième Section de 2009

- une différence de raisonnement juridique, pour l’un développé et explicité tout en nuances sur 15 pages et 80 considérants, pour l’autre plus péremptoire sur quelques pages et la moitié moins de considérants ;

- une incohérence interne à l’arrêt DAYANAN qui fait une application sélective de l’article 6 de la Convention en faisant droit au constat de la violation du 3-c au motif de l’absence de l’assistance d’avocat en garde à vue tout en rejetant la requête sur le non respect de l’article 6-3 b) et d) qui portent sur l’absence des facilités nécessaires à la préparation de la défense et l’interrogatoire des témoins, alors que si les conditions d’un procès équitable telles que préconisées à l’article 6 s’imposent à la procédure préparatoire au procès, la totalité de l’article 6 en son entier s’impose à la phase d’enquête, au nom de l’équité du procès ;

Attendu que cette évolution jurisprudentielle en un an et le caractère sélectif, voire incohérent, qui résulte de ces arrêts ne permet pas de considérer qu’il s’agisse d’une jurisprudence européenne stable ;

Attendu qu’il appartient dès lors à la présente juridiction d’interpréter l’article 6 de la Convention invoqué dans les conclusions de nullité déposées par la défense de Monsieur [D F] ;

Attendu que l’article 6 de la Convention porte sur l’exigence d’équité devant un Tribunal ;

Attendu que le texte conventionnel n’indique pas que cette exigence d’équité et les droits afférents des personnes entendues s’impose au stade de la phase préparatoire et antérieure du procès devant le Tribunal :

Attendu qu’imposer une telle exigence au stade de l’enquête pénale reviendrait non pas seulement à interpréter mais à ajouter au texte littéral ;

Attendu qu’un tel ajout, systématique et automatique, pour la phase d’enquête, est de la compétence des Etats souverains signataires à la Convention ;

Attendu qu’il appartient au juge d’interpréter et non d’écrire ou réécrire les textes conventionnels ;

Attendu qu’en l’Etat du texte littéral de la Convention, l’article 6, que ce soit son paragraphe 1, 2 ou 3, en son entier (a, b, c, d) peut jouer un rôle avant la saisine du juge au ford si, et dans la mesure où, son inobservation initiale risque de compromettre gravement l’équité du procès ;

Attendu qu’en l’espèce :

- les déclarations répétées de la victime

- le certificat médical produit par la victime

- le taux d’alcoolémie du prévenu

- les déclarations du prévenu à la barre devant le Tribunal

- l'expertise psychiatrique

permettent de considérer que l’absence de l’assistance de l’avocat lors des auditions en garde à vue, sans communication du dossier et entretien confidentiel préalables, n’a pas compromis gravement l’équité du procès :

Qu'il convient de rejeter l’exception de nullité ;

Sur la question prioritaire de constitionnalité :

Vu les articles 23-1 et suivants de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel ;

Attendu que la question prioritaire soulevée de la conformité constitutionnelle de l’article 63 alinéa 1 du Code de Procédure Pénale confiant le pouvoir de priver le citoyen de leur liberté à un OPJ a été déposée par un écrit distinct et motivé, qu’elle est fondée sur un moyen tiré des dispositions législatives portant atteinte aux droits des libertés garantis par la Constitution ;

Que la demande est donc recevable en la forme ;

Attendu qu’elle répond aux trois conditions cumulatives prévues par les textes, à savoir, qu’elle est applicable au litige de la procédure, qu’elle n’a pas été examinée par le Conseil Constitutionnel, compte tenu des changements de circonstances, et qu’elle a un caractère sérieux aux sens de la loi organique en ce qu’elle concerne le pouvoir des OPJ en matière de garde à vue et son contrôle par des magistrats du Parquet ;

Attendu qu’il convient d’ordonner la transmission de la question à la Cour de Cassation concernant la conformité de l’article 63 du Code de Procédure Pénale aux droits et liberté garantis par la Constitution ;

Attendu qu’il convient de surseoir à statuer sur le fond jusqu’à ce que le Tribunal soit informé de la décision définitive de la Cour de Cassation ou le cas échéant du Conseil Constitutionnel ;

Attendu qu’il convient de renvoyer l’affaire à l’audience du 10 novembre 2010 à 14 H 00 à la 14ème Chambre du Tribunal Correctionnel de LYON et d’ordonner la main levée du contrôle judiciaire concernant [D F] ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire à l’égard de [D F] ;

Constate :

- qu’en application de l’article 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés Fondamentales la France n’est pas partie au litige objet des arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’ Homme invoquées par la Défense dans ses conclusions de nullité ;

- que les dits arrêts ne s’imposent donc pas en l’espèce

- que l’interprétation de l’article 6 de la Convention par la Cour Européenne dans les arrêts précités est dénuée de caractère stable

- que l’article 6 de la Convention tel que textuellement applicable au Tribunal peut jouer un rôle avant la saisine du juge au fond si, et dans la mesure où, son inobservation initiale risque de compromettre gravement l’équité du procès

- qu’en l’espèce l’absence d’avocat pendant les auditions sans accès au dossier et entretien confidentiel préalables, n’a pas compromis gravement l’équité du procès

Rejette les exceptions de nullité soulevées par les conseils de [D F] ;

Ordonne la transmission à la Cour de Cassation de la question relative à la conformité de l’article 63 alinéa 1 du Code de Procédure Pénale aux droits et liberté garantis par la Constitution ;

Dit que la présente décision sera adressée à la Cour de Cassation dans les huit jours de son prononcé avec les observations du Ministère Public et celles des autres parties relatives à la question prioritaire de constitutionnalité ;

Dit que les parties comparantes et le Ministère Public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Surseoit à statuer sur le fond jusqu’à ce que le Tribunal soit informé de la décision définitive de la Cour de Cassation ou le cas échéant du Conseil Constitutionnel ;

Ordonne la main levée du contrôle judiciaire concernant [D F] ;

Renvoie l'affaire à l’audience du 10 novembre 2010 à 14 H 00 à la 14ème Chambre Correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de LYON.

Et le présent jugement a été signé par Monsieur GOUDARD, Président, et Mademoiselle ROLLE, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,