Renvoi
Cour d'appel de Paris Chambre de l'instruction
N° parquet : P 081053901/4 Chambre : 74-1 N° accwin : 2010/01 501
ARRÊT DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
N° de minute :
Le 16 avril 2010,
LA COUR :
M. LIBERGE, Président
Mme FRANÇOIS, Conseiller
Mme MAGNIN, Conseiller
Monsieur PACALLIN, Avocat général
Mademoiselle THUILLIER, Greffière
Vu les articles 23-1 et suivants de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu les articles R. 49-21 à R.49-29 du Code de Procédure Pénale ;:
Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 17 mars 2010 par :
[C B], née le [DateNaissance 1] 1981 à [LOCALITE 2] ([LOCALITE 3]) de [D B] et [A B]
placé sous contrôle judiciaire demeurant chez [E F] - [adresse 4] - [LOCALITE 5]
Ayant pour avocat Me Armel TAVERDIN, 60, boulevard de Strasbourg - 75010 - PARIS
Qualification des faits reprochés : association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme. financement d'une entreprise terroriste (dossier nullité n° 2010/00024)
Vu les observations formulées à l'audience le 8 avril 2010 par Me TAVERDIN, avocat de [C B]
Vu l'avis du ministère public en date du 30 mars 2010 :
En l'espèce, [C B] représenté par Me TAVERDIN prétend que les articles 63-4 et 706-88 du code de procédure pénale portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et les engagements internationaux de la France, en ce qu'ils ne respectent pas les articles 34 et 66 de la Constitution, les articles : 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en particulier les droits de la défense ainsi que l’article 6 8 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Le ministère public soutient qu'il y a confusion entre contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité et que la question posée est applicable à la procédure mais que le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé à trois reprises sur la conformité à la Constitution du report de l'intervention de l'avocat pendant la garde à vue, dans le cas d'infractions relatives aux stupéfiants ou au terrorisme, ce qui est prévu aux articles 63-4 dernier alinéa, /06-73 et 7/06-88 du code de procédure pénale.
Quant aux dispositions des six premiers alinéas de l'article 63-4 du code de procédure pénale, il soutient que le Conseil constitutionnel a implicitement validé ces mesures prévoyant les modalités du droit d'accès à l'avocat pendant la garde à vue pour les infractions de droit commun, lorsqu'il a validé les dispositions dérogatoires qui prévoient des limites au droit à l'avocat.
Enfin, il fait valoir que si la question était motivée par l'absence de dispositions prévoyant pour les avocats d'une part, d'avoir accès à la procédure, d'autre part, d'assister aux interrogatoires de la personne gardée à vue, cette question pourrait être considérée comme dépourvue de caractère sérieux, le Conseil constitutionnel ne pouvant déclarer non conformes à la Constitution des dispositions au motif qu'elles seraient insuffisantes ou incomplètes et que, si les dispositions actuelles étaient déclarées non-conformes à la constitution et abrogées, il y aurait un vide juridique concernant l'intervention de l'avocat en garde à vue.
Le procureur général est donc d'avis qu'il n’y a pas lieu à transmission de la question présentée.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité :
Considérant qu'en l'espèce, le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et par les engagements internationaux de la France a été présenté dans un écrit distinct et motivé et que la chambre de l'instruction a été également saisie d'une requête en nullité.
La demande est donc recevable en la forme.
Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation : Conformément à l'article 23-2 de l'ordonnance précitée, il ressort de la procédure que :
- les dispositions contestées sont applicables à la procédure, puisqu'elles sont relatives à la garde à vue De [C B], pour des infractions en relation avec le terrorisme entrant dans le champ de l’article 706-73-3° et 11° du code de procédure pénale, qui a commencé le 22 juin 2009 à 9H05, au cours de laquelle il a pu s'entretenir avec un avocat le 25 juin 2009 à la 76°"° heure, sans consultation préalable du dossier et sans interprète ;
- les dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel :
. que celui-ci ne s’est jamais prononcé sur la constitutionnalité des dispositions des articles 63 et suivant du code de procédure pénale, en particulier sur l'article 63-4 qui définit le rôle de l'avocat pendant la garde à vue; . que si le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur les articles du code de procédure pénale relatifs au délai d'intervention de l'avocat lors de gardes à vue concernant certaines infractions limitativement énumérées, dans ses décisions du 11 août 1993, du 20 janvier 1994 et du 2 mars 2004 et qu'il a alors déclaré conformes les articles prévoyant un certain délai avant l'intervention du conseil et non conforme une disposition prévoyant la possibilité de dénier à une personne tout droit à s'entretenir avec un avocat pendant une garde à vue en raison de certaines infractions, les circonstance ont changé depuis lors, en ce qui concerne la portée de l’article 6 $ 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la demande de question prioritaire de constitutionnalité n'est pas dépourvue de caractère sérieux, n'étant ni fantaisiste, ni dilatoire.
Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante dans sa rédaction formulée dans le mémoire :
“Les dispositions législatives relatives aux droits de la défense pendant la garde à vue, à savoir les dispositions des articles 63-4 et 706-88 du code de procédure pénale, dont il a été fait application pour la garde à vue du concluant, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et par les engagements internationaux de la France ?
Plus précisément, les dispositions des articles 63-4 et 706-88 du code de procédure pénale sont-elles compatibles avec :
- les articles 34 et 66 de la Constitution ;
- les articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ;
- les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, en particulier les droits de la défense ;
- l’article 6 $ 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ?”
Sur les autres demandes :
Conformément à l'article 23-3 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, il ressort que cette demande a été formulée à l'appui d'une requête en nullité et que deux autres parties dans la procédure ont également formulé des demandes de nullité présentant un moyen fondé sur la même question ;
Considérant qu'il convient donc de surseoir à statuer sur les demandes de nullités soulevées par les parties, aucune partie n'étant en détention provisoire, et le sursis à statuer n'ayant pas de conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits des parties.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en chambre du conseil, par décision à signifier non susceptible de recours ; Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :
“Les dispositions législatives relatives aux droits de la défense pendant la garde à vue, à savoir les dispositions des articles 63-4 et 706-88 du code de procédure pénale, dont il a été fait application pour la garde à vue du concluant, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et par les engagements internationaux de la France ?
Plus précisément, les dispositions des articles 63-4 et 706-88 du code de procédure pénale sont-elles compatibles avec :
- les articles 34 et 66 de la Constitution ;
- les articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ;
- les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, en particulier les droits de la défense ;
- l’article 6 & 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ?”
Dit que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les observations du ministère public (et celles/ou) des autres parties relatives à la question prioritaire de constitutionnalité ;
Sursoit à statuer sur les demandes de nullités des parties figurant dans les dossiers numéros 2009/07982 ; 2010/00023 et 2010/00024 ;
Dit que ces affaires seront rappelées à l'audience ultérieurement, lorsque la Cour de Cassation ou le Conseil Constitutionnel auront informé la Chambre de l'instruction de leur décision :
Dit que les parties seront avisées par lettres recommandées avec accusé de réception ;
Dit que le ministère public sera avisé par tout moyen de la présente décision ;
Le Greffier Le Président