Renvoi partiel
Cour d'appel de Paris Chambre de l'instruction
N° parquet : P 073313902/9 Chambre : 7-1 N° accwin : 2010/01775
ARRET DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
N° de minute : 9
LA COUR : M. LIBERGE, Président Mme FRANÇOIS, Conseiller Mme MAGNIN, Conseiller Monsieur PACALLIN, Avocat général Mademoiselle THUILLIER, Greffière
Vu les articles 23-1 et suivants de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu les articles R. 49-21 à R.49-29 du Code de Procédure Pénale;
Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 10 mars 2010 par :
Monsieur [H I], né le [DateNaissance 1] 1972 à [LOCALITE 2] ([LOCALITE 3]) de [A I] et de [C D]
Placé sous contrôle judiciaire Demeurant chez Mademoiselle [E F] [adresse 4] - [LOCALITE 5]
Ayant pour avocat Me Antoine COMTE [adresse 6] -[LOCALITE 7] Qualification des faits reprochés : association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme, financement d'une entreprise terroriste, blanchiment en relation avec une entreprise terroriste ( dossier nullité n° 2009/08090)
Vu les observations formulées à l'audience le 08 avril 2010 par Me BRONDEL substituant Me COMTE, avocat de [H I] :
Vu l'avis du ministère public en date du 01 avril 2010 ;
En l'espèce, Monsieur [H I], représenté par Me Antoine COMTE prétend que le articles 63 et suivants, 706-73 et 706-88 du code de procédure pénale portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce qu'ils ne respectent pas les droits de la défense et l'égalité dans l'exercice de ses droits ainsi que l’article 16° de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.
Le ministère public soutient que la question posée est applicable à la procédure mais que la présente procédure ne concerne pas le contrôle des textes de loi par rapport à la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Il soutient par ailleurs que le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé à trois reprises sur la conformité à la Constitution du report de l'intervention de l'avocat pendant la garde à vue, dans le cas d'infractions relatives aux stupéfiants ou au terrorisme, ce qui est prévu aux articles 63-4 dernier alinéa, 706-73 et 706-88 du code de procédure pénale.
Quant aux dispositions des six premiers alinéas de l’article 63-4 du code de procédure pénale, il soutient que le Conseil constitutionnel a implicitement validé ces mesures prévoyant les modalités du droit d'accès à l'avocat pendant la garde à vue pour les infractions de droit commun, lorsqu'il a validé les dispositions dérogatoires qui prévoient des limites au droit à l'avocat.
Enfin, il fait valoir que si la question était motivée par l'absence de dispositions prévoyant pour les avocats d'une part, d'avoir accès à la procédure, d'autre part, d'assister aux interrogatoires de la personne gardée à vue, cette question pourrait être considérée comme dépourvue de caractère sérieux, le Conseil constitutionnel ne pouvant déclarer non conformes à la Constitution des dispositions au motif qu'elles seraient insuffisantes ou incomplètes et que, si les dispositions actuelles étaient déclarées non-conformes à la constitution et abrogées, il y aurait un vide juridique concernant l'intervention de l'avocat en garde à vue.
Le procureur général est donc d'avis qu'il n'y a pas lieu à transmission de la question présentée.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* Sur la recevabilité de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité :
Considérant qu'en l'espèce, le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et par les engagements internationaux de la France a été présenté dans un écrit distinct et motivé et que la chambre de l'instruction a été également saisie d'une requête en nullité.
La demande est donc recevable en la forme.
* Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :
Conformément à l'article 23-2 de l'ordonnance précitée, il ressort de la procédure que :
- les dispositions contestées sont applicables à la procédure, puisqu'elles sont relatives à la garde à vue d'[H I], pour des infractions en relation avec le terrorisme entrant dans le champ de l'article 706-73-3° et 11° du code de procédure pénale, qui a commencé le 02 juin 2009 à 12 heures 25 et s'est terminée le 05 juin 2009 à 1theures 45, au cours de laquelle [H I] a été entendu à 8 reprises sans avoir pu rencontrer son avocat, alors qu'il avait demandé à s’entretenir avec un avocat, sa garde à vue s'étant terminée avant la 72ème heure ;
- les dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel :
. que celui-ci ne s’est jamais prononcé sur la constitutionnalité des dispositions des articles 63 et suivant du code de procédure pénale, en particulier sur l’article 63-4 qui définit le rôle de l'avocat pendant la garde à vue: . que Si le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur les articles du code de procédure pénale relatifs au délai d'intervention de l'avocat lors de gardes à vue concernant certaines infractions limitativement énumérées, dans ses décisions du 11 août 1993, du 20 janvier 1994 et du 02 mars 2004 et qu'il a alors déclaré conformes les articles prévoyant un certain délai avant l'intervention du conseil et non conforme une disposition prévoyant la possibilité de dénier à une personne tout droit à s'entretenir avec un avocat pendant une garde à vue en raison de certaines infractions, les circonstance ont changé depuis lors, en ce qui concerne la portée de l'article 6 $ 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la demande de question prioritaire de constitutionnalité n'est pas dépourvue de caractère sérieux, n'étant ni fantaisiste, ni dilatoire.
Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante :
“La question prioritaire de constitutionnalité porte sur les articles 63-4 et 706-88 du code de procédure pénale pour violation du principe des droits de la défense, du principe d'égalité dans l’exercice des droits de la défense et de l’article 16 de la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789.”
* Sur les autres demandes :
Conformément à l'article 23-3 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, il ressort que cette demande a été formulée à l'appui d'une requête en nullité et que cinq autres parties dans la procédure ont également formulé des demandes de nullité dont l'un des moyens est fondé sur la même question ;
Considérant qu'il convient donc de surseoir à statuer sur les demandes de nullités soulevées par les parties, aucune partie n'étant en détention provisoire et le sursis à statuer n'ayant pas de conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits des parties.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en chambre du conseil, par décision à signifier non susceptible de recours ;
Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :
“La question prioritaire de constitutionnalité porte sur les articles 63-4 et 706-88 du code de procédure pénale pour violation du principe des droits de la défense, du principe d’égalité dans l’exercice des droits de la défense et de l’article 16 de la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789."
Dit que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les observations du ministère public des autres parties relatives à la question prioritaire de constitutionnalité;
Sursoit à statuer sur les demandes de nullités des parties figurant dans les dossiers numéros 2009/08182 ; 2009/08090; 2009/08091; 2009/08092; 2009/08093 et 2009/08094 ;
Dit que ces affaires seront rappelées à l'audience ultérieurement, lorsque la Cour de Cassation ou le Conseil Constitutionnel auront informé la Chambre de l'instruction de leur décision :
Dit que les parties seront avisées par lettres recommandées avec accusé de réception ;
Dit que le ministère public sera avisé par tout moyen de la présente décision;
Le Greffier Le Président