Cour d'Appel de Paris

Arrêt du 16 avril 2010, N° Minute 10

16/04/2010

Renvoi

Cour d'appel de Paris Chambre de l'instruction

N° parquet : P 073313902/9

Chambre : 7-1

N° accwin : 2010/01915

N° de minute : 10

ARRÊT DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

 

Le 16 avril 2010,

LA COUR :

M. LIBERGE, Président

Mme FRANÇOIS, Conseiller

Mme MAGNIN, Conseiller

Monsieur PACALLIN, Avocat général

Mademoiselle THUÏILLIER, Greffière

Vu les articles 23-1 et suivants de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu les articles R. 49-21 à R.49-29 du Code de Procédure Pénale ;

Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 10 mars 2010 par

Monsieur [A B C], né le [DateNaissance 1] 1966 à [LOCALITE 2] ( [LOCALITE 3]) de [D A] et de [E F]

Placé sous contrôle judiciaire demeurant chez Monsieur [G] - [adresse 4] - [LOCALITE 5]

Ayant pour avocats : Me BOUYSSOU, 330/332 rue Saint-Honoré - 75001 PARIS Me MARAIS, 9 rue de Téhéran - 75008 PARIS

Qualification des faits reprochés : association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme, financement d’une entreprise terroriste, blanchiment en relation avec une entreprise terroriste ( dossier nullité n° 2009/08094)

Vu les observations formulées à l'audience le 08 avril 2010 par Me BOUYSSOU, avocat de [B C A] :

Vu les observations orales du ministère public à l'audience du 8 avril 2010 ;

En l'espèce, Monsieur [B C A] prétend que les articles 63-4 et 706-88 du code de procédure pénale portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : les droits de la défense, l'article 16 de la Déclaration de 1789, l'égalité des justiciables dans l'exercice des droits de la défense, les engagements internationaux de la France, en l'espèce l'article 6 de a Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Il soutient que sa question doit donc être transmise à la Cour de cassation car les conditions prévues par l'article 23-2 de l'ordonnance du 07 novembre 1958 sont remplies :

- les dispositions sont applicables au litige, [B C A] ayant fait l'objet d'une garde à vue qui a débuté le 01 juin 2009 à 18 heures 20, au cours de laquelle il a été entendu 7 fois et qu'il n'a pu s’entretenir avec son avocat, dont il avait demandé la présence, qu ‘après trois jours et pendant 20 minutes seulement ; qu'il a demandé la nullité de cette garde à vue :

- la conformité des dispositions des articles 63-4 et 706-88 alinéa 6 du code de procédure pénale à la Constitution et aux engagements internationaux de la France n° a jamais été examinée par le Conseil constitutionnel, à deux égards : l'effectivité des droits de la défense en garde à vue, y compris dans le cadre d'un régime dérogatoire ; par rapport aux engagements internationaux de ia France, avec la nouvelle jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales concernant l’article 6 alinéa 3 de la Convention, ce qui constitue un changement de circonstances de droit ;

- la question posée a un caractère sérieux car elle vise à remettre en cause des dispositions législatives qui portent atteinte aux droits fondamentaux que sont les droits de la défense.

Le procureur général a déclaré, lors de l'audience, qu'il n'y a pas lieu à son avis à transmission de la question présentée.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* Sur la recevabilité de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant qu'en l'espèce, le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et par les engagements internationaux de la France a été présenté dans un écrit distinct et motivé et que la chambre de l'instruction a été également saisie d'une requête en nullité.

La demande est donc recevable en la forme.

* Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation : Conformément à l'article 23-2 de l'ordonnance précitée, il ressort de la procédure que :

- les dispositions contestées sont applicables à la procédure, puisqu'elles sont relatives à la garde à vue de [B C A], pour des infractions en relation avec le terrorisme entrant dans le champ de l'article 706-73-3° et 11° du code de procédure pénale, en ce que ce dernier a fait l'objet d'une garde à vue qui a débuté le 01 juin 2009 à 18 heures 20, au cours de laquelle il a été entendu 7 fois et qu'il n'a pu s'entretenir avec son avocat, dont il avait demandé la présence, qu'après trois jours et pendant 20 minutes seulement ;

- les dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel : . que celui-ci ne s'est jamais prononcé sur la constitutionnalité des dispositions des articles 63 et suivants du code de procédure pénale, en particulier sur l'article 63-4 qui définit le rôle de l'avocat pendant la garde à vue: . que, Si le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur les articles du code de procédure pénale relatifs au délai d'intervention de l'avocat lors de gardes à vue concernant certaines infractions limitativement énumérées, dans ses décisions du 11 août 1993, du 20 janvier 1994 et du 02 mars 2004 et qu'il a alors déclaré conformes les articles prévoyant un certain délai avant l'intervention du conseil et non conforme une disposition prévoyant la possibilité de dénier à une personne tout droit à s'entretenir avec un avocat pendant une garde à vue en raison de certaines infractions, les circonstance ont changé depuis lors, en ce qui concerne la portée de l'article 6 $8 3 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la demande de question prioritaire de constitutionnalité n'est pas dépourvue de caractère sérieux, n'étant ni fantaisiste, ni dilatoire.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante :

“Les dispositions de l’article 63-4 du code de procédure pénale sont-elles conformes au principe du respect des droits de la défense impliquant selon la jurisprudence constitutionnelle “le droit à un procès équitable” - qui découlent des principes fondamentaux des lois de la République, de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ?

Les dispositions de l’article 706-88 du code de procédure pénale sont-elles conformes au principe du respect des droits de la défense impliquant selon la jurisprudence constitutionnelle “le droit à un procès équitable”- qui découlent des principes fondamentaux des lois de la République, de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ?

Les dispositions de l’article 63-4 du code de procédure pénale sont-elles conformes au principe d'égalité des justiciables devant la loi découlant de l’article 6 de la déclaration de 1789 et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ?

Les dispositions de l’article 706-88 du code de procédure pénale sont-elles conformes au principe d'égalité des justiciables devant la loi découlant de l’article 6 de la déclaration de 1789 et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ?”

* Sur les autres demandes :

Conformément à l'article 23-3 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, il ressort que cette demande a été formulée à l'appui d'une requête en nullité et que cinq autres parties dans la procédure ont également formulé des demandes de nullité dont l'un des moyens est fondé sur la même question ;

Considérant qu'il convient donc de surseoir à statuer sur les demandes de nullités soulevées par les parties, aucune partie n'étant en détention provisoire, et le sursis à statuer n'ayant pas de conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits des parties.

PAR CES MOTIFS La Cour, statuant en chambre du conseil, par décision à signifier non susceptible de recours :

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :

“Les dispositions de l'article 63-4 du code de procédure pénale sont-elles conformes au principe du respect des droits de la défense impliquant selon la jurisprudence constitutionnelle “le droit à un procès équitable”- qui découlent des principes fondamentaux des lois de la République, de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ?

Les dispositions de l’article 706-88 du code de procédure pénale sont-elles conformes au principe du respect des droits de la défense impliquant selon la jurisprudence constitutionnelle “le droit à un procès équitable”- qui découlent des principes fondamentaux des lois de la République, de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ?

Les dispositions de l’article 63-4 du code de procédure pénale sont-elles conformes au principe d'égalité des justiciables devant la loi découlant de l’article 6 de la déclaration de 1789 et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ?

Les dispositions de l'article 706-88 du code de procédure pénale sont-elles conformes au principe d’égalité des justiciables devant la loi découlant de l’article 6 de la déclaration de 1789 et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ?”

Dit que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les observations du ministère public relatives à la question prioritaire de constitutionnalité ;

Sursoit à statuer sur les demandes de nullités des parties figurant dans les dossiers numéros 2009/08182 ; 2009/08090; 2009/08091; 2009/08092; 2009/08093 et 2009/08094 ;

Dit que ces affaires seront rappelées à l'audience ultérieurement, lorsque la Cour de Cassation ou le Conseil Constitutionnel auront informé la Chambre de l'instruction de leur décision :

Dit que les parties seront avisées par lettres recommandées avec accusé de réception ;

Dit que le ministère public sera avisé par tout moyen de la présente décision: Le Greffier Le Président