Tribunal de grande instance d'Orléans

Jugement du 1er avril 2010 n° 758/S4/10

01/04/2010

Renvoi partiel

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE d'ORLEANS

CONTRADICTOIRE

JUGEMENT CORRECTIONNEL DU : 01 AVRIL 2010

N° de Jugement : 758/S4/10 N° de Parquet : 102334

A l'audience publique du TRIBUNAL CORRECTIONNEL, au Palais de Justice d'ORLEANS le PREMIER AVRIL DEUX MILLE DIX

Le Tribunal vidant son délibéré après débats ayant eu lieu le 25 MARS 2010 alors qu'il était composé de :

Monsieur de MAILLARD, Vice-Président, Présidant l'audience,

Madame DEL BOCA, Juge assesseur,

Monsieur GRISELIN, Juge de proximité, désigné en qualité de juge assesseur,

assistés de Madame LUCIEN, Greffier,

en présence de Monsieur ARLAUX, Substitut du Procureur de la République a été appelée l’affaire

ENTRE :

Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce Tribunal, demandeur et poursuivant,

Mlle [A V], demeurant [adresse 1] [LOCALITE 2], partie civile constituée par déclaration en personne à l’audience, comparante

M. [A G], demeurant [adresse 3], partie civile constituée par lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 16 Mars 2010, non comparante

M. [H I], demeurant [adresse 4], partie civile constituée par déclaration en personne à l’audience, comparante

ET :

Nom : [X Y]

Date de Naissance : [DateNaissance 5] 1985

Lieu de Naissance : [LOCALITE 6]

Filiation : de [X Y] et de [J K]

Nationalité : FRANCAISE

Adresse : [adresse 7]

Ville : [LOCALITE 8]

Situation Familiale : célibataire

Profession : Agent d'entretien

Déjà condamné, détenu pour autre cause à la maison d’arrêt [LOCALITE 9]

Comparant et assisté de Maître CHOLLET, avocat au barreau d'ORLEANS

Prévenu de :

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUIPAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUIPAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUIPAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

Nom : [M Z]

Date de Naissance : [DateNaissance 10] 1990

Lieu de Naissance : [LOCALITE 11]

Filiation : [L M N] et de [C D]

Nationalité : FRANCAISE

Adresse : [adresse 12]

Ville : [LOCALITE 13]

Situation Familiale : célibataire

Profession : Sans

 

Jamais condamné, détenu pour autre cause à la maison d’arrêt [LOCALITE 14] Comparant à l’audience, en personne

Prévenu de :

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUIPAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DÉSTRUCTION DU BIEN D'AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUIPAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

Nom : [E O]

Date de Naissance : [DateNaissance 15] 1991

Lieu de Naissance : [LOCALITE 16]

Filiation : de [P Q] et de [E F]

Nationalité : FRANCAISE

Adresse : [adresse 17]

Ville : [LOCALITE 18]

Situation Familiale : célibataire

Profession : Serveur

Jamais condamné, libre

Comparant et assisté de Maître BISSILA, avocat au barreau d'ORLEANS

Prévenu de :

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DESTRUCTION DU BIEN D’AUTRUI PAR UN MOYEN DANGEREUX POUR LES PERSONNES

DEBATS :

À l'appel de la cause, le Président a constaté l’identité des prévenus, a donné connaissance des actes saisissant le Tribunal ;

Maître CHOLLET a soulevé in limine litis l’exception de nullité de la procédure et demandé que soit posées trois questions prioritaires de constitutionnalité ;

Mlle [A V], M. [H I], Mme [R S] et M. [AA BB], ont déclaré se constituer partie civile à l'audience ;

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions ;

Les avocats des prévenus ont été entendus en leurs plaidoiries et les prévenus ont eu la parole en dernier ;

Le Greffier a tenu note du déroulement des débats ;

Après débats à l’audience publique du 25 mars 2010, le Président a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé à l’audience de ce jour, conformément aux dispositions de l’article 485 du code de procédure pénale :

Après en avoir délibéré conformément à la loi, le Tribunal, composé de Monsieur de MAILLARD, Vice-Président, présidant l’audience, Madame DEL BOCA, Juge assesseur, Monsieur TROLONGE, Juge de proximité, désigné en qualité de juge assesseur, assistés de Madame LUCIEN, Greffier, en présence de Mme AMOUROUX, Substitut du Procureur de la République a statué en ces termes ;

LE TRIBUNAL

[X Y] a été avisé de la date d’audience par procès-verbal de convocation en justice délivré par Officier ou Agent de Police Judiciaire en date du 03 Février 2010 sur instruction de Monsieur le Procureur de la République, en application de l’article 390-1 du Code de procédure pénale ; cette convocation vaut citation à personne ;

Le prévenu comparaît ; 1l convient de statuer contradictoirement à son encontre ;

Attendu que [X Y] est prévenu :

d’avoir à [LOCALITE 19] ([...]), le 24 octobre 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, volontairement détruit un bien mobilier ou immobilier, en l’espèce un véhicule RENAULT 19 immatriculé [Immatriculation 20] appartenant à [A V] par un incendie, par un moyen de nature à créer un danger pour les personnes, en l’espèce en mettant le feu au véhicule de son père Monsieur [A G], le feu s’étant propagé à son véhicule stationné à côté de celui de son père.

faits prévus par ART. 322-6 AL. 1 C. PENAL et réprimés par ART. 322-6 AL. 1, ART. 322-15 1°,2°,3°,5°,6", ART. 322-18 C. PENAL

d’avoir à [LOCALITE 21] ([...]), le 24 octobre 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, volontairement détruit un bien mobilier ou immobilier, en l’espèce un véhicule PEUGEOT 205 immatriculé [Immatriculation 22] appartenant à [A G] par un incendie, par un moyen de nature à créer un danger pour les personnes, en l’espèce en mettant le feu à des papiers sur le siège du véhicule, le feu s’étant propagé à l’ensemble de la voiture.

faits prévus par ART. 322-6 AL. 1 C. PENAL et réprimés par ART. 322-6 AL. 1, ART. 322-15 1°, 2°, 3°, 5°,6°, ART. 322-18 C. PENAL

d’avoir à [LOCALITE 23] ([...]), le 24 octobre 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, volontairement détruit un bien mobilier ou immobilier, en l’espèce une haie du domicile de Monsieur [T U] par un incendie, par un moyen de nature à créer un danger pour les personnes, en l’espèce en mettant le feu à des papiers sur le siège du véhicule PEUGEOT 205 appartenant à Monsieur [A G], le feu s’étant propagé à la haie du pavillon de Monsieur [T].

faits prévus par ART. 322-6 AL. 1 C. PENAL et réprimés par ART. 322-6 AL. 1, ART. 322-15 1°,2°,3,5,6 , ART. 322-18 C. PENAL

d’avoir à [LOCALITE 24] ([...]), le 24 octobre 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, volontairement détruit un bien mobilier ou immobilier, en l’espèce un véhicule SUZUKT JIMNY immatriculé [Immatriculation 25] appartenant à [H I] par un incendie, par un moyen de nature à créer un danger pour les personnes, en l’espèce en mettant le feu à des papiers sur le siège du véhicule, le feu s’étant propagé à l’ensemble de la voiture.

faits prévus par ART. 322-6 AL. 1 C. PENAL et réprimés par ART. 322-6 AL. 1, ART. 322-15 1°,2°,3°,5°,6", ART. 322-18 C. PENAL

d’avoir à [LOCALITE 26] ([...]), le 25 octobre 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, volontairement détruit un bien mobilier ou immobilier, en l’espèce un véhicule CITROEN AX immatriculé [Immatriculation 27] appartenant à [AA BB] par un incendie, par un moyen de nature à créer un danger pour les personnes, en l’espèce en mettant le feu à des papiers sur le siège du véhicule, le feu s’étant propagé à l’ensemble de la voiture.

faits prévus par ART. 322-6 AL. 1 C. PENAL et réprimés par ART. 322-6 AL. 1, ART. 322-15 1°,2°,3,5,6 , ART.322-18 C. PENAL

d’avoir à [LOCALITE 28] ([...]), le 22 novembre 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, volontairement détruit un bien mobilier ou immobilier, en l’espèce un véhicule PEUGEOT 106 immatriculé [Immatriculation 29] appartenant à [R S] épouse [DD], par un incendie, par un moyen de nature à créer un danger pour les personnes, en l’espèce en mettant le feu à des papiers sur le siège du véhicule, le feu s’étant propagé à l’ensemble de Ia voiture.

faits prévus par ART. 322-6 AL. 1 C. PENAL et réprimés par ART. 322-6 AL. 1, ART. 322-15 1°,2°,3,5°,6", ART. 322-18 C. PENAL

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[E O] a été avisé de la date d’audience par procès-verbal de convocation en justice délivré par Officier ou Agent de Police Judiciaire en date du 03 Février 2010 sur instruction de Monsieur le Procureur de la République, en application de l’article 390-1 du Code de procédure pénale ; cette convocation vaut citation à personne ;

Le prévenu comparaît ; il convient de statuer contradictoirement à son encontre ;

Attendu que [E O] est prévenu :

d’avoir à [LOCALITE 30] ([...]), le 24 octobre 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, volontairement détruit un bien mobilier ou immobilier, en l’espèce un véhicule SUZUKI JIMNY immatriculé [Immatriculation 31] appartenant à [H I] par un incendie, par un moyen de nature à créer un danger pour les personnes, en l’espèce en mettant le feu à des papiers sur le siège du véhicule, le feu s’étant propagé à l’ensemble de la voiture.

faits prévus par ART. 322-6 AL. 1 C. PENAL et réprimés par ART. 322-6 AL. 1, ART. 322-15 1°,2°,3°,5°,6°, ART. 322-18 C. PENAL

d’avoir à [LOCALITE 32] ([...]), le 25 octobre 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, volontairement détruit un bien mobilier ou immobilier, en l’espèce un véhicule PEUGEOT 206 immatriculé [Immatriculation 33] appartenant à [V W] par un incendie, par un moyen de nature à créer un danger pour les personnes, en l’espèce en mettant le feu à des papiers sur le siège du véhicule, le feu s’étant propagé à l’ensemble de la voiture.

faits prévus par ART. 322-6 AL. 1 C. PENAL et réprimés par ART. 322-6 AL. 1, ART. 322-15 1°,2°,3,5,6 , ART. 322-18 C. PENAL

d’avoir à [LOCALITE 34] ([...]), le 17 novembre 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, volontairement détruit un bien mobilier ou immobilier, en l’espèce un véhicule CITROEN AX immatriculé [Immatriculation 35] appartenant à [AA BB] par un incendie, par un moyen de nature à créer un danger pour les personnes, en l’espèce en mettant le feu à des papiers sur le siège du véhicule, le feu s’étant propagé à l’ensemble de la voiture.

faits prévus par ART. 322-6 AL. 1 C. PENAL et réprimés par ART.322-6 AL. 1, ART. 322-15 1°,2°,3,5,6, ART. 322-18 C. PENAL

d’avoir à [LOCALITE 36] ([...]), le 22 novembre 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, volontairement détruit un bien mobilier ou immobilier, en l’espèce un véhicule PEUGEOT 106 immatriculé [Immatriculation 37] appartenant à [R S] épouse [DD], par un incendie, par un moyen de nature à créer un danger pour les personnes, en l’espèce en mettant le feu à des papiers sur le siège du véhicule, le feu s’étant propagé à l’ensemble de la voiture.

faits prévus par ART. 322-6 AL. 1 C. PENAL et réprimés par ART. 322-6 AL. 1, ART. 322-15 1°,2°,3,5,6 , ART. 322-18 C. PENAL

Attendu que par requête distincte et motivée, le conseil de M. [Y X] sollicite du tribunal que soient posées trois questions prioritaires de constitutionnalité - portant sur les articles 63-1, 63-4 et 77 du code de procédure pénale, qu’il demande à tout le moins que le tribunal sursoit à statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé, qu’il soulève également in limine litis, à l’appui de sa demande, la nullité des procès-verbaux de notification des droits de gardé à vue ainsi que les actes subséquents, y compris la convocation qui saisit le tribunal.

Attendu que le conseil de M. [O E] s'associe à la demande, que toutefois il ne dépose pas d’écrit distinct et motivé.

Attendu que M. [Z M] s’en rapporte à justice.

Attendu que les parties civiles s’en rapportent également à justice.

Attendu que le ministère public s’oppose à la demande.

Attendu que les conseils des prévenus ont eu la parole les derniers.

En ce qui concerne la constitutionnalité de l’article 63-1 du code de procédure pénale

Attendu que la requête fait valoir que l’article 63-1 du code de procédure pénale ne prescrit pas à l’officier de police judiciaire d’informer la personne qu’il place en garde à vue de son droit au silence et à ne pas s’incriminer elle-même, qu’il ne permet pas de garantir concrètement et effectivement le respect des droits de la défense dès lors qu’il n’a pas été porté sans équivoque à la connaissance de la personne gardée à vue les droits à l’assistance d’un avocat et à être visité par un médecin ni, de manière détaillée, les raisons de son arrestation et des accusations qui sont portées contre elle.

Attendu qu’il ressort du procès-verbal de notification de garde à vue de M. [Y X] que ce dernier a été placé en garde à vue le 2 février 2010 à 13 h 45 mn dans le cadre d’une enquête portant sur des faits d’incendie de plusieurs véhicules, qu'il résulte du procès-verbal de placement en garde à vue qu'il lui a été indiqué qu'il allait être entendu sur des faits de "dégradations volontaires par moyen incendiaire", que l'intéressé a déclaré ne pas souhaiter être visité par un médecin ni être assisté d’un avocat, qu’il a été entendu de 14 h 30 mn à 15 h 50 mn, qu’à 19 h 30 mn il a fait l’objet d’un malaise dans les locaux de garde à vue et a été pris en charge par les sapeurs-pompiers qui l’ont conduit au [LOCALITE 38], qu’il a été réintégré dans les locaux de garde à vue le 2 février à 21 h 45 mn, que le procès-verbal de renseignement qui le mentionne indique que l’intéressé a été examiné par un médecin des urgences pour une crise d’angoisse mais que ce praticien n’a délivré ni certificat médical ni prescription médicale, qu’il a été de nouveau entendu au cours d’une confrontation avec MM. [M] et [E] le 3 février 2010 de 10 h 10 mn à 10 h 55 mn, qu'il a été mis fin à sa garde à vue sur instruction du parquet le même jour à 12 h 50 mn.

Attendu que le conseil de M. [X] fait valoir à l’appui de sa requête que l’intéressé est 1llettré ainsi qu’il ressort d’une attestation du responsable de l’enseignement de la Maison d’ Arrêt [LOCALITE 39] en date du 17 mars 2010 selon laquelle le prévenu ne peut lire que des mots simples de deux ou trois syllabes, des phrases très simples comportant un sujet, un verbe et un complément et ce avec lenteur et qu’il en comprend le sens si elles ont trait à la vie courante, qu’il ne peut pas lire et comprendre un texte narratif simple, qu’il n’a pas accès à l’écriture sauf pour ses nom, prénom, date et lieu de naissance ainsi que pour des mots simples n’excédant pas trois syllabes, qu’enfin son niveau de vocabulaire est très restreint et juste fonctionnel pour évoluer dans la vie courante, que l’auteur de l’attestation précise que l’intéressé ne peut lire des mots comme « prolongation » ou « soupçonner » et qu’il lui est difficile de les comprendre, qu’en conclusion il ne peut lire ni comprendre un texte ou un document juridique même simple.

Attendu que le conseil de M. [X] produit également un certificat de scolarité attestant que ce dernier a été rapidement intégré dans un groupe de lutte contre l’illettrisme, après son incarcération le 4 janvier 2009 pour autre cause.

Attendu que le conseil de M. [X] soutient ainsi à l’appui de sa demande de question prioritaire que ce dernier n’a pu avoir une réelle connaissance de ses droits à l’assistance d’un avocat ni à une visite médicale, ni être informé concrètement et réellement des charges qui pesaient contre lui alors qu’il ne pouvait comprendre par lui-même les droits dont il pouvait légalement disposer ni relire les procès-verbaux établis par les enquêteurs alors qu’il avait un besoin d’assistance démontré par l’attestation qu’il produit, qu’il a d’ailleurs été victime d’un malaise en cours de garde à vue, provoqué par une crise d’angoisse, qui a nécessité sa conduite à l’hôpital et son examen par un médecin.

En ce qui concerne la constitutionnalité de l’article 63-4 du code de procédure pénale

Attendu que le conseil de M. [X] expose que l’article 63-4 du code de procédure pénale porte atteinte aux droits de la défense qui constituent l’un des principes fondamentaux des lois de la République car il ne permet pas un accès concret et effectif de l’avocat durant la garde à vue, dès le début de la mesure et au cours de l’ensemble des interrogatoires.

En ce qui concerne la constitutionnalité de l’article 77 du code de procédure pénale

Attendu qu’il est demandé de poser au Conseil constitutionnel la question de constitutionnalité de l’article 77 du code de procédure pénale au motif d’une part que ledit article fixe un critère imprécis et général de placement en garde à vue qui porte atteinte au droit à la sûreté garanti par la Constitution et n’accorde pas de protection contre l’arrestation et la détention arbitraire, d’autre part que l’officier de police judiciaire est seulement tenu d’informer le procureur de la République du placement en garde à vue, ce qui ne permet pas à celui-ci de veiller au respect de la liberté individuelle, qu’enfin cet article, en confiant la garantie des droits à une personne qui n’a pas la qualité d’autorité judiciaire, porte atteinte à l’article 66 de la Constitution et à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789,

Sur quoi, le Tribunal

Attendu que les questions prioritaires de constitutionnalité doivent faire l’objet d’un examen avant les exceptions de nullité

Sur la question prioritaire de constitutionnalité de l’article 63-1 du code de procédure pénale

Attendu que les garanties accordées à la liberté individuelle et aux droits de la défense doivent être réels et effectifs, que la Cour européenne des droits de l'homme a dit pour droit que « ni la lettre ni l'esprit de l'article 6 de la Convention (européenne des droits de l'homme) n'empêchent une personne de renoncer de son plein gré, que ce soit de manière expresse ou tacite, aux garanties d'un procès équitable », mais que, pour être effective aux fins de la Convention, « la renonciation au droit de prendre part au procès doit se trouver établie de manière non équivoque et être entourée d'un minimum de garanties correspondant à sa gravité » ( Salduz c/ Turquie, req. n° 36391/02, 27 novembre 2008),

Attendu que l’article 63-1 prescrit uniquement à l’officier de police judiciaire de s’assurer que la personne qu’il place en garde à vue reçoit la notification des droits prévus par les articles 63-2, 63-3 et 63-4 dans une langue qu’il comprend ou à l’aide d’un interprète qualifié en langage des sourds mais ne lui fait pas obligation de vérifier qu’elle a eu une compréhension sans équivoque des droits qui lui sont notifiés, tant en ce qui concerne l’assistance d’un avocat que la visite d’un médecin.

Attendu de la même manière que l’article 63-1 du code de procédure pénale fait seulement obligation à l’officier de police judiciaire d’informer la personne qu’il place en garde à vue de la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête, qu’ainsi cette dernière ne peut connaître précisément les charges qui pèsent contre elle afin de préparer et d’organiser concrètement sa défense.

Attendu par ailleurs que l’article 77 du code de procédure pénale ne mentionne pas, parmi les droits qui doivent être notifiés à la personne placée en garde à vue, le droit au silence et à ne pas s’incriminer elle-même qui font néanmoins partie des droits de la défense.

Attendu que le conseil du prévenu fait valoir dans un document écrit, distinct et motivé que les dispositions de l’article 63-1 du code de procédure pénale sont applicables à l’espèce et que la question de constitutionnalité de cet article n’a encore jamais fait l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel, que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

Attendu que se pose ainsi la question de savoir si l’article 77 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution, qu’il convient de poser la question prioritaire de constitutionnalité dans les termes suivants :

« Le régime de garde à vue résultant de 1 ‘article 63-1 du code de procédure pénale :

en ce qu'il ne garantit pas que la personne placée en garde à vue ait une compréhension sans équivoque des droits prévus par les articles 63-2, 63-3, 63-4 du même code lorsqu'il en reçoit notification,

en ce qu'il ne prescrit pas d'informer la personne de façon détaillée des charges ou des soupçons qui pèsent sur elle,

en ce qu'il n'oblige pas à informer la personne de son droit au silence et à ne pas s'incriminer elle-même,

porte-t-il atteinte aux droits de la défense, tels qu'ils résultent des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et porte-t-il atteinte de ce fait aux droits et libertés garantis par la Constitution ? »

Sur la question prioritaire de constitutionnalité de l’article 63-4 du code de procédure pénale

Attendu que la question de constitutionnalité de l’article 63-4 se pose en l’espèce, qu’en effet 1l est constant que M. [X] n’avait pas même la capacité de compréhension et d’expression suffisantes pour assurer sa propre défense sans l’assistance d’un avocat.

Attendu que la requête, présentée dans un écrit distinct et motivé, est recevable, que les dispositions de l’article 63-4 du code de procédure pénale n’ont pas été déjà déclarées conformes à la Constitution et qu’elle présente un caractère sérieux.

Attendu cependant que ladite question prioritaire de constitutionnalité a déjà été posée par un jugement de ce tribunal en date du 4 mars 2010 (n 496/S4/2010), qu'il n’y a donc pas lieu de la poser de nouveau, qu’il convient seulement de surseoir à statuer jusqu’à la décision de la Cour de cassation ou du Conseil constitutionnel.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité de l’article 77 du code de procédure pénale .

Attendu que la question se pose de savoir si l’unique critère de placement en garde à vue fixé l’article 77 du code de procédure pénale, qui énonce que « l'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, garder à sa disposition toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction »,. comporte des garanties suffisantes au regard de la liberté individuelle.

Attendu que le tribunal, qui n’a pas à substituer son appréciation à la partie demanderesse, doit seulement apprécier si la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux, que tel est le cas dès lors que l’article 77 du code de procédure pénale laisse à l’officier de police judiciaire le droit de suspendre l’exercice par une personne de sa liberté individuelle sans qu’il n’ait à prendre en compte d’autres critères tels que la situation de la personne, son comportement ou la proportionnalité de la mesure à la gravité des faits sur lesquels porte l’enquête.

Attendu que n’est pas non plus dépourvue de caractère sérieux la question selon laquelle doit être soumise à l’appréciation du Conseil constitutionnel l’absence de contrôle du placement en garde à vue par l’autorité judiciaire puisqu'il résulte de l’article 77 du code de procédure pénale que le parquet est simplement informé par l’officier de police judiciaire du placement en garde à vue, sans que soit même précisée la nature des informations que ce dernier doit fournir au procureur de la République, m1 la nature et les modalités du contrôle que doit exercer l’autorité judiciaire sur la mesure privative de liberté avant la fin de la vingt-quatrième heure, hors les cas prévus par l’article 63-4 dernier alinéa du code de procédure pénale.

Attendu enfin que le Conseil constitutionnel a décidé que « si l'intervention d'un magistrat du siège peut être requise pour certaines prolongations de la garde à vue, l'intervention du procureur de la République » pour autoriser la prolongation de la garde à vue au-delà des vingt-quatre premières heures « ne méconnaît pas les exigences de l’article 66 de la Constitution » (Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993), qu’il s’est ainsi à cette occasion prononcé sur l’appartenance des magistrats du parquet à l’autorité judiciaire.

Attendu cependant que l’appartenance à l’autorité judiciaire des membres du parquet au regard de la Constitution n’implique pas pour autant que ces magistrats puissent disposer, dans le cadre de leurs fonctions, de pouvoirs dont les conditions d’exercice ne seraient pas garanties en raison de leur manque d’indépendance envers le pouvoir exécutif, ni que ces magistrats disposent, au regard des normes fixées par la Cour européenne des droits de l’homme pour l’application de la Convention européenne des droits de l’homme qui définissent les conditions du procès équitable, des caractéristiques les habilitant à exercer le contrôle juridictionnel requis par ladite Convention en cas d’arrestation ou de détention.

Attendu en effet, que la Cour européenne des droits de l’homme a dit pour droit que «le magistrat doit présenter les garanties requises d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu'il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l'instar du ministère public, et il doit avoir le pouvoir d'ordonner l'élargissement, après avoir entendu la personne et contrôlé la légalité et la justification de l'arrestation et de la détention » ([CC] et autres c/ France, req. n° 3394/03, arrêt du 29 mars 2010, GC), que la question se pose ainsi de savoir si la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas modifié les circonstances qui ont été examinées par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée et si, nonobstant l’appartenance des membres du parquet à l’autorité judiciaire au sens du droit constitutionnel, leur manque d’indépendance envers le pouvoir exécutif n’a pas pour conséquence qu’ils ne peuvent dorénavant être les garants de la liberté individuelle des personnes gardées à vue, en vertu de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et de l’article 66 de la Constitution, dès avant la décision de prolongation au-delà de la vingt-quatrième heure.

Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité de l’article 77 du code de procédure pénale est posée dans écrit distinct et motivé, que la disposition contestée est applicable à la procédure, qu’elle n’a pas été déjà déclarée conforme à là Constitution en tous ses éléments et que les circonstances sur lesquelles le Conseil constitutionnel _s’est déjà prononcé ont changé du fait de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qu’enfin la question, en tous ses éléments, présente un caractère sérieux, qu’il convient en conséquence de poser la question prioritaire de constitutionnalité dans les termes suivants :

« Le régime de la garde à vue résultant de l'article 77 du code de procédure pénale,

— en ce qu'il fixe comme critère exclusif de placement en garde à vue l'existence de raisons plausibles de soupçonner une personne qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction et ne prescrit pas d'examiner si la mesure est nécessaire et ne comporte pas une rigueur excessive compte tenu des circonstances de l'espèce,

— en ce qu'il ne soumet le placement en garde à vue d’une personne à aucun contrôle de l'autorité judiciaire portant notamment sur la qualification des faits, les motifs ou la proportionnalité de la mesure aux exigences strictement nécessaires pour s'assurer de la personne et qu'il ne détermine pas la nature et les modalités du contrôle que doit exercer l'autorité judiciaire sur le déroulement de cette mesure avant qu'il en soit rendu compte à l'initiative de l'officier de police judiciaire,

— en ce qu'il place la surveillance de la garde à vue sous la seule responsabilité du procureur de la République dont l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif n'est pas garantie au regard des normes juridiques européennes,

porte-t-il atteinte à la liberté individuelle, à la séparation des pouvoirs et à l'indépendance de l'autorité judiciaire, telles qu'elles résultent des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et de l’article 66 de la Constitution et porte-t-il atteinte de ce fait aux droits et libertés garantis par la Constitution ? »,

Attendu qu’il convient par conséquent de surseoir à statuer jusqu’à la décision de la Cour de cassation ou du Conseil constitutionnel. :

Attendu que les prévenus comparaissent libres dans la présente affaire, qu’il n’y a donc pas lieu de prévoir de mesures provisoires ou conservatoires;

Par ces motifs

Statuant publiquement, contradictoirement, avant dire droit et en dernier ressort, Vu l’article 61-1 de la Constitution,

Vu les articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution,

Vu les articles 63-1, 63-4 et 77 du code de procédure pénale,

Vu l’article R 49-26 du code de procédure pénale,

Dit n'y avoir lieu de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 63-4 du code de procédure pénale,

Dit qu’il y a lieu de transmettre à la Cour de cassation, aux fins de saisine du Conseil constitutionnel, les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes :

Première question :

« Le régime de garde à vue résultant de l'article 63-1 du code de procédure pénale :

— en ce qu'il ne garantit pas que la personne placée en garde à vue ait une compréhension sans équivoque des droits prévus par les articles 63-2, 63-3, 63-4 du même code lorsqu'il en reçoit notification,

— en ce qu'il ne prescrit pas d'informer la personne de façon détaillée des charges ou des soupçons qui pèsent sur elle,

—en ce qu'il n'oblige pas à informer la personne de son droit au silence et à ne pas s'incriminer elle-même,

porte-t-il atteinte aux droits de la défense, tels qu'ils résultent des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et porte-t-il atteinte de ce fait aux droits et libertés garantis par la Constitution ? »

Seconde question :

« Le régime de la garde à vue résultant de l’article 77 du code de procédure pénale,

— en ce qu'il fixe comme critère exclusif de placement en garde à vue l'existence de raisons plausibles de soupçonner une personne qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction et ne prescrit pas d'examiner si la mesure est nécessaire et ne comporte pas une rigueur excessive compte tenu des circonstances de l'espèce,

— en ce qu'il ne soumet le placement en garde à vue d’une personne à aucun contrôle de l'autorité judiciaire portant notamment sur la qualification des faits, les motifs ou la proportionnalité de la mesure aux exigences strictement nécessaires pour s'assurer de la personne et qu'il ne détermine pas la nature et les modalités du contrôle que doit exercer l'autorité judiciaire sur le déroulement de cette mesure avant qu'il en soit rendu compte à I initiative de l'officier de police judiciaire,

— en ce qu'il place la surveillance de la garde à vue sous la seule responsabilité du procureur de la République dont l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif n'est pas garantie au regard des normes juridiques européennes,

porte-t-il atteinte à la liberté individuelle, à la séparation des pouvoirs et à l'indépendance de l'autorité judiciaire, telles qu'elles résultent des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et de l'article 66 de la Constitution et porte-t-il atteinte de ce fait aux droits et libertés garantis par la Constitution ? »,

Dit que la présente décision sera transmise à la Cour de cassation par le greffe du tribunal avec les mémoires et les conclusions des parties dans les huit jours de son prononcé,

Sursoit à statuer sur les exceptions de nullité et l’action publique jusqu’à réception de la décision de la Cour de cassation ou du Conseil constitutionnel et jusqu’à ce qu’il soit statué sur la constitutionnalité de l’article 63-4 du code de procédure pénale,

Et le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier

LE GREFFIER. LE PRESIDENT.