Tribunal de grande instance de Nanterre

Jugement du 30 mars 2010 N° 1008930033

30/03/2010

Renvoi partiel

Ministère Public

c/

[D]

République française

AU nom du Peuple français

Tribunal de Grande Instance de Nanterre

17eme chambre

N° d'affaire : 1008930033

Jugement du : 30 mars 2010, 13h32

n° : 4

NATURE DES INFRACTIONS :

- VOL FACILITE PAR L'ETAT D'UNE PERSONNE VULNERABLE en récidive,

TRIBUNAL SAISI PAR : Procédure de comparution immédiate en application des articles 395 et suivants du Code de procédure pénale.

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : [D]

Prénoms : [C]

Né le : [DateNaissance 1] 1966 Age : 43 ans au moment des faits

A : [LOCALITE 2] ([...])

Fils de : [G D] Et de [A B]

Nationalité : française

Adresse postale :

à [LOCALITE 3]

[adresse 4]

[LOCALITE 5]

Situation familiale : célibataire

Antécédents judiciaires : déjà condamné

Situation pénale : retenu sous escorte

Comparution : comparant assisté de Me Loeiz LEMOINE avocat du barreau de NANTERRE, commis d'office.

[C D] est prévenu :

D'avoir à [LOCALITE 6], le 29 mars 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, soustrait frauduleusement un porte monnaie au préjudice de Madame [H I], cette soustraction ayant été facilitée par son état de particulière vulnérabilité du fait de son âge, la victime ayant 89 ans. Ces faits ont été commis en état de récidive légale, ainsi qu'il résulte de l'arrêt définitif prononcé par la Cour d'appel de Versailles en date du 31 janvier 2008 pour des faits similaires ou assimilés, faits prévus par ART.311-4 5=, ART.311-1 C.PENAL. et réprimés par ART.311-4 AL.1, ART.311-14 1=,2=,3=,4=,6= C.PENAL, et prévue et réprimée par les articles 132-8 à suivants du Code pénal en ce qui concerne la récidive,

À l'appel de la cause, le président a constaté l'identité du prévenu et a donné connaissance de l'acte qui a saisi le tribunal.

Puis il a averti le prévenu des dispositions de l'article 397 du Code de procédure pénale, celui-ci a déclaré en présence de son avocat qu'il consentait à être jugé séance tenante.

Les débats ont été tenus en audience publique.

Le président a donné connaissance des faits motivant la poursuite.

Avant toute défense au fond Me Loeiz LEMOINE a été entendu sur l’examen de deux questions prioritaires de constitutionnalité après avoir déposé deux mémoires distincts et motivés .

Me Loiez LEMOINE a été entendu in limine litis en ses conclusions de nullités après avoir déposé des conclusions visées par le greffier et le président.

Le ministère public a été entendu ses réquisitions sur les questions prioritaires de constitutionnalité et sur les exception soulevées .

Le tribunal a joint l'incident au fond, après en avoir délibéré.

Le président a instruit l'affaire et a interrogé le prévenu sur les faits et a reçu ses déclarations.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Me Loe1iz LEMOINE avocat du barreau de NANTERRE, commis d'office, a été entendu en sa plaidoirie pour M. [C D], prévenu.

M. [C D], prévenu, a présenté ses moyens de défense et a eu la parole en dernier.

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Le tribunal, après en avoir délibéré, a statué en ces termes.

MOTIFS

SUR L'ACTION PUBLIQUE :

1.Sur la question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 63-1 alinea 1 du code de procédure pénale :

En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, M. [D] saisit la juridiction sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution, d’un moyen soulevant l’inconstitutionnalité de l’article 63-1 alinea 1 du code de procédure pénale .

En effet, M. [D] soutient que les dispositions précitées portent atteinte au droit à une procédure juste et équitable garanti par l‘article 16 de la Déclaration des Droits de l’ Homme et du Citoyen de 1789 ainsi que par les articles 2, 4, 6, 9du même texte et les articles 1”, 34 et 66 de la Constitution .

Dans son avis exprimé le 30 mars 2010, le ministère public soutient qu'il n’y a pas lieu à transmission, la question ayant déjà été posée à la Cour de Cassation .

SUR CE:

SUR LE MOYEN TIRE DE L’INCONSTITUTIONNALITE DE L'ARTICLE 63- 1 ALINEA 1 DU CODE DE PROCEDURE PENALE:

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

En l’espèce, le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 30 mars 2010 dans un écrit distinct des conclusions de [C D], et motivé. Il est donc recevable .

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation :

En l’espèce, la disposition contestée est applicable au litige en ce que le prévenu a été placé en garde à vue . Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel, et n’est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce qu’elle concerne les droits de la personne gardée à vue.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de Cassation la question suivante dont le moyen soulevé est nouveau :

-L’article 63-1 alinea 1 du code de procédure pénale porte-il atteinte aux droits et libertés garantis par l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’ Homme et du Citoyen de 1789 au regard du droit à un procès juste et équitable ?

Le prévenu est présenté au tribunal selon la procédure de comparution immédiate, en application des articles 397-1 alinea 1 et 397-3 alinea 3 du code de procédure pénale la décision au fond du tribunal doit intervenir dans le délai maximum prévu à ces textes . Il n’y a donc pas lieu de surseoir à statuer au fond, conformément aux dispositions de l’article 23-3 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958.

2.Sur la question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 63-4 alinea 1 à 6 du code de procédure pénale :

En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, M. [C D] saisit la juridiction sur le fondement de l’article 61-1 de la constitution, d’un moyen soulevant l’inconstitutionnalité de l’article 63-4 alinea 1à 6 du code de procédure pénale .

En effet, [C D] soutient que les dispositions précitées portent atteinte aux droits de la défense et au droit à une procédure juste et équitable en violation de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, constituent une atteinte disproportionnée à des droits et libertés garantis par les articles 34 et 66 de la Constitution et par l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 précitée et créent une rupture d’égalité devant la loi contrairement à l’article 16 de la même Déclaration .

Dans son avis exprimé le 30 mars 2010, le ministère public soutient que la Cour de Cassation est déjà été saisie de la question .

SUR CE :

SUR LE MOYEN TIRE DE L’'INCONSTITUTIONNALITE DE L'ARTICLE 63- 4 ALINEA 1 À 6 DU CODE DE PROCEDURE PENALE :

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

En l’espèce, le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 30 mars 2010 dans un écrit distinct des conclusions de [C D], et motivé . Il est donc recevable .

La disposition contestée est applicable au litige en ce que le prévenu a été placé en garde à vue.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la cour de cassation:

Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel, et n’est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce qu’elle concerne les droits de la personne gardée à vue

En application R49-26 du code de procédure pénale, le juge n’est pas tenu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législative dont la cour de cassation ou le Conseil Constitutionnel est déjà saisi .

En l’espèce la Cour de Cassation est saisie sous les références : E10-90.020 ; D 10-90.019; C10-90.018 ; B10-90.017 ; A 10-90.016 ; Z10-90.015 ; Y 10-90.014 ; X10-90.013 ; W10-90.012 ; V10-90.011 ; U10-90.010 ; T10-90.009 ; S10- 90.008 ; R10-90.007 ; Q10-90.006 ; T10-90.006 ; P10-90.005 d’une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, la même disposition législative, et n’a pas encore statué .

Il n'y a donc pas lieu de transmettre la question posée dans la présente instance.

En l’espèce, le prévenu est présenté au tribunal selon la procédure de comparution immédiate . En application des articles 397-1 alinea 1 et 397-3 alinea 3 du code de procédure pénale, la décisions au fond du tribunal doit intervenir dans le délai maximum prévu à ces textes, il n’y a donc pas lieu de surseoir à statuer au fond .

Sur les exceptions de nullités soulevées

.La défense soutient tout d’abord que le défaut de notification au gardé à vue de son droit au silence est contraire à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et du Citoyen - C.E.D.H.C.- et que l’article 63-1 du code de procédure pénale ne respecte pas les exigences de la Convention .

Toutefois aucune disposition de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et du Citoyen et notamment son article 6 ne prévoit une telle notification

. En outre, dans le cas d’espèce, le demandeur ne saurait invoquer l’absence de notification de son droit à ne faire aucune déclaration dès lors qu’il résulte des mentions du procès-verbal d’audition qu’il a expressément consenti à s’expliquer sur les faits .

Aucun grief n’a donc été fait aux droits du demandeur et le moyen est rejeté .

. La défense soutient également que la renonciation du gardé à vue à son droit à assistance d’un avocat n’est pas suffisamment encadrée et éclairée .

En l’espèce, le prévenu ayant sollicité la présence d’un avocat, le moyen soulevé manque en fait et est rejeté .

.La défense soutient enfin que le défaut d’assistance d’un avocat au cours des interrogatoires de garde à vue est contraire à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’ Homme et du Citoyen.

Toutefois l’absence d’avocat au cours des auditions ne peut constituer une cause de nullité de ces dernières et de la garde à vue en l’absence de méconnaissance d’une formalité substantielle prévue par une dispositions du code de procédure pénale ou toute autre disposition de procédure pénale .

L’absence d’avocat n’est susceptible d’avoir de conséquence que sur la valeur probante des déclarations et cette appréciation relève du fond du dossier . Dès lors aucune atteinte n’a été faite aux droits du requérant qui a d’ailleurs nié les faits durant ses auditions et ne s’est donc pas auto-incriminé .

Le moyen est donc également rejeté .

Sur le fond

Il résulte des éléments du dossier et des débats qu'il convient de déclarer [C D] coupable pour les faits qualifiés de :

VOL FACILITE PAR L'ETAT D'UNE PERSONNE VULNERABLE en récidive, faits commis le 29 mars 2010 à [LOCALITE 7], et qu'il y a lieu d'entrer en voie de condamnation.

M. [D] encourt la peine minimale d’une année d'emprisonnement, toutefois le tribunal écarte l’application de l’article 132-19-1 du code pénal en raison de la personnalité du prévenu établie par l’expertise psychiatrique .

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l'encontre de [C D], prévenu ;

DIT N’Y AVOIR LIEU à transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 63-4 alinea 1à 6 du code de procédure pénale .

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation de la question suivante : -l'article 63-1 alinea 1 du code de procédure pénale porte-il atteinte aux droits et libertés garantis par l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 au regard du droit à un procès juste et équitable ?

Vu l’article 23-3 de l’ordonnance n 58-1067 du 7 novembre 1958 :

DIT N°’Y A VOIR LIEU A SURSEOIR A STATUER ;

SUR L'ACTION PUBLIQUE :

REJETTE les exceptions de nullité soulevées par [C D] .

DECLARE [C D] COUPABLE pour les faits qualifiés de : -VOL FACILITE PAR L'ETAT D'UNE PERSONNE VULNERABLE enrécidive, faits commis le 29 mars 2010, à [LOCALITE 8].

Vu les articles susvisés :

CONDAMNE [C D] à 4 MOIS D'EMPRISONNEMENT.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 90 euros dont est redevable le condamné.

Le président avise [C D] que s'il s'acquitte du montant du droit fixe de procédure et/ou du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20 A sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros conformément aux articles 707-2 et 707-3 du code de procédure pénale. Le président l'informe en outre que le paiement de l'amende et du droit fixe de procédure ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours.

Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéressé de demander la restitution des sommes versées.

A l'audience du 30 mars 2010, 13h32, 17eme chambre, le tribunal était composé de :

Président : MME. Michelle SIGNORET premier vice-président

Assesseurs :

M. Cyril CARDINI juge

Mme Marie-Martine BACCOU juge de proximité

Ministère Public : MME. Clotilde GALY vice-procureur de la République

Greffier : MELLE. Stéphanie PISU greffier

La minute de ce jugement a été signée par Mme SIGNORET, premier vice- président, et par Mile PISU, greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER