Les réserves dites "transitoires" du Conseil constitutionnel

20/06/2024

Les réserves dites "transitoires" du Conseil constitutionnel
et la procédure pénale

Évelyne Bonis

Évelyne Bonis, professeure, Université de Bordeaux, Institut de sciences criminelles et de la justice


Définition de la notion de réserve transitoire - La question des effets dans le temps des décisions du Conseil constitutionnel est aujourd'hui bien connue [1], [2]. Pourtant, la lecture de décisions récentes amène à s'interroger plus particulièrement sur l'usage fait des réserves transitoires. Ces réserves transitoires constituent une solution dégagée par le Conseil constitutionnel lui-même [3].

Elles accompagnent le prononcé, non pas d'une déclaration de conformité comme c'est le cas des réserves d'interprétation [4], mais d'une décision par laquelle il déclare contraire à la Constitution une disposition législative et décide de moduler dans le temps les effets de la décision car une abrogation immédiate aurait des conséquences manifestement excessives [5]. Bien que non expressément inscrite à l'article 62 de la Constitution qui se borne à indiquer : "Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause", elles permettent de gérer l'attente en définissant un droit intermédiaire applicable entre la date de la publication de la décision et la date fixée de fin du délai de report de la disparition de la loi ou la date d'entrée en vigueur du nouveau texte attendu [6].

Présence possible de réserves transitoires en procédure pénale - En procédure pénale, ces réserves dites "transitoires", pourraient être fréquentes voire systématiques car la matière est propice à leur présence. En effet, il est fréquent que le Conseil vienne opérer une modulation dans le temps des effets de la décision lorsque la disposition de procédure pénale est abrogée car, dans la plupart des questions prioritaires de constitutionnalité, la critique porte moins sur le contenu explicite du texte que sur ses silences, bref sur le fait que telle hypothèse n'a pas été envisagée par le législateur. Comme il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de se substituer au législateur [7], il lui laisse le temps d'intervenir pour corriger la lacune relevée. Il pourrait ainsi aisément, dans toutes ces situations, formuler des réserves transitoires. Or, il ne le fait que rarement. Sans être inexistantes [8], les réserves transitoires sont quantitativement peu nombreuses.

Problèmes soulevés par les réserves transitoires en procédure pénale - Doit-on s'étonner ou se réjouir de ce faible usage ? D'un côté, le Conseil vient, par ce moyen, assurer une protection des droits des justiciables plus satisfaisante que celle assurée par la loi en vigueur puisqu'elle comble temporairement les lacunes de la loi sans attendre l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Mais d'un autre côté, en opérant de la sorte, il se substitue au législateur ce qui n'est pas son rôle [9]. Un auteur écrivait : "ce pouvoir qu'il semble vouloir s'arroger devra donc être exercé avec la plus grande circonspection. Il devra, dans cet exercice, se borner à tirer les conséquences juridiques de sa décision sans empiéter, même provisoirement, sur les prérogatives du Parlement" [10]. En procédure pénale, compte tenu de l'importance du principe de la légalité criminelle, on devrait donc, encore plus que dans d'autres matières, se réjouir de l'usage modéré de telles réserves. Néanmoins, indépendamment de l'appréciation quantitative de l'usage qui en est fait, aussi modeste soit-il, c'est l'absence de prévisibilité et de lisibilité de la jurisprudence en la matière qui interroge le pénaliste que nous sommes à la lecture d'une récente décision rendue par le Conseil constitutionnel le 18 janvier 2024 relative à l'absence d'obligation légale d'aviser le tuteur ou le curateur d'un majeur protégé en cas de défèrement [11]. Cette décision déclare l'article 706-113 du code de procédure pénale non conforme à la Constitution et reporte dans le temps les effets de l'abrogation au 31 janvier 2025. Le Conseil justifie ce report en indiquant que l'abrogation immédiate du texte aurait notamment pour effet de supprimer l'obligation pour le procureur de la République et le juge d'instruction d'aviser le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, en cas de poursuites pénales à l'encontre d'un majeur protégé, ce qui aurait entraîné des conséquences manifestement excessives [12]. Il aurait pu s'en tenir à cette mention. Pourtant, il a jugé bon d'ajouter que jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 31 janvier 2025, si des éléments recueillis au cours de la procédure font apparaître que la personne susceptible d'être déférée à compter de la publication de la décision fait l'objet d'une mesure de protection juridique, le curateur ou le tuteur doit être avisé par le magistrat compétent de son défèrement et, le cas échéant, de sa retenue dans les locaux du tribunal. Sans remettre en cause la possibilité de prévoir une telle réserve, comment expliquer la présence d'une telle réserve alors que dans une autre décision, en tout autre point similaire, rendue le 14 septembre 2018 à propos du même article 706-113 dans sa version antérieure [13], il n'avait pas pris une telle précaution ? Il se contentait en effet dans cette précédente décision rendue en matière de garde à vue d'indiquer : "il y a lieu de reporter au 1er octobre 2019 la date de l'abrogation des dispositions contestées. Les mesures prises ayant donné lieu, avant cette date, à l'application des dispositions déclarées contraires à la Constitution et les mesures de garde à vue prises avant cette date ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité" [14].

Comparaison en quête de raisons - De la comparaison de ces deux décisions, un regret peut être formulé : celui de l'absence de motivation de la décision. Qu'il s'agisse pour le Conseil de prévoir ou de ne pas prévoir de réserves dites transitoires, les décisions ne comportent aucune explication. Face à ce caractère aléatoire des réserves déjà souligné en doctrine [15], nous tenterons de trouver des justifications à la présence de cette réserve dite transitoire dans la décision du 18 janvier 2024, avant de voir dans quelles mesures cette tentative d'explication pourrait être étendue à d'autres hypothèses en procédure pénale.

La première raison à laquelle on songe est celle de l'effet utile de la décision. Pourtant, cette explication ne saurait convaincre puisque la réserve n'a pas pour effet de faire cesser immédiatement l'inconstitutionnalité constatée. Elle ne bénéficie pas au requérant ayant soulevé la question prioritaire.

La deuxième raison que l'on pourrait avoir à l'esprit est celle d'une volonté de garantir, sans plus attendre, l'effectivité des droits de la personne. Par la réserve prévue dans la décision du 18 janvier 2024, le Conseil vient en effet imposer l'obligation d'information du tuteur ou du curateur pour les défèrements opérés à compter de la décision et donc promouvoir, dans les faits, la protection accordée aux majeurs protégés. Certes la doctrine a fait observer qu'en posant cette obligation, le Conseil "ne crée pas ici une obligation vraiment nouvelle … [car] … nombre de parquetiers n'ont pas attendu cette décision constitutionnelle pour prévenir la personne chargée de la mesure de protection en cas de défèrement" [16]. L'apport est néanmoins indéniable car à la liberté d'information succède donc désormais une obligation d'informer.

Cette promotion de l'effectivité des droits explique-t-elle pour autant la présence d'une réserve transitoire ? À elle seule, assurément pas car cet argument ne permet pas d'expliquer pourquoi prévoir une réserve transitoire dans la décision relative au défèrement et ne pas avoir fait de même dans celle de 2018 relative à la garde à vue. Au nom de la protection effective des majeurs protégés, il aurait en effet été envisageable à l'époque aussi d'exiger que, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 1er octobre 2019, si des éléments recueillis au cours de la procédure font apparaître que la personne placée en garde à vue à compter de la publication de cette décision fait l'objet d'une mesure de protection juridique, le curateur ou le tuteur doit être avisé par l'officier de police judiciaire de ce placement. L'entreprise aurait été, il est vrai, en 2018, plutôt audacieuse puisqu'aucun article dans le code ne prévoyait une telle obligation d'information à la charge des autorités policières au stade préalable au déclenchement des poursuites [17]. Le seul texte qui permettait, à l'époque, de circonscrire le champ d'application de cette obligation était en effet l'article 706-113 qui prévoyait une obligation d'information uniquement à compter de la décision relative à la poursuite [18].

La véritable raison pourrait tenir moins à la préservation des droits substantiels du justiciable qu'à l'expression d'un jeu de pouvoirs entre le Conseil constitutionnel et le législateur. En effet, depuis la première décision du Conseil ayant conduit à déclarer, sans réserve transitoire, inconstitutionnel l'article 706-113, le législateur est intervenu, à trois reprises déjà, pour compléter le code. Par la loi du 23 mars 2019 prise à la suite de la décision du 14 septembre 2018 relative à la garde à vue d'un majeur protégé, il a ajouté les articles 706-112-1 et 706-112-2 créant une obligation pour les officiers de police judiciaire d'aviser le curateur ou le tuteur lorsque les éléments recueillis au cours de la phase policière font apparaître que la personne gardée à vue ou faisant l'objet d'une audition libre bénéficie d'une mesure de protection juridique. De façon comparable, à la suite d'une décision rendue par le Conseil le 15 janvier 2021 [19], le législateur a ajouté, par une loi du 22 décembre 2021, un article 706-112-3 relatif à l'enquête préliminaire prévoyant que lorsque les éléments recueillis au cours d'une enquête préliminaire font apparaître qu'une personne chez laquelle il doit être procédé à une perquisition fait l'objet d'une mesure de protection juridique révélant qu'elle n'est pas en mesure d'exercer seule son droit de s'opposer à la réalisation de cette opération, l'officier en avise par tout moyen son curateur ou son tuteur, afin que l'assentiment de la personne à la perquisition ne soit donné qu'après qu'elle ait pu s'entretenir avec lui. Enfin, on pourrait aussi penser à la décision rendue par le Conseil le 12 février 2021 [20]relative à la phase de l'application des peines et à la conformité de l'article 712-6 du code de procédure pénale à la Constitution [21]. Ne peut-on dès lors pas penser que l'audace dont fait preuve le Conseil en 2024 en prévoyant une réserve transitoire trouve sa justification dans ces réformes législatives ?

L'audace [22] constitutionnelle - Le Conseil pourrait donc s'être autorisé à prévoir une réserve dans sa décision relative au défèrement parce qu'entre 2018 et 2024, le législateur a déjà fait montre de la manière dont il procédait à une mise en conformité du code à la Constitution à la suite de précédentes déclarations d'inconstitutionnalité. Le Conseil ne ferait ainsi preuve d'audace par la prévision d'une réserve transitoire "de création" [23] que lorsqu'il peut anticiper la forme de l'évolution normative en s'inspirant des réformes précédentes. Cette explication peut être confortée par l'analyse d'un autre contentieux pour lequel le Conseil a aussi fait usage des réserves transitoires : celui relatif à la notification du droit de se taire. On ne rappellera pas ici l'ensemble des décisions rendues par le Conseil [24]. On se bornera à remarquer que les premières décisions ne comportaient aucune réserve transitoire [25] alors que les plus récentes en contiennent [26]. Or, entre temps, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour réformer d'abord des textes spéciaux [27] puis inscrire à l'article préliminaire du code de procédure pénale qu' "en matière de crime ou de délit, le droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés est notifié à toute personne suspectée ou poursuivie avant tout recueil de ses observations et avant tout interrogatoire, y compris pour obtenir des renseignements sur sa personnalité ou pour prononcer une mesure de sûreté, lors de sa première présentation devant un service d'enquête, un magistrat, une juridiction ou toute personne ou tout service mandaté par l'autorité judiciaire" [28]. À partir d'une analyse téléologique de l'évolution normative, le Conseil semble ainsi s'autoriser à anticiper le sens de la réforme attendue.

Plus récemment encore, cette explication permettrait de mieux comprendre une décision rendue le 17 mai 2024 à propos de la procédure applicable en droit de la presse. Le Conseil y déclare la première phrase du deuxième alinéa de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et la deuxième phrase de ce même alinéa non conformes à la Constitution car ces dispositions ne permettent pas d'assurer l'information de la personne mise en cause du droit qu'elle a de se taire lorsqu'elle présente des observations ou des réponses écrites au juge d'instruction saisi d'un délit de diffamation ou d'injure [29]. Il reporte les effets de sa décision et prévoit, au moyen d'une réserve transitoire, qu'afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou jusqu'à la date de l'abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, le juge d'instruction, lorsqu'il informe la personne de son intention de la mettre en examen en application de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881, doit lui notifier son droit de se taire [30].

De l'audace constitutionnelle à la critique législative implicite – Retenir cette explication, à la supposer exacte, n'enlève cependant rien à l'audace constitutionnelle. Pire, elle peut être le reflet d'une audace encore plus grande : ne plus être seulement "le maître des horloges" [31] mais devenir le maître de toute l'horlogerie en soulignant la qualité médiocre du travail législatif opéré [32]. Dans les hypothèses examinées, la réforme antérieure intervenue à la suite d'une déclaration de non-conformité à la Constitution aurait pu en effet être l'occasion, non seulement de corriger l'inconstitutionnalité spécifique soumise à l'examen du Conseil mais aussi, et plus ouvertement, de se pencher, de façon plus globale, sur la question de l'information du tuteur ou du curateur de la personne protégée faisant l'objet d'un acte de procédure pénale. C'est en effet parce que le législateur n'a pas pris le temps d'envisager dans toutes les dimensions la portée de la précédente décision relative à la garde à vue, que le Conseil est conduit à statuer de nouveau sur la situation dans des cas similaires mais en développant une argumentation strictement identique [33]. Si le législateur avait profité de la réforme pour se poser plus généralement la question de la protection effective des droits du majeur protégé dans le cadre de la procédure pénale, le Conseil n'aurait, sans doute [34], pas eu à intervenir de nouveau pour déclarer l'article 706-113, dans sa nouvelle rédaction [35], non conforme à la Constitution et prévoir une réserve transitoire. La présence de réserves transitoires serait le signe d'une critique plus qu'une audace. Elle serait la marque d'un Conseil conscient qu'au-delà de l'espèce transmise, sa décision doit avoir une portée bien plus importante.

Conclusions et perspectives – Avec cette tentative d'explication et un suivi régulier du contentieux constitutionnel et des réformes législatives, il deviendrait alors possible de savoir à l'avance dans quelles hypothèses le juge va formuler ou non une réserve transitoire. Le manque de prévisibilité de la jurisprudence s'estomperait donc partiellement [36]. La critique selon laquelle "la jurisprudence est empreinte d'une grande subjectivité dans l'usage qu'elle fait de cette finalité de cessation de l'inconstitutionnalité constatée, alors même que cette dernière avait pu être qualifiée de "fonction objective" [37] pourrait être tempérée. Un fin analyste, rompu au contentieux constitutionnel [38], aurait un moyen de savoir à l'avance dans quelles hypothèses le juge va formuler ou non une réserve transitoire. On conviendra néanmoins que la fiabilité de l'"outil" proposé peut à bien des égards, ne pas convaincre et ressembler à celle des prévisions météorologiques à quinze jours !

Dès lors, plutôt que de se risquer à ces réserves qui, quoiqu'on en dise, empiètent sur le travail législatif en indiquant des modifications pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée [39], le Conseil constitutionnel ne serait-il pas davantage dans son rôle en renforçant la motivation de sa décision. La critique de l'absence de motivation de ses décisions n'est pas nouvelle. Le Professeur Philippe Conte écrivait à ce sujet : "il délivre son oracle, sans aucune argumentation, encore moins démonstration, à la façon dont le prestidigitateur, après quelques passes, sort le lapin du chapeau" [40]. S'agissant plus spécialement des réserves transitoires, deux pistes mériteraient d'être explorées. D'une part, et a minima, le Conseil pourrait prendre le soin de justifier la réserve transitoire lorsqu'il en prescrit une. D'autre part, il pourrait aussi, dans le corps même de sa décision, renforcer la motivation de sa portée à la manière dont le fait désormais la Cour de cassation. Il faciliterait ainsi la tâche du législateur en permettant de mieux identifier le domaine de la réforme attendue tout en laissant à ce dernier une liberté de moyens. De telles précisions éviteraient en outre la résurgence de QPC qui ne font qu'alimenter un contentieux loin de se tarir en procédure pénale tout au moins [41].


[1] V. not., X. Magnon, La modulation dans le temps des effets des décisions des juges constitutionnels, AIJC 2011. 558.

[2] P. Deumier, Les effets dans le temps des décisions QPC : un droit des conséquences des décisions constitutionnelles, Nouv. Cah. Cons. const. 2015, n° 47.

[3] Sur cette consécration prétorienne à partir d'une décision rendue le 6 juin 2014 n° 2014-400 QPC en matière d'abrogation différée : N. Jacquinot, Regard critique sur la notion de réserve transitoire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel :  AJDA 2018, p. 2007.

[4] Sur cette différence entre réserves d'interprétation et réserves transitoires : N. Jacquinot, op. cit.

[5] Maxime Charité, Réserves d'interprétation transitoires dans la jurisprudence QPC : AJDA 2015, n° 29, pp. 1622-1625

[6] Pour une critique de ce pouvoir, P. Puig, Le Conseil constitutionnel et la modulation dans le temps des décisions QPC : RTD civ. 2010, p. 517.

[7] Le Conseil se plait en effet à rappeler au gré de ses décisions qu'il « n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'indiquer les modifications qui doivent être retenues pour qu'il soit remédié à l'inconstitutionnalité constatée » : Cons. constit. 6 septembre 2019 : déc. n°2019-799/800 QPC (Conditions de la libération conditionnelle pour les étrangers condamnés pour terrorisme) ou encore que : « Le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement. Il ne lui appartient pas d'indiquer les modifications qui doivent être retenues pour qu'il soit remédié à l'inconstitutionnalité constatée » : Cons. constit. 29 mars 2019 : déc. n° 2019-770 QPC (Lecture donnée aux jurés par le président de la cour d'assises avant le vote sur l'application de la peine) ; 15 février 2019, déc. n° 2018-765 QPC (Droit des parties non assistées par un avocat et accès au rapport d'expertise pénale) ; 14 septembre 2018 : déc. n° 2018-730 QPC (Absence d'obligation légale d'aviser le tuteur ou le curateur d'un majeur protégé de son placement en garde à vue) ; 9 déc. 2016, déc. n° 2016-601 QPC (Exécution provisoire des décisions prononcées à l'encontre des mineurs).

[8] A titre d'exemples : Cons. constit., 30 sept. 2021, n° 2021-934 QPC (Information du prévenu du droit qu'il a de se taire devant le JLD appelé à statuer sur des mesures de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique dans le cadre de la procédure de convocation par procès-verbal) ; 30 sept. 2021, n° 2021-935 QPC (Information de la personne mise en examen du droit qu'elle a se taire devant le JLD appelé à statuer sur une mesure de détention provisoire dans le cadre d'une procédure d'instruction) ; 18 janv. 2024, déc. n° 2023-1076 QPC.

[9] Les réserves transitoires sont ainsi présentées comme un « procédé original [qui] permet au Conseil d'imaginer et d'écrire une législation "temporaire" » :  D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, Chronique de jurisprudence constitutionnelle 2014, RD publ. 2015. 227.

[10] P. Puig, Le Conseil constitutionnel et la modulation dans le temps des décisions QPC, RTD civ. 2010, p. 517.

[11] Cons. constit., 18 janv. 2024 déc. n° 2023-1076 QPC : S. Trifkovic, Stefan, Jamais deux sans trois : une nouvelle inconstitutionnalité de l'article 706-113 du code de procédure pénale , Actualité juridique Pénal, février 2024, n° 2, p. 107 ; I. Maria, Nouvelle déclaration d'inconstitutionnalité pour l'article 706-113 du code de procédure pénale, Droit de la famille, mars 2024, n° 3 ; C. Lesay, Extension des garanties de la défense des majeurs protégés visés par une procédure pénale, Actualité juridique Famille, février 2024, n° 2, p. 105 ; V. Tellier-Cayrol, Nouvelle avancée constitutionnelle : l'obligation d'informer le tuteur ou le curateur en cas de défèrement du majeur protégé, D. 2024, n° 9, p. 452.

[12] Motif n°13.

[13] Cons. constit., 14 sept. 2018, déc. n°2018-730 QPC : D. 2018, p. 1757, D. 2019, p. 1248, obs. E. Debaets et N. Jacquinot, Constitutions 2018, p. 454 ; J. Buisson et A.-S. Chavent-Leclère, Inconstitutionnalité de l'absence d'information obligatoire du tuteur ou du curateur, Procédures, novembre 2018, n° 11, p. 23-24, E. Bonis, Absence d'obligation d'aviser le tuteur ou le curateur d'un majeur protégé de son placement en garde à vue in : « Chronique de droit pénal et de procédure pénale », Titre VII [En ligne], avril 2019, n° 2, p. 92-95 ; A.-C. Bezzina, L'autorité et les effets des décisions du Conseil constitutionnel [in : « Chronique de droit constitutionnel jurisprudentiel (2e semestre 2018)] », Les Petites Affiches, 30 juin 2020, n° 130, p. 18-20.

[14] Motif n°12.

[15] N. Jacquinot, Regard critique sur la notion de réserve transitoire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, op. cit.

[16] V. Tellier -Cayrol, Nouvelle avancée constitutionnelle : l'obligation d'informer le tuteur ou le curateur en cas de défèrement du majeur protégé : D. 2024, p. 452.

[17] Sur l'ensemble de l'évolution législative relative à la protection des majeurs protégés dans le cadre de la procédure pénale depuis la décision de la CEDH, Vaudelle contre France rendue en 2001, v. Le majeur protégé face à la justice pénale, dir. G. Raoul-Cormeil et A. Cerf-Hollender, Institut francophone pour la justice et la démocratie, coll. Colloques et Essais, 2023.

[18] C. pr. pén., art. 706-113 tel qu'issu de la loi du 25 fév. 2008 : « Le procureur de la République ou le juge d'instruction avise le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, des poursuites dont la personne fait l'objet. Il en est de même si la personne fait l'objet d'une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d'une composition pénale ou d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté ».

[19] Cons. constit., 15 janv. 2021, déc. n° 2020-873 QPC : D. 2021, p. 619, note V. Tellier -Cayrol et p. 1564, obs. J.-B. Perrier.

[20] Cons. const., 12 févr. 2021, n°2020-884 QPC. Au sujet de cette décision, v. aussi E. Bonis, Création d'une obligation d'information du mandataire désigné pour représenter ou assister le condamné placé sous un régime de protection lors des audiences de jugement en phase d'application des peines : Dr. pénal 2021, étude n°9.

[21] Les effets de cette décision furent toutefois plus limités comparativement aux autres décisions relatives à l'article 706-113. En effet, les dispositions contestées n'étaient plus en vigueur au moment de l'adoption de la décision. Le législateur avait anticipé la déclaration d'inconstitutionnalité et modifié l'article 712-6 du code par la loi n° 2020-1672 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée du 24 décembre 2020 (art. 27) soit à une époque où la QPC était encore pendante devant le Conseil. Désormais, un nouvel article 712-16-3 prévoit également une obligation d'aviser le tuteur en ces termes : « Lorsque le condamné est une personne majeure faisant l'objet, conformément à l'article 706-112, d'une mesure de protection juridique, son curateur, son tuteur ou la personne désignée en application des articles 706-114 ou 706-117 est avisé de la date du débat contradictoire prévu à l'article 712-6 ou de l'audience prévue à l'article 712-13 ».

[22] Ce substantif est utilisé par N. Jacquinot dans son étude, op. cit.

[23] Nous reprenons ici les termes utilisés par le Professeur A. Botton in Le droit de se taire, un grief efficace : Rev. sc. crim. 2022, p. 419.

[24] A propos de l'ensemble de ce contentieux, v. M. Brenaut, Un an de QPC en matière pénale, Dr. pénal 2021, chron. 10.

[25] Cons. constit., 4 mars 2021, n°2020-886 QPC (au sujet de l'information du prévenu du droit qu'il a de se taire devant le JLD en cas de comparution immédiate) : D. 2021, p. 473 ; 9 avril 2021, n° 2021-895/901/902/903 QPC (au sujet de l'information de la personne mise en examen du droit qu'elle a de se taire devant la chambre de l'instruction) : D. 2021, p. 699.

[26] Cons. constit., 30 sept. 2021, n°2021-934 (au sujet de l'information du prévenu du droit qu'il a de se taire devant le JLD appelé à statuer sur des mesures de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence dans le cadre de la procédure de convocation par  procès-verbal) : D. 2021, p. 1768 ; 30 sept. 2021, n°2021-935 (au sujet de de l'information de la personne mise en examen du droit qu'elle a de se taire devant le JLD appelé à statuer sur une mesure de détention provisoire dans le cadre d'une procédure d'instruction) : D. 2021, p. 1767 ; 25 fév. 2022, n°2021-975 QPC (au sujet de l'information de la personne mise en cause du droit qu'elle a de se taire lors d'un examen réalisé par  une personne requise par le procureur de la République) : D. 2022, p. 690 , note V. Tellier-Cayrol, AJ famille 2022, note 110, obs. L. Mary. Sur l'ensemble de ces décisions, A. Botton, Le droit de se taire, un grief efficace : Rev. sc. crim. 2022, p. 419.

[27] V. par ex. C. pr. pén., art. 145, 148-2, 199, 394 ou 396. Il est vrai que ces textes ont aussi pour objectif de rappeler à la personne qu'elle a le droit de faire des déclarations et de répondre aux questions qui lui sont posées et pas seulement de lui notifier le droit qui est le sien de garder le silence.

[28] Ajout de cet alinéa par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

[29] Cons. constit., 17 mai 2024, n° 2024-1089 QPC.

[30] Motif n° 15.

[31] D. Rousseau, Le Conseil constitutionnel, maître des horloges : Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 54 (dossier : La Constitution et le temps) - janvier 2017 ; E. Bonis, Les trains n'arrivent que rarement à l'heure : de quelques réflexions sur la fabrique de la loi de procédure pénale, in Mélanges Philippe Conte, LexisNexis, 2023, p. 137 et s.

[32] A propos du travail d'horloger du législateur en procédure pénale et de sa comparaison avec la procédure pénale constitutionnelle telle qu'elle résulte des décisions du Conseil : Ph. Conte, La matière pénale revue par le Conseil constitutionnel : Jus Politicum, Revue de droit politique, n°21 : [https://juspoliticum.com/article/La-matiere-penale-revue-par-le-Conseil-constitutionnel-Hommage-tout-en-nuances-a-la-science-infuse-des-omniscients-1260.html]

[33] On relèvera que par la loi n° 2018-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur avait amorcé une telle prise en compte plus globale de la portée de la décision en insérant dans le code des dispositions relatives à la garde à vue – répondant ainsi à la « commande » du Conseil constitutionnel – mais aussi en ajoutant – au-delà donc de la stricte exigence formelle de la décision du Conseil – des dispositions relatives à l'audition libre. A ce sujet, v. E. Bonis, Les trains n'arrivent que rarement à l'heure, op. cit., n° 11 et 23.

[34] D'aucuns pourraient dire des décisions rendues par le Conseil en matière de droit de se taire qu'elles viennent contredire cet argument puisque, nonobstant la réforme et l'inscription à l'article préliminaire du code du droit de se taire, le Conseil poursuit ses censures avec réserves transitoires. V. supra note 27. Néanmoins, il peut être aussi argué qu'elles le confortent en soulignant que le travail législatif est en ce domaine des plus perfectibles en raison de la redondance des textes spéciaux avec l'article préliminaire du code. En effet, à partir du moment où l'article préliminaire pose, dans toute son étendue, l'obligation d'information d'une personne mise en cause dans la procédure du droit qui est le sien de se taire, ne faudrait-il pas opérer un toilettage du code en supprimant toutes les dispositions faisant état de cette obligation. C'est en effet la présence de dispositions spéciales qui laissent penser que, dans le silence d'autres textes, une telle obligation n'existe pas. En supprimant tous les textes spéciaux, l'article préliminaire prendrait alors tout son sens. La refonte du code de procédure pénale à l'étude pourrait être l'occasion de cette simplification. A ce sujet, E. Bonis, La refonte du code de procédure pénale, rapport de synthèse, éd. L'Harmattan, 2024, p. 157 et s., spéc. n°2.

[35] Une rédaction qui n'a de nouveau que le fait d'avoir ajouté en tête de l'article 706-113 , alinéa 1, la mention suivante : « Sans préjudice de l'application des articles 706-112-1 à 706-112-3, l ».

[36] Dans le cas des décisions relatives au droit de se taire, on peut même penser que cela rend les décisions du Conseil plus critiquables encore car la loi est déjà venue suppléer à ses propres carences par l'ajout d'un alinéa très général à l'article préliminaire du code applicable à tous les stades de la procédure et rendant dès lors la réécriture des textes spéciaux inutiles à la protection des droits du justiciable. V. déjà en ce sens, A. Botton, op. cit.

[37] N. Jacquinot, op. cit. Sur la « fonction objective », v. M. Charité, art. préc.

[38] Pourquoi pas, un avocat qui maitriserait l'art du maniement de la QPC même si cela le conduirait à lire le code de procédure pénale à la manière dont le délinquant lit le code pénal, soit en étant à l'affût des lacunes que suggèrent de précédentes décisions QPC.

[39] Par ex. Cons. const., 18 mars 2015, déc. n° 2014-453/454 QPC et n° 2015-462 QPC relatives au cumul des poursuites pour délit d'initié et des poursuites pour manquement d'initié.

[40] Ph. Conte, La matière pénale revue par le Conseil constitutionnel, op. cit.

[41] Sur cette idée d'un contentieux QPC alimenté par le contentieux lui-même, nos remarques in Les trains n'arrivent que rarement à l'heure, op. cit., n°23.

Mis à jour le 09/09/2024