Que démontrer pour le renvoi d'une QPC au Conseil ? (16)

12/12/2022

Que faut-il démontrer pour qu'une QPC soit renvoyée au Conseil constitutionnel ?

 

Pour qu'une QPC soit renvoyée au Conseil constitutionnel, il faut démontrer que 4 conditions sont réunies :

  • elle doit contester une disposition législative 
  • cette disposition doit être applicable au litige à l'occasion duquel la QPC est posée ou constituer le fondement des poursuites 
  • la disposition ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution 
  • la question doit être nouvelle ou présenter un caractère sérieux

 

Comment s'assurer que la disposition contestée est une disposition législative pouvant faire l'objet d'une QPC ?

Dans la plupart des cas, le caractère législatif de la disposition est facile à établir, en particulier quand elle a été adoptée par le Parlement. Mais il existe des hypothèses particulières dues à l'ancienneté de la disposition (par exemple un texte adopté à l'époque révolutionnaire) ou à ses modalités particulières d'adoption (par exemple une ordonnance de l'article 38 de la Constitution). Dans ce cas, il est possible de se référer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

 

Quelles dispositions législatives peuvent être contestées par une QPC ?

[voir "Quelles dispositions législatives peuvent être contestées par une QPC ?"]

 

Où peut-on trouver la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la notion de "disposition législative" ?

Chaque décision du Conseil constitutionnel est analysée par le secrétariat général qui rédige des résumés analytiques (abstracts) de chaque point jugé dans la décision. Ces résumés viennent alimenter un document général ordonné selon un plan de classement thématique.

Ce document, appelé "tables", présente ainsi toute la jurisprudence de façon synthétique et accessible par thème. Les résumés analytiques relatifs au caractère législatif ou non d'une disposition au sens de la procédure QPC figurent aux titres 11.6.2.1.2 (Caractère législatif des dispositions) et 11.6.2.1.3 (Absence de caractère législatif des dispositions) des tables.

Plus de précisions sur les tables d'analyses du Conseil constitutionnel.

 

Comment démontrer qu'une disposition est applicable au litige ou à la procédure ou qu'elle constitue le fondement des poursuites ?

La QPC doit porter sur une disposition applicable au litige ou à la procédure ou qui constitue le fondement des poursuites. Cette condition peut être contestée par les autres parties au litige ou être jugée comme non remplie par le juge du filtre.

L'applicabilité peut être évidente, notamment lorsque la disposition commande l'issue du litige. Tel est par exemple le cas de la loi qui reconnaît un avantage à l'une des parties, que l'autre conteste ou encore celui de la loi qui détermine l'infraction pour laquelle une personne est poursuivie. Dans certaines situations, celle-ci peut être sujette à discussion. Il convient alors de se référer à la jurisprudence élaborée par le Conseil d'État et la Cour de cassation.

 

Qu'est-ce qu'une disposition applicable au litige ou à la procédure ou qui constitue le fondement des poursuites ?

[voir "Quelles dispositions législatives peuvent être contestées par une QPC ?"]

 

Où peut-on trouver de la jurisprudence sur la notion d'applicabilité au litige ou à la procédure et de fondement des poursuites ?

Il revient au seul juge administratif ou judiciaire saisi de la QPC, sous le contrôle du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, d'apprécier ces critères. Le Conseil constitutionnel a jugé qu'il ne lui appartenait pas de remettre en cause cette appréciation.

En cas de doute quant au caractère applicable au litige de la disposition contestée ou de contestation de celui-ci, il convient donc de se reporter à la jurisprudence du Conseil d'État ou à celle de la Cour de cassation pour connaître les critères dégagés par ces deux juridictions.

Leurs décisions peuvent être trouvées sur le site Internet du Conseil d'État pour la jurisprudence administrative et sur celui de la Cour de cassation pour la jurisprudence judiciaire.

 

Comment démontrer qu'une disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution ?

Une disposition législative ayant déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ne peut, sauf en cas de changement des circonstances intervenu depuis la décision de conformité, faire l'objet d'une QPC. Avant de déposer une QPC, il faut donc s'assurer que la disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution.

 

Qu'est-ce qu'une disposition qui n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution ?

voir "Qu'est-ce qu'une disposition qui n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution ?"

 

Comment savoir si le Conseil constitutionnel a déjà examiné la conformité à la Constitution d'une disposition législative ?

Il peut être recherché dans les décisions du Conseil constitutionnel si la disposition contestée a déjà été mentionnée. Dans l'affirmative, il faut regarder si elle apparaît déclarée comme conforme à la Constitution, à la fois, dans la partie de sa décision où le juge expose son raisonnement (on parle des "motifs" de la décision) et dans celle où il conclut (on parle du "dispositif" de la décision, rédigé sous forme d'articles).

Les services du Conseil constitutionnel ont mis en place un fichier qui recense les dispositions législatives qui satisfont cette condition. Tout un chacun peut le consulter sur le site Internet du Conseil.

Pour chacune des dispositions, les références suivantes sont indiquées :

  • la disposition déclarée conforme ;
  • le texte législatif ayant créé ou modifié cette disposition ;
  • la décision du Conseil constitutionnel dans laquelle la conformité a été déclarée.

Les informations figurant sur le fichier sont données à titre purement indicatif.

 

Comment démontrer qu'une disposition déjà déclarée conforme à la Constitution peut tout de même faire l'objet d'une QPC ?

Une disposition ayant déjà été déclarée conforme à la Constitution peut être contestée par une QPC si un "changement des circonstances", intervenu depuis cette déclaration de conformité, est de nature à le justifier. Il appartient à celui qui dépose la QPC de démontrer l'existence d'un tel changement. Le Conseil constitutionnel a déjà admis plusieurs types de changement des circonstances.

 

Qu'est-ce qu'un changement des circonstances ?

Un changement des circonstances justifiant le réexamen d'une disposition déjà déclarée conforme à la Constitution est un changement intervenu dans les normes de constitutionnalité applicables ou dans les circonstances, de droit ou de fait, qui affectent la portée de la disposition législative critiquée.

Les normes de constitutionnalité applicables peuvent avoir évolué en raison d'une révision constitutionnelle ou à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel donnant une nouvelle portée à une de ces normes.

Un changement des circonstances de droit peut résulter de la modification de la portée de la disposition contestée en raison de l'évolution de la jurisprudence du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ou de la modification de l'environnement législatif de cette disposition (par exemple quand son champ d'application est déterminé par une autre disposition législative qui a été modifiée depuis la décision de constitutionnalité). Le Conseil constitutionnel a également admis qu'un tel changement puisse procéder d'une difficulté dans la détermination du champ d'application d'une réserve d'interprétation qu'il a édictée.

Le Conseil a, dans une décision, pris en compte le recours accru à la garde à vue et une évolution dans les conditions de mise en œuvre de certaines règles de procédure pénale pour juger que ces changements de circonstance de fait cumulés avec d'autres changement de circonstances de droit justifiaient un réexamen des dispositions législatives relatives à la garde à vue.

En revanche, la notion de changement des circonstances de fait ne renvoie pas aux circonstances de fait propres au cas d'espèce qui a donné lieu à l'instance à l'occasion de laquelle la QPC a été soulevée.

 

Où peut-on trouver la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la notion de "changement des circonstances" ?

Chaque décision du Conseil constitutionnel est analysée par le secrétariat général qui rédige des résumés analytiques (abstracts) de chaque point jugé par une décision donnée. Ces résumés viennent alimenter un document général ordonné selon un plan de classement thématique.

Ce document, appelé "tables", présente ainsi toute la jurisprudence de façon synthétique et accessible par thème. Les résumés analytiques relatifs à la notion de changement des circonstances figurent aux titres 11.8.7.1.1.4.1 (Refus de reconnaître un changement des circonstances) et 11.8.7.2.8 (Changement des circonstances) des tables.

Plus de précisions sur les tables d'analyses du Conseil constitutionnel.

 

Comment démontrer qu'une question est nouvelle ou sérieuse ?

Une QPC doit être renvoyée au Conseil constitutionnel si la question posée est nouvelle ou si elle est sérieuse. Il appartient à l'auteur de la QPC qui se prévaut du caractère nouveau ou sérieux de sa question de le démontrer.

 

Qu'est-ce qu'une question nouvelle ?

Il n'existe pas de définition de la "question nouvelle".

Toutefois, une question est nouvelle notamment si sa résolution suppose l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'a pas eu l'occasion de faire application.

Ce critère permet également au Conseil d'État et à la Cour de cassation d'apprécier l'intérêt de saisir le Conseil constitutionnel en fonction de ce critère alternatif à celui de la question sérieuse. Ainsi, une QPC peut être renvoyée au Conseil constitutionnel au motif qu'elle porte sur un sujet de société faisant l'objet d'un large débat qu'il importe de trancher définitivement. Par exemple, a été renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la constitutionnalité de la législation relative à la fin de vie.

Il s'agit ici d'un exemple, d'autres hypothèses de questions nouvelles ayant été admises par le Conseil d'État et la Cour de cassation.

En revanche, une question ne peut être nouvelle au seul motif que la disposition législative contestée n'a pas déjà été examinée par le Conseil constitutionnel.

 

Où peut-on trouver la jurisprudence sur la notion de question nouvelle ?

Chaque décision du Conseil constitutionnel est analysée par le secrétariat général qui rédige des résumés analytiques (abstracts) de chaque point jugé par une décision donnée. Ces résumés viennent alimenter un document général ordonné selon un plan de classement thématique.

Ce document, appelé "tables", présente ainsi toute la jurisprudence de façon synthétique et accessible par thème. Les résumés analytiques relatifs à la notion de question nouvelle figurent au titre 11.2.5. des tables.
Il est possible de se référer aux décisions du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ayant reconnu ou écarté l'existence d'une question nouvelle. Leurs décisions respectives peuvent être trouvées sur le site Internet du Conseil d'État et sur celui de la Cour de cassation.

Plus de précisions sur les tables d'analyses du Conseil constitutionnel.

 

Qu'est-ce qu'une question sérieuse ?

Le caractère sérieux d'une question signifie qu'il existe un doute sérieux quant à la constitutionnalité de la disposition contestée.
Il ne se limite donc pas aux cas où la disposition est à l'évidence contraire à la Constitution. Mais il tend à ce que le Conseil constitutionnel ne soit saisi qu'à bon escient.
Le Conseil constitutionnel juge que ce critère ne peut être contesté devant lui. Il relève donc de la seule appréciation des juges du filtre.