Quand et pourquoi la procédure de QPC a-t-elle été instaurée ?
La procédure de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est une création récente. Instaurée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, elle est entrée en vigueur le 1er mars 2010.
Elle a remédié à ce qui était parfois dénoncé comme une lacune du contrôle de constitutionnalité à la française : une loi ne pouvait être contestée que dans le court intervalle entre son adoption par le Parlement et sa promulgation par le Président de la République (on parle de contrôle a priori). Une fois entrées en vigueur, les lois échappaient à ce contrôle.
La procédure de QPC a justement été conçue pour permettre à tout justiciable, à l’occasion de son procès, de contester la conformité à la Constitution de la loi qui s’applique à lui. On parle d’un contrôle a posteriori.
D'où vient l'idée de la QPC ?
L’idée de compléter le contrôle de constitutionnalité a priori des lois par un contrôle a posteriori est ancienne. Elle a été notamment formulée, le 3 mars 1989, par Robert Badinter lorsqu’il était Président du Conseil constitutionnel.
Reprise ensuite par le Président de la République, François Mitterrand, à l’occasion du bicentenaire de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, elle donnera lieu au dépôt d’un projet de loi constitutionnelle le 30 mars 1990. Toutefois, ce projet ne sera pas adopté, faute de l’adoption d’un texte commun par les deux Chambres.
Ce projet sera repris, en 1993, par le Comité consultatif pour la révision de la Constitution, dit "Comité Vedel", mis en place par le Président François Mitterrand. Un nouveau projet de loi constitutionnelle sera présenté, en vain, devant le Parlement.
Lionel Jospin, alors Premier ministre, relancera l’idée, huit ans plus tard, lors du centenaire de la loi de 1901 célébré au Conseil constitutionnel.
Six ans après, l’idée sera une nouvelle fois reprise par le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, dit "Comité Balladur", mis en place par Nicolas Sarkozy, Président de la République. Le projet de loi de révision constitutionnelle déposé sur la base des travaux de ce comité s’en inspirera, ce qui permettra la création de la procédure de QPC le 23 juillet 2008.
Les grandes dates de la QPC
23 juillet 2008 : adoption de la révision constitutionnelle qui prévoit l’instauration de la procédure de QPC (article 61-1 de la Constitution).
10 décembre 2009 : par une loi organique, le Parlement définit le régime juridique de cette nouvelle procédure et décide de la nommer "question prioritaire de constitutionnalité".
4 février 2010 : le Conseil constitutionnel adopte son règlement intérieur sur la procédure suivie, devant lui, pour la procédure QPC.
1er mars 2010 : entrée en vigueur de la procédure QPC. La première saisine du Conseil constitutionnel intervient un mois et demi plus tard, le 14 avril 2010. La décision sur cette QPC sera rendue le 28 mai 2010.
12 février 2019 : première audience QPC se tenant en dehors du siège du Conseil constitutionnel au Palais Royal. L’audience est accueillie par la Cour d’appel de Metz.
18 juin 2021 : pour la première fois, le nombre de décisions rendues dans le contentieux QPC dépasse celui des décisions, rendues dans le cadre du contrôle a priori du Conseil constitutionnel, dit "DC".
25 avril 2022 : le Conseil constitutionnel enregistre sa 1 000e saisine QPC.
10 janvier 2023 : lancement officiel du portail QPC 360°.
Quelles sont les grandes décisions QPC ?
Chaque décision QPC est importante parce qu’elle contribue à préciser le régime juridique de protection des droits et libertés constitutionnels et qu’elle conforte la loi ou purge l’ordre juridique de dispositions inconstitutionnelles. Toutefois, certaines décisions ont pu avoir un retentissement particulier, par les conséquences qu’elles ont entraînées.
Sans bien sûr prétendre à l’exhaustivité, on peut citer, par exemple, les décisions suivantes :
- la décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres [Garde à vue], qui déclare contraire à la Constitution la procédure de garde à vue applicable à l’époque, en particulier parce qu’elle prive la personne gardée à vue de l’assistance de son avocat ;
- la décision n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013, M. Franck M. et autres [Célébration du mariage - Absence de "clause de conscience" de l'officier de l'état civil] qui a déclaré conforme à la Constitution le fait que les officiers d’état civil ne puissent faire jouer une clause de conscience pour ne pas marier des époux de même sexe ;
- la décision n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014, M. Angelo R. [Organisation et régime intérieur des établissements pénitentiaires], censurant la loi pénitentiaire, faute qu’elle ait prévu les conditions dans lesquelles sont garantis les droits dont les personnes détenues continuent de bénéficier dans les limites inhérentes à la détention ;
- la décision n° 2017-651 QPC du 31 mai 2017, Association En marche ! [Durée des émissions de la campagne électorale en vue des élections législatives], par laquelle le Conseil constitutionnel a censuré une loi relative à l’octroi de temps d'antenne sur le service public, pendant la campagne présidentielle, parce qu’elle pouvait conduire à des situations où le temps d’antenne réservé à certains partis était manifestement hors de proportion avec leur participation à la vie démocratique de la Nation ;
- la décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, M. Cédric H. et autre [Délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger], par laquelle le Conseil constitutionnel a consacré le principe constitutionnel de fraternité, dont découle la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ;
- la décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes [Interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques], par laquelle le Conseil constitutionnel a consacré un objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains.