La QPC devant Conseil d’État et Cour de cassation (14)

12/12/2022

Le Conseil d’État et la Cour de cassation  peuvent être saisis directement d’une QPC, à l’occasion d’un litige plaidé devant eux, ou bien ils peuvent en être saisis, indirectement, car elle leur a été transmise par un premier juge.

Dans un cas, comme dans l’autre, leur rôle est le même : il leur appartient de juger si la QPC respecte bien les conditions de fond et de forme pour qu’elle soit renvoyée au Conseil constitutionnel.

 

Quelles sont les conditions de forme à respecter pour déposer ou défendre sa QPC devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation ?

Ces conditions de forme ne sont pas différentes de celles applicables devant le premier juge ["Quelles sont les conditions de forme à respecter pour déposer une QPC devant le juge de son litige ?"] : la QPC doit être posée par écrit, dans un mémoire distinct et motivé.

Bien entendu, lorsque le Conseil d’État et la Cour de cassation sont saisis de la QPC sur transmission d’un premier juge, la condition du mémoire distinct et motivé est en principe déjà satisfaite, puisqu’elle a été vérifiée par ce premier juge. Mais, ce faisant, il n’est en principe pas possible de développer devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation des fondements d’inconstitutionnalité différents de ceux du premier mémoire ou d’étendre le champ de la QPC initiale à de nouvelles dispositions législatives.

L’exigence d’un mémoire distinct et motivé vaut également lorsqu’est contesté devant le Conseil d’État et la Cour de cassation le refus, par un premier juge, de leur transmettre la QPC. La production de ce mémoire doit intervenir dans les délais de cassation.

 

Quelles sont les conditions de fond examinées par le Conseil d’État et la Cour de cassation pour transmettre la QPC au Conseil constitutionnel ?

Ces conditions sont au nombre de quatre. Trois sont communes avec celles examinées par le premier juge :

La dernière condition examinée par le Conseil d’État et la Cour de cassation leur est, en revanche, spécifique. Alors que le premier juge examine si la QPC n’est pas "dépourvue de caractère sérieux", c’est-à-dire fantaisiste, dilatoire ou manifestement infondée, ces deux juridictions s’assurent que la QPC présente un caractère sérieux, c’est-à-dire qu’il y a un doute sérieux sur la constitutionnalité de la disposition en cause ou bien qu’elle pose une question nouvelle, c’est-à-dire qu’elle s’appuie sur une disposition constitutionnelle sur laquelle le Conseil constitutionnel ne s’est pas encore prononcé ou qu’il y a un intérêt particulier à ce qu’il se prononce sur cette QPC.
Pour plus de précisions : "Comment démontrer qu’une question est nouvelle ou sérieuse ?".

 

Quelle est la procédure suivie devant le Conseil d’État et la Cour de cassation ?

Comme devant le premier juge, les parties à la procédure à l’occasion de laquelle la QPC a été posée peuvent présenter des observations pour défendre ou, au contraire, pour s’opposer à la QPC. Il leur est en principe laissé un délai d’un mois pour ce faire, sauf pour les QPC directement déposées devant le Conseil d’État pour lesquelles le juge fixe aux autres parties un "bref délai" pour produire des observations à l’encontre du mémoire du requérant.

En principe, les observations présentées devant ces deux juridictions suprêmes doivent l’être par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Il y a toutefois des exceptions à cette règle. C’est le cas, devant le Conseil d’État, si la requête dont était saisie la juridiction qui a décidé le renvoi était dispensée du ministère d’avocat devant cette juridiction. C’est également le cas, devant la Cour de cassation, lorsque la QPC a été posée dans un des matières où la représentation par avocat n’est pas obligatoire devant la Cour de cassation.

Les parties peuvent également être entendues à l’audience qui précède la délibération du juge.

 

Quelles décisions le Conseil d’État et la Cour de cassation peuvent-ils rendre ?

S’ils estiment que les conditions de fond et de forme de la QPC sont réunies, le Conseil d’État et la Cour de cassation en décident le renvoi au Conseil constitutionnel.

Si, en revanche, ils estiment qu’une de ces conditions manque, ils jugent qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la QPC ou que celle-ci est irrecevable.

Dans les deux cas, leur décision est motivée et le Conseil constitutionnel en reçoit une copie. Elle est également envoyée à la juridiction qui avait, le cas échéant, transmis la QPC et notifiée aux parties au procès, dans les 8 jours.

 

Dans quels délais se prononcent le Conseil d’État et la Cour de cassation ?

Le Conseil d’État et la Cour de cassation doivent se prononcer dans un délai de 3 mois à compter du moment où ils ont reçu la transmission de la QPC par le premier juge ou, s’ils en sont saisis directement, à compter du moment où la QPC leur a été présentée par le justiciable dans un mémoire distinct.

S’ils ne se prononcent pas dans ce délai de trois mois, la QPC est automatiquement transmise au Conseil constitutionnel.

 

Que se passe-t-il après la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ?

Si le Conseil d’État ou la Cour de cassation a décidé le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel, la décision lui est transmise, accompagnée des mémoires ou des conclusions des parties à la procédure.

Une fois le Conseil constitutionnel saisi, la procédure QPC va alors jusqu’à son terme, quel que soit, par ailleurs, le sort de la procédure qui a donné lieu à la QPC. Ainsi, même si le justiciable à l’origine de la QPC se désiste de son procès, le Conseil constitutionnel répondra à sa QPC : en effet, il y a un intérêt général à ce que le doute sur la constitutionnalité de la loi soit confirmé ou levé.

Pour ce qui concerne la procédure à l’occasion de laquelle la QPC a été posée, le Conseil d’État ou la Cour de cassation doivent en principe, si la QPC a été déposée devant eux, surseoir à statuer jusqu’à la décision du juge constitutionnel. Toutefois, il en va autrement quand le justiciable est privé de liberté à raison de l’instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. En outre, le Conseil d’État ou la Cour de cassation peuvent statuer sans attendre lorsqu’ils sont tenus de se prononcer en urgence.

Dans le cas où, du fait de ces exceptions au sursis à statuer, une décision définitive a été rendue dans le cadre du procès initial sans attendre que le Conseil constitutionnel se soit prononcé sur la QPC, le justiciable peut introduire une nouvelle instance devant le juge administratif ou judiciaire afin qu’il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel.

Si, en revanche, le Conseil d’État ou la Cour de cassation juge qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel, alors la procédure à l’occasion de laquelle la QPC avait été posée reprend son cours, s’il avait été sursis à statuer dans l’attente de la réponse à la QPC.

 

Peut-on contester le refus du Conseil d’État ou de la Cour de cassation de renvoyer une QPC au Conseil constitutionnel ?

Non, leur décision est sans recours. Le cas échéant, elle s’impose à la juridiction qui a transmis la QPC.