La transposition des directives communautaires et le contrôle de constitutionnalité (mars 2016)
Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion d'élaborer, à partir de sa décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, une jurisprudence relative à la transposition en droit interne des dispositions d'une directive communautaire. Il a déduit de l'article 88-1 de la Constitution « qu'il appartient au Conseil constitutionnel, saisi dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution d'une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive communautaire, de veiller au respect de cette exigence ».
Si le Conseil constitutionnel veille, dans le cadre du contrôle a priori, au respect de cette exigence constitutionnelle, son contrôle est toutefois soumis à une double limite : « la transposition d'une directive ne saurait aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti » et le Conseil ne saurait « déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution qu'une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer » (décision n° 2006-540 DC).
Le Conseil constitutionnel est ainsi amené à s'assurer que les dispositions législatives de transposition ne méconnaissent pas manifestement la directive qu'elles ont pour objet de transposer (dans le sens de la méconnaissance, décision n° 2006-543 DC; dans le sens inverse, récemment, décision n° 2015-727 DC).
Il convient d'ajouter que, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a posteriori, l'exigence constitutionnelle de transposition des directives n'est pas au nombre des droits et libertés invocables par les requérants (décision n° 2010-79 QPC).
Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel a récemment donné lieu à de nouvelles précisions, tant dans le cadre du contrôle a priori que dans le cadre du contrôle a posteriori, lorsque sont en cause des dispositions législatives s'appliquant de la même manière à des situations régies par une directive communautaire et à des situations placées hors du champ de celle-ci.
Saisi, dans le cadre du contrôle a priori, de l'examen de telles dispositions législatives, le Conseil a dissocié leur examen : il les a contrôlées au regard des exigences de l'article 88-1 de la Constitution lorsqu'elles s'appliquent aux situations régies par l'exigence de transposition des directives, et au regard de l'ensemble des exigences constitutionnelles lorsqu'elles s'appliquent aux situations placées hors du champ de l'exigence de transposition (décision n° 2015-726 DC).
Dans le cadre du contrôle a posteriori, le Conseil a été saisi d'une contestation fondée sur la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi par des dispositions législatives dont l'interprétation par le juge compétent provoquait une discrimination à rebours. En effet, le juge de renvoi n'avait pas été en mesure de donner une interprétation unique à des dispositions législatives s'appliquant de la même manière à des situations régies par une directive communautaire et à des situations placées hors du champ de celle-ci : il avait interprété ces dispositions afin de les neutraliser lorsqu'elles s'appliquent à des situations régies par une directive communautaire afin de se conformer à l'exigence de transposition des directives ; en revanche, ces dispositions s'appliquaient littéralement aux situations placées hors du champ de la directive. Le Conseil constitutionnel a considéré que, dans le cadre du contrôle des dispositions intervenant hors du champ de la transposition au regard du principe d'égalité, il pouvait prendre en considération les dispositions intervenant dans le champ de la transposition pour opérer son contrôle (décision n° 2015-520 QPC). En l'espèce, il a jugé que la discrimination à rebours qui résultait des dispositions en cause telles qu'interprétées était contraire au principe d'égalité.