Le droit de se taire durant la procédure pénale

12/01/2023

Le droit de se taire à différents stades de la procédure pénale

Décision n° 2020-886 QPC du 4 mars 2021 : Information du prévenu du droit qu’il a de se taire devant le juge des libertés et de la détention en cas de comparution immédiate
[Non conformité totale - effet différé - réserve transitoire]

Décision n° 2021-894 QPC du 9 avril 2021 : Information du mineur du droit qu’il a de se taire lorsqu’il est entendu par le service de la protection judiciaire de la jeunesse
[Non conformité totale - effet différé - réserve transitoire]

Décision n° 2021-895/901/902/903 QPC du 9 avril 2021 : Information de la personne mise en examen du droit qu’elle a de se taire devant la chambre de l’instruction
[Non conformité totale - effet différé - réserve transitoire]

Décision n° 2021-920 QPC du 18 juin 2021 : Information du prévenu ou de l’accusé du droit qu’il a de se taire devant les juridictions saisies d’une demande de mainlevée du contrôle judiciaire ou de mise en liberté
[Non conformité totale - effet différé - réserve transitoire]

Droit de se taire

Saisi par la chambre criminelle de la Cour de cassation de différentes dispositions du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a été amené, entre le mois de mars et le mois de juin 2021, à préciser la portée du principe constitutionnel selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire.

Par sa décision n° 2020-886 du 4 mars 2021, il a jugé contraires à la Constitution, faute d’information du prévenu sur son droit de se taire, des dispositions concernant la procédure de présentation devant le juge des libertés et de la détention dans le cadre d’une comparution immédiate.

Il était saisi d’une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 396 du code de procédure pénale.

En application de l’article 395 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut saisir le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate pour le jugement de certains délits, lorsqu’il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l’affaire est en état d’être jugée. Le prévenu est alors retenu jusqu’à sa comparution, qui doit avoir lieu le jour même. S

Si, toutefois, la réunion du tribunal est impossible ce jour-là et si le procureur de la République estime que les éléments de l’espèce exigent une mesure de détention provisoire, l’article 396 du même code permet à ce dernier de traduire le prévenu devant le juge des libertés et de la détention en vue de procéder à un tel placement jusqu’à sa comparution devant le tribunal correctionnel, qui doit intervenir au plus tard le troisième jour ouvrable suivant. Aux termes des dispositions contestées, le juge des libertés et de la détention statue sur les réquisitions du ministère public aux fins de détention provisoire après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat.

Le Conseil constitutionnel a rappelé que, selon l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire.

À l’aune de ce cadre constitutionnel, le Conseil constitutionnel a relevé en premier lieu que, s’il appartient uniquement au juge des libertés et de la détention, par application des dispositions contestées, de se prononcer sur la justification d’un placement en détention provisoire, il ne peut décider une telle mesure privative de liberté, qui doit rester d’application exceptionnelle, que par une ordonnance motivée, énonçant les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement par référence à l’une des causes limitativement énumérées aux 1° à 6° de l’article 144 du code de procédure pénale. Ainsi, l’office confié au juge des libertés et de la détention par l’article 396 du même code peut le conduire à porter une appréciation des faits retenus à titre de charges par le procureur de la République dans sa saisine.

Le Conseil constitutionnel a déduit qu'en ne prévoyant pas que le prévenu doit être informé de son droit de se taire, les dispositions contestées portaient atteinte à ce droit.

En second lieu, lorsqu’il est invité par le juge des libertés et de la détention à présenter ses observations, le prévenu peut être amené à reconnaître les faits qui lui sont reprochés. En outre, le fait même que ce magistrat invite le prévenu à présenter ses observations peut être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire. Or, si la décision du juge des libertés et de la détention est sans incidence sur l’étendue de la saisine du tribunal correctionnel, en particulier quant à la qualification des faits retenus, les observations du prévenu sont susceptibles d’être portées à la connaissance de ce tribunal lorsqu’elles sont consignées dans l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ou le procès-verbal de comparution.

De ces deux séries de motifs, le Conseil constitutionnel a déduit que, en ne prévoyant pas que le prévenu traduit devant le juge des libertés et de la détention doit être informé de son droit de se taire, les dispositions contestées portaient atteinte à ce droit. Il les a en conséquence déclarées contraires à la Constitution.

Par des motifs analogues, il a censuré, par sa décision n° 2021-895/901/902/903 QPC du 9 avril 2021 des dispositions de l’article 199 du code de procédure pénale faute qu’elles aient prévu l’information de la personne mise en examen du droit qu’elle a de se taire devant la chambre de l’instruction.

Puis, par sa décision n° 2021-894 QPC du 9 avril 2021, il a censuré des dispositions de l’article 12 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante faute qu’elles aient prévu l’information du mineur du droit qu’il a de se taire lorsqu’il est entendu par le service de la protection judiciaire de la jeunesse.

Enfin, par sa décision n° 2021-920 QPC du 18 juin 2021, il a censuré des dispositions de l’article 148-2 du code de procédure pénale à défaut qu’elles aient prévu l’information du prévenu ou de l’accusé du droit qu’il a de se taire devant les juridictions saisies d’une demande de mainlevée du contrôle judiciaire ou de mise en liberté.

Retrouvez les dossiers complets des décisions et les vidéos des audiences sur le site du Conseil constitutionnel.
2020-886 QPC - 2021-894 QPC - 2021-895/901/902/903 QPC - 2021-920 QPC

Mis à jour le 25/09/2023